« Nous avons déjà connu des problèmes de viols auparavant dans la ville, mais la situation à laquelle nous assistons aujourd’hui a pris une ampleur jamais vue, » a indiqué Mama Hawo Haji, une activiste qui lutte pour les droits des femmes. « Ainsi, rien que dans les deux derniers jours [20 et 21 décembre], nous avons emmené 32 victimes de viol à l’hôpital ; et au cours des quatre derniers mois, nous en avons enregistré 80 cas. »
Il se peut même que les chiffres soient plus élevés, a fait remarquer Mme Haji, car beaucoup de femmes ne font pas de déclaration après le viol, de peur que les responsables de ce crime ne reviennent leur faire du mal.
« Dans de nombreux cas, les responsables sont des membres des forces de sécurité gouvernementales qui sont censés protéger les femmes. Cette situation a provoqué un climat de peur dans les camps, » a t-elle ajouté.
Pour Mme Haji, l’une des raisons de l’augmentation brutale des cas de viols est que les PDI sans protection, « qu’il s’agisse de la protection par le clan ou par le gouvernement », sont beaucoup plus nombreux dans la ville.
Mohamed Moge, un militant des droits de l’homme, a dit à IRIN que le gouvernement n’était pas en mesure de contrôler ses propres forces de sécurité. « Le TFG [Gouvernement fédéral de transition somalien] ne peut pas vraiment contrôler complètement ceux qu’il revendique comme son armée. »
Selon lui, la désorganisation au sein du TFG est « un facteur qui contribue largement à l’insécurité générale, et pas seulement les viols. »
Un activiste de la société civile, qui a demandé à garder l’anonymat, a indiqué à IRIN qu’à Badbadoo, l’un des plus grands camps de la ville, un bébé a été tué il y a quelques jours quand des hommes ont sauté par dessus la clôture pour essayer de violer des femmes. « L’un d’entre eux a atterri sur le bébé, qui est mort sur-le-champ. »
Parmi les PDI, nombreux sont ceux qui se sont enfuis de chez eux pour se rendre à Mogadiscio à cause de la sécheresse, de la famine et de la violence qui affectent les parties méridionales et centrales du pays, à la recherche de nourriture et de sécurité.
Jooqey* est arrivée à Mogadiscio en juin parce qu’elle cherchait de la nourriture pour sa famille. En novembre, des hommes en uniforme ont attaqué le camp de PDI où elle se trouvait et ont pillé ses rations alimentaires avant de la violer.
« Je venais de recevoir la nourriture cet après-midi là et ils le savaient. Ils ont pris ma nourriture et mon honneur, » a t-elle dit. « Je veux rentrer chez moi dès que possible. Je connais certains d’entre eux et je ne peux rien faire. »
Jooqey a dit qu’elle avait peur de porter plainte contre les violeurs auprès de qui que ce soit. « Je ne veux pas souffrir à nouveau. »
Roar Bakke Sorensen, spécialiste en communication auprès du Fonds des Nations Unies pour la population a indiqué à IRIN : « L’UNFPA est extrêmement inquiet de ces accusations qui nous parviennent presque chaque jour de Mogadiscio. Nous passons maintenant à la vitesse au-dessus… Le mois dernier, nous avons formé du personnel pour notre système de gestion de l’information nouvellement créé. Ce système est un outil que nous utilisons pour collecter et analyser les données, de façon à pouvoir cibler la réponse et fournir aux survivants une assistance appropriée qui respecte leurs droits en tant que personnes. »
Proposition de protection
Abdullahi Shirwa, directeur de l’Agence nationale de gestion des catastrophes en Somalie, a dit à IRIN que son organisme avait envoyé au gouvernement une proposition destinée à protéger tous les PDI.
« Nous avons proposé la création d’une unité spéciale pour protéger les camps. Nous avons également proposé que tout membre des forces de sécurité ou autre qui s’est rendu coupable de viol soit arrêté et rapidement puni d’une lourde sentence, » a indiqué M. Shirwa.
Son agence, a t-il ajouté, attend que le gouvernement agisse en réponse à sa proposition. « J’espère que nous allons recevoir bientôt une réponse positive. »
Cependant, selon Mme Haji, malgré le problème de l’augmentation du nombre de viols, le gouvernement ne s’en préoccupe pas et ne lui « accorde pas l’attention qu’il mérite. Il semble qu’ils [les membres du gouvernement] soient occupés à se battre entre eux au lieu de protéger la population. »
Les groupes de femmes, a t-elle dit, font de la sensibilisation sur la question et vont continuer à le faire « jusqu’à ce que quelqu’un nous écoute. Nous continuerons à crier sur les toits jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de viols.”
Mme Haji a lancé un appel aux hommes somaliens pour qu’ils se joignent aux femmes afin de mettre un terme à la menace : « Je veux que tous les Somaliens se souviennent que leur mère est une femme, que leur fille est une femme, que leur sœur est une femme et que leur épouse elle aussi en est une. Comment se sentiraient-ils, si c’était l’une d’elles qui s’était fait violer ? Je veux qu’ils ressentent de la colère à chaque fois qu’une femme est victime d’un viol. »
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* un nom d’emprunt
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