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Dure réalité pour les ONG égyptiennes

Civil society activist Maged Adeeb distributes information and talks to women about the importance of their political participation in the new Egypt. October 2011 Amr Emam/IRIN
Les responsables des organisations non gouvernementales (ONG) égyptiennes qui espéraient bénéficier d’une plus grande liberté d’action après la chute du gouvernement d’Hosni Moubarak disent assister à la situation contraire : les militaires qui dirigent le pays depuis la fin de la révolution ont mis en œuvre des mesures de répression sans précédent.

« Il est profondément perturbant qu’à la suite des manifestations historiques en faveur des libertés politiques fondamentales qui ont eu lieu en Égypte, l’armée égyptienne ait précisément pris pour cible la communauté qui milite pour la démocratie et la défense des droits de l’homme et qu’elle l’ait fait en utilisant des méthodes que le régime despotique de M. Moubarak n’osait même pas employer », a écrit Stephen McInerney, directeur du Projet pour la démocratie au Moyen-Orient (Project on Middle East Democracy, POMED), basé à Washington.

D’après les dirigeants des ONG, le gouvernement de transition, dirigé par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), mène une « campagne de diffamation » en les accusant de recevoir des millions de dollars de la part de donateurs étrangers pour déstabiliser le pays. Le gouvernement aurait même suggéré que les violences qui ont eu lieu dans les rues du Caire pendant et après la révolution avaient été rendues possibles grâce à des fonds étrangers acheminés par l’intermédiaire des ONG.

« Cette [campagne de diffamation] fait partie d’une longue série de difficultés pour les ONG nationales », a dit à IRIN Maged Adeeb, président du National Centre for Human Rights, une ONG locale. « En nous accusant de recevoir des fonds et de les utiliser pour affaiblir la sécurité du pays, le gouvernement crée un fossé infranchissable entre les citoyens ordinaires et nous ».

Lors d’une conférence au Caire, Negad Al Borae, un important activiste de la société civile, a dit que le nouveau gouvernement collaborait avec certaines puissances politiques – c’est-à-dire des membres de l’ancien parti au pouvoir – pour éliminer les ONG égyptiennes.

Si la loi égyptienne 84/2002 n’interdit pas aux ONG d’obtenir du financement de la part de donateurs étrangers, elle exige cependant qu’elles s’enregistrent auprès du gouvernement et que tous les fonds versés soient approuvés par le ministère de la Solidarité sociale. En 2010, le gouvernement a déposé devant le Parlement un projet de loi qui restreignait encore davantage les pouvoirs des ONG et accordait aux services de sécurité de l’État le pouvoir d’approuver ou de refuser le versement de fonds internationaux aux ONG (le projet de loi a été adopté et promulgué sous forme de loi).

Aide américaine aux ONG

Les problèmes ont commencé lorsque l’ambassadrice américaine en Égypte, Anne Patterson, a dit que les États-Unis avaient dépensé 40 millions de dollars en Égypte depuis la révolution pour « promouvoir la démocratie ». Elle a par ailleurs ajouté que 600 ONG égyptiennes avaient déposé des demandes de financement.

Le gouvernement a réagi en disant qu’aucune des ONG enregistrées ne l’avait avisé de la réception de tels fonds. En juillet, le ministre de la Coopération internationale Faiza Abul-Naga a annoncé la tenue d’une enquête sur le financement d’ONG non enregistrées par des bailleurs de fonds étrangers, ajoutant qu’un tel financement est considéré comme « une ingérence dans les affaires intérieures du pays ».

Depuis le mois de février, les organisations nationales et internationales ont reçu des dizaines de millions de dollars de la part de bailleurs de fonds étrangers. Selon une source des médias, la somme reçue s’élèverait à 225 millions de dollars.

« Cette [campagne de diffamation] fait partie d’une longue série de difficultés pour les ONG nationales. En nous accusant de recevoir des fonds et de les utiliser pour affaiblir la sécurité du pays, le gouvernement crée un fossé infranchissable entre les citoyens ordinaires et nous »
En septembre, le cabinet a indiqué que l’enquête du gouvernement avait permis d’identifier environ 30 ONG qui, n’étant pas enregistrées, recevaient illégalement des fonds étrangers. Un article publié par le quotidien Al-Fagr cite parmi les entités « illégales » des ONG réputées comme le Centre Hisham Moubarak pour le droit, l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme (CIHRS) et l’Institut national démocratique (NDI).

Selon M. McInerney, du POMED, nombre d’entre elles s’étaient enregistrées comme des sociétés civiles, des cabinets d’avocats ou d’autres entités légales supervisées par des ministères moins intrusifs et soumises à des lois moins restrictives.

Accusations de trahison

Le ministre de la Justice Mohamed Abdel Aziz al-Guindi a indiqué que ces organisations devraient faire face à des accusations de trahison pour avoir conspiré contre le pays en faisant parvenir des informations « sensibles » à des parties étrangères.

Des activistes de la société civile comme M. Adeeb ont dit que le gouvernement avait procédé à un examen approfondi de leurs finances en demandant aux responsables de la Banque centrale l’autorisation de contrôler les transactions bancaires effectuées afin de vérifier leur cohérence avec les états financiers qui lui avaient été remis.

Le 9 octobre, le ministre de la Justice a convoqué cinq activistes de la société civile et les a accusés d’utiliser des fonds étrangers pour fomenter la violence pendant la révolution.

« L’existence d’organisations comme la nôtre a toujours été une source d’irritation pour les gouvernements dictatoriaux », a dit Emad Abdel Qawy, directeur de l’ONG Justice and Citizenship Center for Human Rights (JCCR), basée à Minya, dans le sud de l’Égypte. « Voilà pourquoi le gouvernement se fait un plaisir de mettre un frein à notre travail ou même de ternir notre réputation ».

Le gouvernement estime toutefois que les ONG devraient faire preuve de plus de transparence au sujet des fonds qu’elles reçoivent.

« Je ne comprends pas pourquoi les activistes de la société civile s’inquiètent lorsque le gouvernement leur demande des informations sur le financement qu’ils reçoivent », a dit le ministre de la Solidarité sociale Gouda Abdel Khaliq en septembre dans une interview sur la chaîne de télévision privée Dream TV. « Si elles n’ont rien à se reprocher, ces organisations n’ont rien à craindre ».

Changement de perception

Les activistes de la société civile ne sont pas les seuls à manifester leur préoccupation. Le 9 octobre, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH), un réseau international qui rassemble des groupes de défense des droits, a envoyé une
délégation au Caire pour enquêter sur la question de la liberté d’association.

L’organisation a appelé à mettre fin à ce qu’elle a appelé le « harcèlement » des ONG égyptiennes. Human Rights Watch (HRW) a également condamné l’attitude du gouvernement envers les ONG et appelé à l’abandon immédiat des poursuites pour « trahison ».

La campagne du gouvernement contre les ONG semble malgré tout avoir modifié la perception qu’ont les Égyptiens ordinaires de la société civile. Des militants racontent qu’il arrive souvent que des gens leur posent des questions sur la provenance de leurs fonds au lieu de s’intéresser à leurs programmes de développement ou à leurs campagnes de sensibilisation politique.

« C’est devenu une question très fréquente », a dit Emad Abdel Qawy, du JCCR. « Ce qui est curieux, c’est qu’aucun de ces citoyens ne s’était intéressé à la provenance des fonds avant ».

M. Abdel Qawy avait échappé de justesse à une attaque dans le gouvernorat de Qena, dans le sud du pays, où il s’était rendu avec d’autres activistes pour présenter un spectacle théâtral sur l’importance de la participation politique. Les attaquants ont pénétré à l’intérieur du théâtre et battu les activistes avec des bâtons. Ils ont traité M. Abdel Qawy de « traître » et d’« agent à la solde [de puissances étrangères] ».

La majeure partie des quelque 30 000 ONG égyptiennes œuvre dans les domaines de l’éducation politique, de la défense des droits de l’homme et du développement.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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