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La menace d’une « guerre pour la nourriture et l’espace »

Millet is a staple food in Niger, March 2011 Jaspreet Kindra/IRIN
Millet is a staple food in Niger
Selon les experts, la forte densité de population, le faible soutien accordé par les gouvernements aux agriculteurs ainsi que la médiocrité des infrastructures et des méthodes de culture ont entraîné une insécurité alimentaire chronique dans la région africaine des Grands Lacs, malgré un climat favorable à diverses cultures.

« L’Afrique centrale est confrontée à un défi de taille : les petites exploitations agricoles peuvent-elles nourrir l’ensemble de la population de la région ? », s’interroge Nteranya Sanginga, directeur général désigné de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA).

À l’occasion d’une conférence organisée récemment dans la capitale rwandaise, Kigali, par le Consortium pour l’amélioration des moyens de subsistance à base d’agriculture en Afrique centrale (CIALCA), M. Sanginga a dit qu’une recherche intensive et pertinente en agriculture pourrait contribuer à nourrir une population qui ne cesse de croître.

« Sans ces recherches, nous risquons d’être plongés dans une situation de guerre, une guerre pour la nourriture et l’espace », a-t-il ajouté.

La petite taille des exploitations agricoles, qui couvrent souvent moins d’un demi-hectare, rend l’intensification de l’agriculture – c’est-à-dire l’augmentation de la productivité par unité de surface – nécessaire pour répondre aux besoins alimentaires croissants.

Dans deux pays de la région, le Rwanda et le Burundi, la densité de la population est d’environ 400 habitants par kilomètre carré.

Hors de l’Afrique subsaharienne, l’intensification de l’agriculture s’est surtout appuyée sur l’emploi d’engrais inorganiques et de produits agrochimiques, un travail intensif du sol et l’utilisation de variétés améliorées. Les experts recommandent cependant la mise en œuvre d’une intensification plus durable, notamment par la création de systèmes alimentaires qui sont en harmonie avec l’environnement.

« Si la forte demande de produits alimentaires et les contraintes environnementales (carbone, eau, biodiversité) semblent laisser peu d’autres options, l’intensification de l’agriculture doit cependant être durable », indique une étude présentée à l’occasion de la conférence et intitulée « Sustainable intensification and the food security challenge » [L’intensification durable et le défi de la sécurité alimentaire].

L’argent et la volonté politique

En Afrique subsaharienne, où les prix élevés des engrais limitent leur usage, l’octroi de terres supplémentaires a souvent permis d’augmenter la productivité agricole. Cette possibilité a cependant aussi ses limites.

« Le défrichage des forêts et des surfaces boisées et la mise en culture des prairies entraîneront l’émission d’une quantité non négligeable de gaz à effet de serre dans une atmosphère qui en est déjà saturée – avec les conséquences que cela implique pour le changement climatique et des effets potentiellement négatifs sur la productivité agricole », indique l’étude citée précédemment.

Les experts qui ont participé à la conférence ont par ailleurs insisté sur la nécessité d’améliorer le financement de l’agriculture et de renforcer la volonté politique, afin d’assurer la sécurité alimentaire régionale.

« Si la révolution verte n’a pas eu lieu dans la majeure partie de l’Afrique, c’est en partie à cause du manque de financement ; l’absence de volonté politique constitue une autre raison », a dit Henk Breman, chercheur principal au Centre international pour la fertilité des sols et le développement de l'agriculture (IFDC), une organisation non gouvernementale (ONG) qui œuvre pour la sécurité alimentaire.

Vu le faible soutien qui leur est accordé par le gouvernement, la médiocrité des infrastructures rurales et les coûts élevés des transports et des engrais, les agriculteurs peinent à passer [d’une agriculture traditionnelle] à une agriculture à haut rendement qui nécessite beaucoup d’intrants.

Selon un rapport de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) intitulé Green Revolution, Curse or Blessing [Révolution verte : malédiction ou bénédiction ?], « il ne suffit pas d’augmenter les réserves alimentaires existantes ».

« Les gouvernements doivent faire un effort concerté pour s’assurer que les petits producteurs bénéficient d’un accès équitable à la terre, au savoir et aux moyens de production modernes », indique le rapport, ajoutant qu’il existe un besoin pour des technologies agricoles pouvant être utilisées avec profit sur les exploitations de toutes tailles.

Stimuler la production

Selon Shem Michael Ndabikunze, directeur du Conseil agricole du Rwanda, l’accroissement des investissements dans l’agriculture a déjà porté ses fruits au Rwanda. La production alimentaire du pays a en effet augmenté au cours des dernières années.

M. Ndabikunze a dit que le fait d’avoir mis l’emphase sur la chaîne de valeur, c’est-à-dire toutes les activités réalisées entre la récolte du produit et sa vente au marché, avait contribué à stimuler la production. À l’heure actuelle, 53 pour cent des terres agricoles du Rwanda sont consolidées, ce qui signifie que les agriculteurs ont accès à des semences améliorées et des engrais subventionnés, a-t-il ajouté.

Selon le Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWS NET), les perspectives de sécurité alimentaire du Rwanda demeurent satisfaisantes jusqu’en décembre, car la majorité des marchés du pays sont correctement approvisionnés.

Les investissements dans le secteur se sont élevés à 10,1 pour cent du PIB en 2010 et devraient atteindre 12 pour cent en 2011. La Déclaration de Maputo, une initiative du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), recommande aux États membres [de l’Union africaine (UA)] d’allouer au moins 10 pour cent de leur PIB à l’agriculture.

Selon M. Sanginga, de l’IITA, les réussites comme celles du Rwanda et du Malawi sont encourageantes. Le programme de subvention des intrants agricoles mis en œuvre en 2005 au Malawi a contribué à améliorer la sécurité alimentaire nationale et la productivité des petits exploitants.

La situation est cependant différente dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où l’insécurité empêche souvent les habitants de se rendre aux champs. La médiocrité des services de vulgarisation agricole a également limité l’accès des agriculteurs aux nouvelles méthodes de culture.

« La vulgarisation permet non seulement d’améliorer l’accès à la nourriture, mais également de diminuer la pauvreté rurale », a dit Ann Degrande, du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR).

Soutenir les agriculteurs

Selon Serah Kimaru-Muchai, de l’Université Kenyatta, au Kenya, il est important d’utiliser les bons canaux de communication pour présenter les résultats des recherches aux agriculteurs, et notamment d’organiser des ateliers et des formations qui favorisent l’apprentissage par démonstration.

« Il y a un dicton qui dit... une fois qu’on le voit, on ne l’oublie pas ; les agriculteurs préfèrent qu’on leur fasse une démonstration de la façon dont on peut utiliser ces technologies », a dit Mme Kimaru-Muchai, ajoutant qu’il est important de les former à utiliser ces technologies, car « ce sont eux les plus accessibles pour les autres fermiers ».

Selon une étude coécrite par Lydia Wairegi, du Centre international pour l’agriculture et les sciences biologiques (CABI), et intitulée « Exploring the scope of fertilizer use in East Africa » [Étudier les possibilités de l’utilisation d’engrais en Afrique de l’Est], les agriculteurs n’ont généralement pas accès à des outils pour les aider à choisir les cultures à privilégier et la quantité et le type d’intrants nécessaires.

Cette étude examine les avantages attendus de l’utilisation d’engrais, en établissant un rapport entre la valeur du prix à la production et la valeur de l’engrais équivalent aux nutriments utilisés par les cultures sélectionnées.

« Il faut que les agriculteurs soient capables de dire : ‘Si j’investis dans le maïs, je ferai peut-être plus de profit qu’avec d’autres cultures...’ Et même pendant nos recherches, nous devons garder à l’esprit le fait qu’il est difficile aux agriculteurs de prendre des décisions... », a indiqué Mme Wairegi.

Selon Hans Henner, un lauréat du Prix mondial de l’alimentation, il est évident qu’il faut produire plus de nourriture, mais « reste à savoir comment ».

« Si nous remettons la vie dans le sol, l’eau y reviendra aussi, car la terre est un organisme vivant », a dit M. Henner. « L’agriculture doit être transformée. Elle se trouve à la croisée des chemins, et c’est pourquoi nous devons l’entraîner vers l’avenir ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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