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Dadaab – Population locale vs réfugiés

A water truck fills one of the many water points at Ifo Extension UNHCR
Pendant plusieurs mois, le gouvernement kenyan s’est opposé à l’extension du plus grand complexe de camps de réfugiés au monde, situé à Dadaab, qui visait à permettre l’accueil des Somaliens déplacés par la sécheresse et les conflits. Ce projet a finalement reçu l’aval du gouvernement à la fin du mois d’août.

La ville, qui se trouve à environ 80 km de la Somalie dans la région aride de Garissa au Kenya, attire les réfugiés depuis plus de 20 ans. Leur accueil engendre des problèmes complexes qui amplifient la frustration ressentie par le Kenya, qui estime avoir assumé plus que sa part du « problème somalien », selon Badu Katelo, l’actuel commissaire aux réfugiés du Kenya.

À Dadaab, les réfugiés somaliens sont plus nombreux que la population d’accueil : selon J Ndamburi, le commissaire du district, la ville compte au moins 250 000 réfugiés de plus que d’habitants. Les trois camps – Hagadera, Dagahaley et Ifo – dont la capacité d’accueil initiale était de 90 000 personnes comptent désormais quelque 440 000 réfugiés, dont 150 000 (tous somaliens) sont arrivés au cours des trois derniers mois, a indiqué le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Ron Redmond, un porte-parole du HCR, a dit apprécier les « immenses sacrifices consentis par les Kenyans pour accueillir les réfugiés somaliens » et a indiqué faire tout ce qui était en son pouvoir pour les aider. Ifo 2, conçu pour accueillir 90 000 personnes, était inoccupé depuis novembre 2010.

Le gouvernement, les organisations humanitaires et la communauté locale indiquent que la situation actuelle n’est pas viable et doit être réexaminée.

Selon M. Katelo, la communauté internationale et les pays plus riches, comme l’Afrique du Sud, devraient faire un pas en avant et prendre leurs responsabilités à l’égard des réfugiés somaliens. « Ce n’est pas parce que la Somalie est un pays voisin que nous devons nous occuper du problème tout seuls – les Nations Unies [le Conseil de sécurité] devrait adopter une résolution obligeant chacun à jouer son rôle dans la situation et à s’investir pour résoudre le conflit somalien ».

Les Nations Unies et les organisations non gouvernementales (ONG) ont récemment rejeté la proposition du gouvernement kenyan d’installer des camps le long de la frontière somalienne : jugée « inadéquate » en raison de la situation toujours « extrêmement instable » en matière de sécurité en Somalie, cette proposition va à l’encontre de la notion de fourniture d’une protection internationale et empiète sur le droit d’asile.

Afflux de personnes déplacées par la sécheresse

Selon uneétude commanditée par le gouvernement kenyan avec l’appui du Danemark et de la Norvège en 2010, la population d’accueil installée dans un rayon de 50 km autour du complexe de camps de réfugiés croît à un rythme de 11,7 pour cent par an depuis que les réfugiés sont arrivés à Dadaab. Cette étude s’intéressait à l’impact du complexe de camps de réfugiés sur la population de Dadaab.

L’étude a également souligné que la population d’accueil, qui n’était que de 15 000 personnes en 1989, a augmenté rapidement pour atteindre au moins 148 000 personnes.

« La répétition des épisodes de sécheresse a eu de profondes répercussions sur la population et sur l’augmentation du nombre de réfugiés au sein de la communauté d’accueil de Dadaab », a indiqué l’étude.

M. Ndamburi et les responsables du Comité de paix du district de Dadaab ont estimé que la population locale s’élevait actuellement à au moins 250 000 personnes ; ils ont également noté que les habitants des régions voisines de Mandera et Wajir, toutes deux touchées par la sécheresse, continuaient à arriver.

« Nous appartenons tous [les nouveaux arrivants de Somalie et des régions voisines de Mandera et Wajir] au même groupe ethnique [somalien], celui des Ogaden. Nous nous entendons bien, mais il y a beaucoup de tension, de pressions liées aux ressources comme l’eau et le bois. Il y a un risque de conflit », a dit Omar Garane, vice-président du comité. La majorité de la population d’accueil de Dadaab appartient à trois sous-groupes des Ogaden : les Aulihan, Abdwak et Magarbul.

M. Garane et Gabow Hassan, le trésorier bénévole du comité, ont dit qu’ils avaient pris part aux récentes négociations entre les Nations Unies, le gouvernement kenyan et la population de Dadaab concernant l’ouverture d’Ifo 2. « Le camp se trouve sur les terres de la communauté – il s’agit donc d’une question sensible. La population de Dadaab est consciente des conditions de vie de nos frères somaliens, ils sont d’accord pour les accueillir, mais ils sont plus nombreux que nous et nous souffrons nous aussi de la sécheresse », a dit M. Garane.

Il a ajouté que la population locale ressent de l’amertume quand elle voit les convois des organisations humanitaires entrer dans les camps chaque jour. « Beaucoup de gens se sont même fait enregistrer comme réfugiés somaliens, car ils sont désespérés – ils n’ont pas d’eau et pas de bois », a dit M. Garane. Selon lui, au moins 30 000 personnes vivant à Dadaab s’étaient fait passer pour des réfugiés somaliens, ce qui leur avait permis d’obtenir de la nourriture gratuitement.

Selon l’étude d’évaluation de l’impact, le nombre de réfugiés s’élève à quelque 40 500 personnes : « Les membres de la communauté d’accueil considèrent qu’il est assez facile d’obtenir une carte de réfugié et qu’il s’agit d’une stratégie de survie logique pour ceux qui vivent dans la zone d’accueil ».

Davantage de puits de forage

L’eau est considérée comme une ressource majeure. La ville et ses districts environnants, y compris celui de Liboi, situé non loin de la frontière somalienne, disposent de plus de puits de forage que les zones voisines.

Thewodros Mulugeta, un expert de l’eau et de l’assainissement du Fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’UNICEF, qui dirige une initiative visant à fournir de l’eau à la communauté d’accueil, a dit à IRIN que la perception générale selon laquelle les réfugiés avaient accès à de meilleures ressources en eau que la population d’accueil était infondée.

New tents at the Ifo 3 camp, Dadaab, eastern Kenya
Photo: John Ndiku/OCHA
Tout s’achète dans les commerces du complexe de camps de réfugiés de Dadaab
« Nous comprenons et nous sommes conscients des difficultés rencontrées par la communauté d’accueil qui est également touchée par la sécheresse ». M. Mulugeta a dit que l’UNICEF remettait actuellement en état les puits situés à l’extérieur des camps et améliorait le transport de l’eau par camion partout où elle le pouvait.

Nombre de communautés locales payent l’eau afin de financer l’achat des combustibles et l’entretien des pompes – une autre question sensible, car les réfugiés ne payent pas l’eau. Les organisations humanitaires ont toutefois indiqué qu’elles apportaient de l’aide pour la fourniture du combustible dans certains cas. Michael Adams, un haut responsable de Care Kenya, a dit que l’organisation étudiait la question de la viabilité des transferts d’argent par téléphone cellulaire afin de payer l’eau.

Tout comme l’étude d’évaluation de l’impact, certains travailleurs humanitaires craignent que les puits de forage alimentés par l’aquifère locale de Merti ne soient pas viables à long terme. Ils ont mis en garde contre le taux d’épuisement de l’aquifère, qui alimente également d’autres zones des régions de Garissa, Wajir et Isiolo, qui risque d’être supérieur au taux de réapprovisionnement d’ici à la fin de l’année 2011.

M. Mulugeta a toutefois indiqué qu’il avait examiné le taux de renouvellement et l’avait trouvé bon.

Contrainte pour l’environnement

Les camps posent un problème important en ce qui concerne d’autres ressources naturelles, notamment le bois, a dit M. Garane. De vastes étendues de terres situées à l’extérieur de Dadaab ont été réduites à de simples broussailles. La récolte sélective des arbres « altère de manière permanente la biodiversité et affectent les bergers sur plus de 10 000 kilomètres carrés en modifiant l’équilibre écologique des plantes, des animaux, des oiseaux et des insectes », a souligné l’étude d’évaluation de l’impact.

Un programme, qui a été mis en œuvre en 1998 afin de fournir du bois de chauffage d’une manière durable, a été sapé par l’exploitation illégale de ses plantations par les commerçants originaires des camps, selon l’étude d’évaluation de l’impact.

La concurrence pour les pâturages constitue un autre problème. « En ce moment, nous gérons toutes les terres, mais nous résolvons constamment des conflits liés à ce problème et la sécheresse risque d’aggraver la situation », a dit M. Garane.

Coûts et avantages

D’un autre côté, les deux dernières décennies ont vu Dadaab se transformer : autrefois un petit avant-poste, Dadaab est aujourd’hui une ville en pleine expansion qui a bénéficié d’améliorations significatives dans les domaines de l’éducation et des installations de santé.

Les camps de réfugiés sont devenus des marchés importants avec un pouvoir d’achat considérable. La communauté d’accueil gagne environ 1,8 million de dollars de la vente du bétail destiné à l’abattage dans les camps chaque année, a souligné l’étude d’évaluation de l’impact.

Les camps comptent au moins 5 000 commerces appartenant à des réfugiés et à des membres de la communauté d’accueil alors que la ville ne compte que quelque 370 commerces. Selon l’étude, le chiffre d’affaire réalisé chaque année par les commerçants des camps s’élève à environ 25 millions de dollars, tandis que le chiffre d’affaires des commerçants de la ville est évalué à 1,3 million de dollars.

« Les bénéfices économiques combinés de la communauté d’accueil par personne représentait 25 pour cent du revenu annuel moyen par personne dans la province du Nord-Est », a montré l’étude.

La majorité de l’argent qui entre à Dadaab provient principalement des donateurs et des organisations humanitaires. Les coûts relatifs à l’entretien ont augmenté, passant de 44 millions en 2007 à quelque 100 millions en 2010. À la mi-2011,les organisations ont indiqué qu’elles auraient besoin de quelque 340 millions de dollars pour les réfugiés présents au Kenya (y compris à Kakuma et Nairobi), mais principalement à Dadaab.

Environ 1,9 million de dollars du budget de soutien total alloué aux camps est utilisé pour les investissements en matière d’infrastructures qui profitent à la communauté d’accueil.

« Si vous vous penchez sur les conditions de vie des personnes qui vivent à Dadaab et dans les régions voisines – vous constaterez qu’elles sont meilleures que les conditions de vie des habitants des régions de Mandera ou Wajir », a dit un travailleur humanitaire, qui a demandé à garder l’anonymat.

Le soutien direct apporté à la population locale par les organisations humanitaires, y compris les Nations Unies, a augmenté, passant de 2 millions de dollars en 2007 à 5,5 millions de dollars en 2010.

L’étude, qui a choisi l’année 2010 comme année de référence, a noté que les camps apportaient à la communauté d’accueil des avantages économiques dont le total s’élevait à environ 14 millions de dollars.

Le comité de paix a toutefois indiqué que la population locale était ignorée par les agences de recrutement et que le taux de chômage était élevé.

La question de savoir ce qui se passera lorsque l’action humanitaire prendra fin a été largement ignorée. La majeure partie de la population locale dépend du pastoralisme. L’étude a suggéré que le gouvernement et les organisations humanitaires s’engagent dans des investissements de développement plus variés, comme la fourniture de soins vétérinaires, la formation dans le domaine du commerce et des opportunités commerciales à l’extérieur de Dadaab.

jk/am/mw-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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