« Nous avons pris conscience du fait que l’agriculture ne se limite pas à la production », a dit Kaba Camara, qui travaille au ministère de l’Agriculture et de l’Élevage. « Nous devons nous assurer que la population est informée sur les bonnes habitudes alimentaires et surveiller l’état nutritionnel des gens ».
Le nouveau paragraphe du programme d’investissement couvre l’éducation en matière de nutrition, l’amélioration de l’accès aux aliments riches en nutriments, le traitement de la malnutrition et l’alimentation complémentaire pour les enfants âgés de 6 à 24 mois, selon Mamady Daffé, directeur du service de nutrition du ministère de la Santé.
« Bien sûr, le plus important va être la mise en application », a-t-il dit à IRIN. « Mais l’intégration de la nutrition dans le programme agricole constitue une étape importante ».
M. Camara a dit que le changement s’était notamment amorcé dans le cadre du forum organisé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 2010. Les experts présents ont dit qu’il était temps de faire disparaître les cloisonnements institutionnels entre les secteurs de la santé et de l’agriculture, et d’intégrer la nutrition au programme de développement général.
Quantité, qualité
Pendant des décennies, les travaux de recherche et développement agricoles se sont concentrés sur la maximisation de la production, la politique et la surveillance nutritionnelles étant menés en parallèle ; toutefois, ces dernières années, l’attention s’est recentrée sur le rôle de l’agriculture dans l’amélioration de la santé et de la nutrition, plus particulièrement des populations pauvres. En février, des décideurs, des donateurs et des experts de l’agriculture et de la nutrition se sont rencontrés à New Delhi afin de débattre des relations entre ces secteurs.
Un rapport de 2007 de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) et de la Banque mondiale indiquait : « La malnutrition demeure un problème urgent de santé publique dans le monde. Toutefois, la question de savoir comment l’agriculture peut réellement contribuer à l’amélioration des résultats dans le domaine de la nutrition reste pour l’essentiel sans réponse ».
Marie Ruel, directrice de la Division pauvreté, santé et nutrition de l'IFPRI, a participé à la rédaction du rapport. Elle a indiqué qu’une véritable réponse n’a toujours pas été trouvée, en partie parce que les initiatives mises en œuvre au fil des ans n’ont pas été bien documentées.
Ce qui a changé cependant au cours des dernières années, c’est que davantage de décideurs, donateurs et chercheurs abordent désormais la question, a-t-elle dit. « De plus en plus de personnes reconnaissent que nous n’avons vraiment pas le choix ; nous devons faire converger les secteurs, nous devons faire en sorte que le secteur de l’agriculture comprenne mieux le rôle qu’il joue dans la production d’une quantité d’aliments suffisante pour nourrir la population, mais aussi dans la production d’aliments de qualité, nutritifs, et dans une meilleure mise à disposition de ces aliments aux pauvres ».
Le secteur de l’agriculture pourrait favoriser l’amélioration de la nutrition, soit en participant à l’augmentation des revenus afin qu’une famille puisse acheter davantage de nourriture de meilleure qualité, soit en aidant les agriculteurs à produire davantage d’aliments riches en nutriments. Les mérites et l’efficacité de ces deux approches sont toujours à l’étude, mais aucune de ces approches ne peut fonctionner seule, a dit Mme Ruel de l’IFPRI.
Connaissance des produits alimentaires
« Disposer des bons aliments dans un foyer, que ce soit parce vous les produisez ou parce que vous les achetez au marché, n’est pas suffisant ; les gens doivent savoir comment utiliser la nourriture et comment l’utiliser pour les groupes d’âge les plus vulnérables à la malnutrition – c’est-à-dire, bien sûr, les jeunes enfants et les femmes en âge de procréer.
« La clé du succès [dans les pays qui ont fait le plus de progrès] a été de combiner toutes les approches à la fois, c’est-à-dire d’aborder les problèmes de société qui contribuent à la médiocrité de l’alimentation, tout en se concentrant sur les groupes vulnérables qui ont besoin d’interventions spécifiques dans le domaine de la nutrition, par exemple, la fourniture de micronutriments, la promotion des pratiques optimales d’allaitement et des pratiques d’alimentation de complément ».
Elle a indiqué que la crise des prix alimentaires de 2007-2008 avait constitué un signal d’alarme quant au besoin d’intégrer la nutrition dans les autres secteurs sociaux. « Je pense que le fait que la nutrition ait toujours été le parent pauvre et qu’elle ait toujours été négligée constitue peut-être moins un problème maintenant, car d’autres secteurs sont … prêts à trouver les moyens d’intégrer la nutrition à la protection sociale, à l’agriculture et à l’éducation ».
La Guinée dispose d’abondantes ressources minérales ; en outre, ses terres agricoles et ses conditions de pluviométrie sont parmi les meilleures de la région. Toutefois, à cause des infrastructures médiocres, du taux élevé d’analphabétisme et de la faiblesse du système de santé, les conditions de vie sont difficiles pour la plupart des gens. La malnutrition chronique a augmenté de 50 pour cent entre 2005 et 2010, et depuis l’année dernière, près d’un quart des 9,8 millions d’habitants que compte la Guinée sont touchés par une insécurité alimentaire modérée ou sévère, selon le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies.
Les responsables officiels guinéens vont organiser des réunions dans les langues locales des agriculteurs des quatre principales régions du pays avant la fin du mois, avant de finaliser le programme d’investissement agricole, selon Mamadou Kaba Souaré de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui collabore avec le gouvernement.
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