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Faire la lumière sur les atrocités

Alassane Ouattara, new President of Côte d'Ivoire UN Photo/Eskinder Debebe
Au lendemain de la capture de l’ancien président Laurent Gbagbo, certains quartiers de la capitale économique, Abidjan, ont toujours des airs de ville fantôme. Mais des indices suggèrent un retour à la normalité.

Les habitants ont donné différentes versions de la situation globale dans la ville. Cocody et Plateau font partie des quartiers où des tirs d’armes légères et lourdes ont été entendus au cours des derniers jours et qui ont été le théâtre de violents affrontements juste avant la chute de M. Gbagbo. « On n’avait aucune idée de qui tirait sur qui », a dit Martial, un habitant de Cocody. « Et on a l’impression que rien n’a été véritablement conclu dans cette histoire ».

Points chauds

L’atmosphère est toujours tendue à Kouamassi, au sud de la lagune, et à Yopougon, l’un des quartiers les plus densément peuplés de la ville et qui compte beaucoup de partisans du président sortant. Les résidents de ces quartiers ont parlé de chasses à l’homme et d’exécutions, de soldats ciblant les sympathisants de M. Gbagbo et de la vulnérabilité des jeunes. Ils ont brossé un tableau accablant des opérations et du comportement général des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), loyales au président élu Alassane Ouattara.

Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 12 avril, M. Ouattara a souligné la nécessité de rétablir l’ordre. Les Nations Unies et la France ont décidé d’apporter leur aide aux policiers d’Abidjan. Dans les parties les plus tranquilles de la ville, on tente de retrouver une forme de normalité : les taxis circulent de nouveau pour la première fois depuis quinze jours. De nombreux résidents continuent pourtant d’observer et d’attendre. « Pour l’instant, notre sécurité n’est pas garantie lorsque nous mettons les pieds dehors », a dit à IRIN Sébastien, un couturier du quartier d’Adjamé. « On se contente donc d’aller au magasin ou à la pharmacie ».

À six mètres de Sébastien à peine, un groupe de soldats portant des hauts d’uniforme et des pantalons civils ont ouvert le feu sur les portes d’une boutique d’appareils électriques pour dérober les télévisions, les lecteurs DVD et les autres articles qui s’y trouvaient. « Hier, les soldats sont entrés dans notre immeuble et ont vidé l’appartement d’un voisin », a dit Sébastien. « Nous vivons constamment dans la peur. Nous ignorons qui sera la prochaine cible ».

Si les optimistes estiment que la vague de pillage et de vandalisme se terminera bientôt, lorsqu’il n’y aura plus rien à piller, d’autres se plaignent du nombre d’armes en circulation et du peu de mesures mises en œuvre pour protéger les civils.

Vide sécuritaire

Depuis l’offensive lancée par les hommes du président Alassane Ouattara, les postes de police de l’ensemble d’Abidjan ont été fermés et certains d’entre eux ont même été détruits, créant ainsi un vide sécuritaire dans la ville.

« Lorsque nous sommes en danger, nous ne savons même plus qui appeler », a dit Alphonsine, une commerçante du quartier de Marcory, dans le sud d’Abidjan. Les Nations Unies et l’armée française ont créé des lignes téléphoniques d’urgence pour les citoyens ordinaires, mais « elles sont toujours occupées », s’est plainte Alphonsine.

« Je suis restée enfermée pendant 10 jours dans la maison sans approvisionnements. J’ai faim et je veux trouver de la nourriture, même si je dois risquer ma vie »
Si les magasins de certains quartiers ont rouvert leurs portes, sortir chercher de la nourriture peut encore être dangereux. « Je suis restée enfermée pendant 10 jours dans la maison sans approvisionnements. J’ai faim et je veux trouver de la nourriture, même si je dois risquer ma vie », a dit la fonctionnaire Djénéba Cissé.

Les prix des denrées alimentaires demeurent encore trois ou quatre fois plus élevés qu’avant la crise. « J’ai acheté une miche de pain pour 500 francs CFA [1 dollar] au lieu de 125 [0,25 dollar] », s’est plaint Mme Cissé. Une boîte de sardines coûte maintenant plus de deux fois plus cher qu’avant. Il n’y a pas de marchandage. C’est comme ça et nous nous adaptons du mieux que nous pouvons. Nous espérons que tout cela se terminera bientôt, car nous n’aurons bientôt plus rien à manger et la situation ne peut dès lors qu’empirer ».

Puisque les principaux marchés sont fermés, certains commerçants ont installé des stands de fortune dans les rues pour vendre leur marchandise. « Nous n’avons pas le temps d’aller au marché », a expliqué Ousmane, un vendeur de pain. « Nous installons des stands à différents carrefours pour vendre nos produits. Lorsque les tirs recommencent, nous essayons de retourner à la maison pour nous mettre à l’abri ».

Commission d’enquête des Nations Unies

Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a créé une commission d’enquête pour faire la lumière sur les allégations de violations des droits de l’homme commises en Côte d’Ivoire depuis le début de la crise. La commission, présidée par le thaïlandais Vitit Muntabhorn, sera également composée du Soudanais Suliman Baldo et de la Béninoise Reine Alapini Gansou.

« À l’heure actuelle, l’équilibre militaire du pouvoir n’est pas encore bien établi », a indiqué un analyste chevronné, qui avait prédit que les élections de l’an dernier exacerberaient les divisions existantes. Il a par ailleurs ajouté que les commandants qui appartenaient aux Forces nouvelles bénéficiaient à nouveau d’une grande visibilité et averti que leur longue expérience de l’autonomie dans l’administration de vastes pans du territoire à l’extérieur d’Abidjan pouvait les rendre difficile à contrôler, en particulier s’ils s’attendaient à être grassement récompensés pour avoir aidé M. Ouattara à faire tomber M. Gbagbo.

Selon Daniel Balint-Kurti, qui appartient au groupe de pression international Global Witness et a beaucoup écrit sur l’insurrection de 2002 en Côte d’Ivoire et sur la composition et les opérations des Forces nouvelles (FN), « le problème, c’est qu’il y a eu tellement de victimes dans cette crise que l’atmosphère est exécrable et qu’il va y avoir beaucoup de haine et de désir de vengeance ».

« M. Ouattara est à présent soutenu par un grand nombre d’hommes armés qui ne sont pas disciplinés, qui veulent de l’argent ou du pouvoir en échange de l’aide qu’ils lui ont fournie pour arriver au pouvoir », a-t-il dit à IRIN. « Il est difficile d’imaginer à court terme que le pays puisse retrouver la stabilité. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un travail de titan ».

« Ouattara a dit ce qu’il fallait », a dit à IRIN Matt Wells, chercheur de Human Rights Watch (HRW). « Il ne se dérobe pas face à la nécessité de déterminer les responsabilités, de réconcilier et d’enquêter ». HRW a décrit en détail les atrocités commises par les deux camps. Le dernier rapport de l’organisation met particulièrement l’accent sur les viols et les meurtres perpétrés par les forces pro-Ouattara dans l’extrême ouest du pays. M. Wells a souligné qu’il était crucial que la communauté internationale fasse preuve d’impartialité dans le traitement de ceux qui se sont rendus coupables de violations graves dans les deux camps. « On craint maintenant que les coupables d’un seul camp soient traînés devant la justice et que les crimes commis par l’autre soient passés sous silence ».

D’après M. Wells, il est temps pour la Côte d’Ivoire de mettre fin à « une décennie d’impunité » au cours de laquelle ceux qui ont commis des atrocités n’ont jamais eu à répondre de leurs actes. Il a insisté sur le fait que M. Ouattara devait prouver son indépendance en collaborant avec les enquêteurs externes et en ne cherchant pas à entraver les recherches sur les excès commis par son propre camp.

aa/cs –gd/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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