Selon Mark Rosegrant, chercheur confirmé à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) et co-auteur de l’étude, l’augmentation de la consommation de viande entraîne une hausse du prix du maïs, utilisé pour nourrir le bétail, plutôt que de ceux du blé et du riz, qui sont les aliments de base des habitants de la plupart des pays en développement.
Mais dans les pays subsahariens, où le maïs est un aliment de base, la réduction de la consommation de viande pourrait permettre de diminuer d’un million le nombre d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition d’ici 2030. Ailleurs qu’en Afrique, l’impact sur le nombre d’enfants qui souffrent de la faim n’est pas aussi important, a dit Rosegrant.
Le débat en cours sur les conséquences d’une forte demande de viande et de produits laitiers sur l’approvisionnement et les prix mondiaux des céréales de base, en particulier dans les pays en développement, a poussé M. Rosegrant et son collègue Siwa Msangi, lui aussi chercheur à l’IFPRI, à mener cette étude.
Le rapport de l’IFPRI est l’un des trois qui ont été réalisés sur la question et rendus publics à l’occasion d’une conférence internationale sur l’effet de levier de l’agriculture pour améliorer la nutrition et la santé (International Conference on Leveraging Agriculture for Improving Nutrition & Health), qui s’est tenue du 10 au 12 février à New Delhi, en Inde.
Dans une étude et une évaluation destinées à un futur ouvrage, l’Institut international de recherche sur le bétail (ILRI) tire la sonnette d’alarme sur les risques de propagation des maladies animales. Les habitants des pays en développement sont en effet de plus en plus nombreux à pouvoir s’acheter de la viande, et on assiste à une accélération de l’élevage intensif pour satisfaire cette demande croissante.
Delia Grace et John McDermott, les auteurs de l’étude, indiquent que l’intensification de l’élevage dans les pays en développement a généralement pour objectifs l’augmentation de la production alimentaire et la génération de profits, et qu’on se soucie peu des conséquences potentielles sur la santé humaine.
Selon l’ILRI, environ 61 pour cent de tous les agents pathogènes humains et 75 pour cent des nouveaux agents pathogènes humains sont d’origine animale. Les maladies qui en résultent – comme la grippe aviaire et l’infection à virus Nipah, qui se caractérise par l’inflammation du cerveau et des atteintes respiratoires – sont appelées zoonoses.
En plus de compromettre la sécurité alimentaire dans les pays pauvres, où quelque 700 millions de personnes élèvent des animaux et jusqu’à 40 pour cent des revenus des ménages dépendent de l’élevage, les maladies animales peuvent aussi présenter des risques pour la santé humaine lorsque les virus sont transmis à l’homme.
Les répercussions économiques peuvent être considérables. Dans une étude publiée en 2010, la Banque mondiale estimait que si le virus de la grippe aviaire [mutait et] devenait transmissible d’homme à homme, le coût potentiel de la pandémie pourrait atteindre trois trillions de dollars.
Renoncer à la viande ?
« Je ne dis pas que les habitants des pays en développement devraient renoncer à la viande. Je suis en faveur d’un régime alimentaire équilibré et d’une consommation de viande qui permet de se procurer les minéraux importants comme le zinc », a dit M. McDermott. « Nous voulons seulement insister sur le fait qu’il faut gérer les risques ».
M. McDermott a ajouté que la mise en place de meilleurs systèmes de surveillance et d’incitatifs encourageant les fermiers et les gouvernements à faire preuve de plus de transparence pourrait contribuer à la détection précoce des infections. Le développement d’une approche mondiale concertée de gestion des risques par des experts des domaines vétérinaire, médical et environnemental serait également d’une grande utilité.
Au lieu de mettre l’accent sur la réduction de la consommation de viande, le rapport de l’IFPRI insiste sur l’importance pour les pays en développement de s’assurer une bonne croissance économique. Une telle croissance apporterait à la population des revenus leur permettant d’obtenir de la nourriture et d’investir dans le développement de l’agriculture et des infrastructures, notamment dans les systèmes d’irrigation et d’approvisionnement en eau, les routes, les communications et la mise en place de marchés efficaces, entraînant ainsi une amélioration de la sécurité alimentaire.
Il n’est pas inutile de réduire sa consommation de viande, a dit M. Rosegrant, et le fait de diversifier son alimentation pour y inclure des légumes et des fruits offre d’autres bienfaits pour la santé.
La consommation de viande a fait l’objet de débats jusqu’à la dernière séance de la conférence. Selon l’expert en nutrition Ricardo Uauy, professeur à l’École d'hygiène et de médecine tropicale de Londres, l’homme n’a pas besoin de consommer autant de viande.
M. Uauy a proposé de supprimer les subventions sur la viande et de pratiquer les prix réels, ce qui aurait pour effet de dissuader les gens d’en consommer plus. Il a cité l’exemple du Japon, où la viande n’est pas subventionnée et où les gens sont malgré tout en bonne santé.
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