« Les missions des Nations Unies manquent souvent de direction et de volonté politique pour remplir leur mandat de protection ; elles ont du mal à obtenir la coopération des nations hôtes, manquent de bons services de renseignements et n’ont pas le soutien des pays contributeurs [en troupes armées] pour faire usage de la force pour protéger les civils », a dit à IRIN Henri Boshoff, directeur du programme des missions de paix à l’Institut des études de sécurité de Pretoria.
Une étude préparée par le Bureau des Nations Unies de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) et le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) en janvier 2010, Protecting Civilians in the Context of UN Peacekeeping Operations - Successes, Setbacks and Remaining Challenges, a souligné que les missions de maintien de la paix des Nations Unies manquaient de précision et de compréhension du concept de protection des civils, et également de stratégies globales de protection pour pouvoir remplir leur mandat.
Les analystes voient aussi une meilleure coordination entre les forces de maintien de la paix des Nations Unies et les agences humanitaires - qui jusqu’ici concerne surtout l’échange d’information et la logistique – comme un autre moyen de garantir le succès de la protection des civils.
« La coordination sur le terrain n’est pas toujours claire, et [au niveau des] quartiers généraux, on constate de grandes lacunes dans les politiques et les conseils censés orienter ce qui est sans doute devenu une relation vitale… mais aujourd’hui [cela reste] principalement une relation de co-existence, plutôt qu’un désir véritable de mieux coordonner », a dit Damian Lilly de la section protection et déplacement d’OCHA.
Histoire d’une réussite
Un exemple de coopération réussie est la collaboration de la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) avec les agences onusiennes : elles assurent l’entraînement d’une force de police destinée à protéger les civils auxquels se mêlent réfugiés et personnes déplacées, patrouillent dans les villes et encouragent la dénonciation des violences sexuelles et sexistes.
« La contribution des forces de maintien de la Paix au Tchad a été précieuse et nous les saluons pour le soutien apporté à la distribution de l’aide humanitaire », a dit à IRIN Delphine Marie, porte-parole de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) au Tchad.
Mais souvent l’association des acteurs humanitaires et des forces de maintien de la paix semble être évitée comme étant incompatible avec les principes humanitaires de neutralité, d’impartialité et d’humanité.
« En République démocratique du Congo [RDC], les forces de maintien de la paix sont perçues comme étant devenues un élément du conflit et beaucoup d’agences pensent qu’une collaboration avec celles-ci pourrait ruiner leur neutralité aux yeux des groupes armés, compromettre la sécurité et la protection de leurs personnels et réduire leur aptitude à agir de façon indépendante pour atteindre les populations ayant besoin d’assistance », a dit M. Lilly dans un article.
Tâtonnements
Dans un nouveau rapport, Tendre la main au communautés : le prochain défi pour le maintien de la paix, l’organisation non gouvernementale britannique Oxfam examine des missions au Tchad, au Soudan, en République du Congo et en RDC.
Ce rapport évalue les initiatives spécifiques destinées à réduire les risques qui ont été introduites par les forces de maintien de la paix des Nations Unies au cours des dernières années : les lignes d’appel d’urgence, les patrouilles escortant les gens sur les marchés et pendant la collecte du bois de chauffe, les opérations conjointes avec des agences civiles, la police ou les forces armées locales, et l’utilisation d’interprètes de liaison issus de la communauté.
Oxfam a constaté que les lignes d’appel d’urgence introduites au Tchad et en RDC avaient reçu un accueil mitigé et s’étaient avérées ne pas être un système d’avertissement précoce très fiable. Même si elles sont généralement bien acceptées, les analystes ont trouvé que l’assurance des forces de maintien de la paix, convaincues que « tout le monde a le numéro » n’était pas justifiée : Les numéros distribués parmi les chefs de la communauté n’étaient pas partagés ; dans de nombreuses zones à risque, la couverture pour les téléphones portables est souvent mauvaise ; beaucoup de femmes n’ont pas leur propre téléphone, et quand un village est attaqué, les téléphones sont les premiers à disparaître dans le pillage.
« Nous nous sommes rendu compte qu’étant donné la taille du pays et les difficultés d’accès à certaines régions, le plus souvent quand nous arrivions sur place, les choses s’étaient déjà passées », a dit à IRIN George Ola-Davies, directeur de la division de l’information publique à la Mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO).
« Pour répondre à ce problème, nous essayons désormais de mettre en œuvre d’autres mesures d’avertissement précoce qui nous permettraient de mieux protéger les civils », a ajouté M. Ola-Davies.
Un autre élément souligné dans le rapport d’Oxfam est qu’il est essentiel d’assurer le suivi et le compte-rendu systématiques de l’impact des efforts des Nations Unies pour améliorer la protection des civils.
« Nous devons évaluer et rendre compte de la mesure dont nos actions contribuent à la sécurité des civils… nous prévoyons de développer des indicateurs pour le suivi et le compte-rendu systématiques de la protection des civils durant les conflits armés », a dit Valérie Amos, secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux Affaires humanitaires, le 22 novembre 2010 dans une déclaration au Conseil de sécurité.
« Les missions de maintien de la paix ont développé un certain nombre de mesures, telles le déploiement de bases temporaires, les patrouilles, les cellules d’avertissement précoce et les équipes de protection communes, qui ont augmenté leur rôle de protecteurs des civils. Cependant, il est nécessaire de propager les bonnes pratiques dans les différentes missions pour assurer une politique plus cohérente », a dit à IRIN M. Lilly.
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