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Les meurtres par vengeance empêchent les enfants d’aller à l’école

Gun bearing is commonplace in Yemen's tribal communities Anwar Yahya/IRIN
Des milliers d’enfants de trois des 21 gouvernorats du Yémen ont cessé d’aller à l’école par crainte d’être la cible de meurtres par vengeance, selon l’organisation non gouvernementale Partners-Yemen.

PY a lancé une campagne de sensibilisation dans les gouvernorats d’al-Jawf, de Marib et de Shabwa, qui traversent le centre du Yémen du nord au sud et où le système tribal domine la vie sociale et politique. La présence et l’influence des autorités officielles y sont toujours limitées.

PY fait scander aux enfants des écoles qui sont encore ouvertes le slogan : « À ceux qui m’ont privé de mon père, ne me privez pas de mon éducation ». Malgré tout, des milliers d’enfants ont cessé de se rendre à l’école par crainte de franchir les frontières tribales.

« J’ai arrêté l’école en 2005, quand j’étais en [classe de sixième]. J’ai peur que des hommes armés de la tribu des Hamdan me tuent », a dit Salim Yahya, âgé de 17 ans et appartenant à la tribu des al-Shulan, dans le gouvernorat d’al-Jawf, qui est en conflit avec la tribu des Hamdan depuis 40 ans. Des dizaines de personnes des deux tribus ont été victimes de meurtres par vengeance au cours des 20 dernières années.

Le conflit entre ces deux tribus a éclaté au début des années 1970 pour des terres dont chaque tribu revendiquait la propriété. « Maintenant, ces parcelles de terrain ne sont plus un problème. Le problème, c’est les meurtres par vengeance qui continuent de tuer des milliers de membres de ces tribus et empêchent les enfants d’aller à l’école », a dit à IRIN le cheikh Sultan al-Aradah, médiateur en chef du conflit pour le gouvernorat.

Il est très difficile de régler ce conflit à ce niveau – même par le biais des structures traditionnelles –, car les tribus considèrent comme une « honte noire » le fait de retirer une menace de vendetta envers la famille ou la tribu d’un individu ayant commis un meurtre, explique PY dans un article analysant la situation.

Selon le juge Yahya al-Mawri, membre du comité national suprême sur les meurtres par vengeance affilié au ministère de l’Intérieur, ces meurtres ont coûté la vie à 4 698 personnes entre 1998 et 2008 dans les trois gouvernorats. Il ne pouvait pas donner de chiffres plus récents, car aucune donnée officielle sur les victimes de meurtres par vengeance et de conflits n’a été publiée au cours des deux dernières années.

Les trois gouvernorats ont un taux d’analphabétisme élevé : « Soixante-six pour cent de la population masculine et 70 pour cent de la population féminine… sont illettrés », a dit le juge.

Selon les statistiques de 2009 de l’organisation statistique centrale du gouvernement, 1,3 million de personnes vivent dans ces trois gouvernorats où le taux d’analphabétisme est de 63 pour cent, contre 41 pour cent pour l’ensemble du pays.

Écoles fermées

Les meurtres par vengeance ont entraîné la fermeture de plusieurs écoles, notamment dans les gouvernorats d’al-Jawf et de Shabwa. La situation n’est pas aussi mauvaise à Marib, a dit PY.

Abdulhamid Amer, président de l’ONG locale Social Development and Peace Association, dans le gouvernorat d’al-Jawf, a dit à IRIN qu’environ 20 écoles du gouvernorat étaient fermées. « Huit écoles des régions de Maraziq et Al Sayda sont fermées depuis cinq ans », a-t-il dit, avant d’ajouter que des milliers de garçons et de filles avaient arrêté leur scolarité pour cette raison.

Selon Naji al-Sammi, employé en gestion des conflits de l’ONG locale Brotherhood Society for Peace and Development, dans le gouvernorat de Shabwa, plus d’une douzaine d’écoles de ce gouvernorat ont été désertées depuis plusieurs années à cause des meurtres par vengeance.

« L’école d’al-Nabub, dans le district de Nisab, qui comptait environ 500 élèves, a été désertée depuis plus de cinq ans. Peu d’élèves ont déménagé dans des régions moins dangereuses pour terminer leur scolarité. La plupart ont arrêté d’aller à l’école depuis lors », a-t-il dit.

Efforts de médiation

De nombreux anciens enseignants ont commencé à tenter une médiation entre les tribus belligérantes. « Comme nos écoles ont été désertées depuis cinq ans, nous nous sommes retrouvés désoeuvrés, alors nous avons commencé à travailler comme médiateurs pour aider à mettre fin aux conflits qui durent depuis longtemps », a dit à IRIN Khalid al-Qubati, enseignant dans une école du district.

Le port d’arme est commun dans ces trois gouvernorats. « Les parents apprennent à leurs enfants à porter et utiliser des armes à feu et aussi à tuer… Ils ne se préoccupent pas de les envoyer à l’école », a dit M. al-Qubati, qui est originaire du gouvernorat central de Taiz, mais travaille dans celui d’al-Jawf.

La campagne de sensibilisation de PY est destinée à garantir un environnement sécuritaire pour les écoliers. Elle a permis d’entrer en contact avec plus de 50 000 habitantes des trois gouvernorats pour promouvoir l’éducation des filles et des garçons et la nécessité de protéger les élèves des meurtres par vengeance, a dit à IRIN Nadwa al-Dawsari, directrice générale de PY.

« Nos activités de sensibilisation ont été bien reçues par les communautés, car nous les avons formulées en accord avec la culture locale et en nous appuyant sur les traditions positives qui existent déjà », a-t-elle dit.

Selon Mme al-Dawsari, l’inefficacité des institutions gouvernementales dans ces zones tribales reculées, l’extrême pauvreté et le manque d’infrastructures sont les principales difficultés qui entravent les efforts de sensibilisation. « Si les institutions gouvernementales étaient impliquées, nos campagnes pourraient être bien plus efficaces », a-t-elle dit.

ay/cb/gd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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