Des palétuviers vigoureux sont le signe d’un écosystème sain, qui nécessite de l’eau douce et quelques investissements. « Malheureusement, nous n’avons pas eu les deux », a dit Ghulam Hussain Khwaja, président de Sindh Radiant, une organisation non gouvernementale (ONG) sise dans la région du delta, dans la province du Sind, dans le sud du Pakistan.
Le Pakistan, comme de nombreux pays en développement, n’a pas les ressources, ni l’orientation politique nécessaire pour investir dans les initiatives « biodiverses » telles que les mangroves, du ressort du ministère de l’Environnement, également négligé, dit Hannah Reid, chercheuse au groupe sur le changement climatique de l’International Institute for Environment and Development (IIED), un organisme britannique.
Changement
Toutefois, la campagne menée par les Nations Unies en faveur de l’intégration des stratégies nationales pour la biodiversité aux plans nationaux élaborés pour faire face au changement climatique – les Plans d’action nationaux d’adaptation (PANA) - pourrait bien changer cet état de fait.
Le changement s’est opéré à la suite d’une rencontre récente des secrétaires des trois Conventions de Rio : Luc Gnacadja de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, Christiana Figueres de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), et Ahmed Djoghlaf de la Convention sur la diversité biologique.
« C’est une bonne nouvelle pour les communautés pauvres, la plupart des investissements dans le secteur de l’adaptation au changement climatique étant consacrés aux infrastructures, notamment à la construction de digues en béton », a dit Mme Reid, qui défend depuis longtemps l’importance de la santé des écosystèmes en tant qu’assurance climatique. « Je suis heureuse que les décideurs aient enfin commencé à en prendre conscience », a-t-elle dit.
Diverses études ont montré que le changement climatique allait vraisemblablement éroder les écosystèmes, qui jouent un rôle essentiel dans la résilience des communautés pauvres face aux risques liés au climat.
La plupart des communautés pauvres « dépendent plus que les personnes aisées des services écosystémiques et des ressources naturelles telles que le bois, le poisson, les pâturages et les plantes sauvages médicinales pour vivre et gagner leur vie – en particulier lorsque les temps sont durs », écrit Mme Reid dans un document rédigé en collaboration avec Joanna Phillips de la Royal Society for the Protection of Birds et Melanie Heath de BirdLife International.
Un écosystème sain présente différents avantages : il permet notamment de ralentir l’impact du changement climatique. Les mangroves ne sont pas uniquement réputées pour être des zones tampons côtières qui réduisent la force des vagues avant que celles-ci n’atteignent le rivage et protègent des dégâts occasionnés par les cyclones ; elles retiennent également le carbone et représentent une réserve de ressources permettant d’assurer aux populations locales des moyens de subsistance et des revenus.
Manque de fonds
L’Union internationale pour la préservation de la nature (IUCN) au Pakistan a élaboré le projet de plantation d’une mangrove dans une zone de 100 000 hectares, dans le delta. « Cela nous coûtera environ 19,7 millions de dollars – nous ne disposons pas de cette somme », a dit Tahir Qureshi, conseiller principal en écosystèmes côtiers, auprès de l’IUCN.
Mais cet investissement pourrait être fort utile pour fortifier le pays et ses communautés pauvres, qui seront menacés par des inondations graves et plus fréquentes à mesure que se feront sentir les répercussions du changement climatique, a dit M. Khwaja. Cela entraînera également une augmentation des coûts, à l’avenir. Les Nations Unies ont déjà lancé un appel de fonds, en vue d’obtenir plus de deux milliards de dollars pour aider les populations touchées par les crues au Pakistan.
Près de 90 pour cent de l’eau, en amont de l’Indus, provient des glaciers situés dans les chaînes de montagnes de l’Himalaya, du Karakoram et de l’Hindu Kush. A mesure que la température augmente dans le monde, les glaciers devraient fondre plus rapidement, ce qui entraînera davantage d’inondations.
Les inondations au Pakistan ont débuté il y a 11 semaines, principalement le long du système de l’Indus, touchant plus de 20 millions d’habitants. Les inondations se sont poursuivies dans le Sind, où elles ont touché plus de sept millions de personnes et détruit au moins un million d’habitations.
Photo: Truls Brekke/FAO |
Les inondations se poursuivent dans la province du Sind |
La pression sur l’eau
A mesure que la population pakistanaise s’est accrue, de plus en plus d’habitants se sont installés le long de l’Indus – le principal système fluvial – rasant les forêts situées en amont du fleuve pour y cultiver. Le réseau de canaux et de barrages construits par les Britanniques pendant la période coloniale a été développé pour détourner les eaux du fleuve et de ses affluents à des fins agricoles.
Selon les estimations, 60 pour cent des eaux de l’Indus servent à alimenter le réseau d’irrigation du Pakistan – un des plus vastes du monde, selon l’IUCN. Le pays, qui vit essentiellement de l’agriculture, deviendra le troisième Etat le plus peuplé de la planète d’ici à 2050, d’après les Nations Unies.
« Nous avions auparavant de vastes étendues de "dariyai belas" [forêts bordant les cours d’eau], mais aujourd’hui, nous n’avons que de vastes zones de terre nue », a dit M. Qureshi. Lorsque l’Indus s’écoule vers le delta du Sind, il s’envase donc et ne contient que très peu d’eau douce, ont dit MM. Qureshi et Khwaja.
L’infiltration d’eau salée provenant de la mer Arabique a également « eu des conséquences dévastatrices sur l’écologie et l’économie humaine dans le delta de l’Indus », peut-on lire dans un dossier de l’IUCN. Au fil des ans, les mangroves ont été attaquées par la salinité.
Les terres ne sont plus propices à l’agriculture, pour les près de 900 000 personnes vivant dans le delta, et la détérioration des terres a également touché les 135 000 personnes qui dépendent des ressources des mangroves, notamment des prises de crevettes, estimées à environ 20 millions de dollars par an, dans le delta.
Le bon moment pour se jeter à l’eau
M. Khwaja a fait remarquer que les conditions étaient idéales pour investir dans les mangroves. « L’énorme quantité d’eau douce déversée en aval du système fluvial grâce aux crues s’est paradoxalement avérée très bénéfique pour les mangroves et l’écosystème en général », a-t-il dit.
Face aux graves pénuries d’eau survenues dans le passé, son ONG s’est efforcée de mettre au point diverses initiatives visant à dynamiser l’écosystème. « Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un peu d’argent et de quelques semences [de palétuvier], à distribuer aux communautés ».
Selon Mme Reid de l’IIED, le défi consiste désormais, pour Mme Figueres, à persuader les pays d’intégrer les écosystèmes à leurs plans d’adaptation.
Certains tels que la Sierra Leone, le Lesotho, le Soudan et le Bangladesh ont néanmoins déjà intégré le développement des ressources naturelles à leurs PANA. « Ils attendent encore les fonds », a dit Mme Reid.
jk/mw/nh/ail
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions