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L’agriculture n’attire pas la jeunesse zimbabwéenne

Nombre de jeunes pensent avoir plus de chance de réussir en ville qu’à la campagne

Children at the Mototi Primary School in Zvishavane district in Zimbabwe’s Midlands province Jaspreet Kindra/IRIN
Children at the Mototi Primary School in Zvishavane district in Zimbabwe’s Midlands province (Feb 2014)

La parcelle de 14 hectares de Laiza Mukute n’est que l’ombre de ce qu’elle était il y a 10 ans. Laiza, aujourd’hui âgée de 43 ans, son mari et ses trois fils avaient obtenu cette parcelle en 2001, grâce à une réforme agraire qui avait expulsé des milliers d’agriculteurs commerciaux blancs pour distribuer leurs terres à des Zimbabwéens noirs. Le mari de Laiza a été tué par la foudre en 2007. Tous ses fils se sont installés à la capitale pour vivre comme vendeurs de rue, laissant leur mère seule avec leur sœur adolescente. Comme de nombreux Zimbabwéens, ils ne se voient aucune perspective d’avenir dans cette région en tension.

Pendant longtemps, l’État zimbabwéen a très peu investi dans l’agriculture, les paysans sont mal formés et l’accès à des équipements agricoles et des crédits est limité. Sans parler des effets du changement climatique, dans une région souvent frappée par des sécheresses et des inondations dévastatrices.

Environ 60 pour cent des 16 millions d’habitants du pays ont moins de 24 ans. « Mes fils ne veulent pas entendre parler d’agriculture. Ils préfèrent vivre en ville, même si la vie n’y est pas non plus facile pour eux », a dit Mme Mukute à IRIN sur sa ferme de Mazowe, à 60 kilomètres au nord-est d’Harare. Ce désenchantement des jeunes est un phénomène qui ne s’arrête pas aux frontières du Zimbabwé, a expliqué Peter Wobst, qui travaille sur la réduction de la pauvreté rurale pour l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Il est particulièrement difficile pour les jeunes Africains d’exercer un emploi productif : les femmes comme les hommes ont du mal à accéder au savoir, à des informations et à des formations. Ils ont également peu accès aux terres, aux intrants, aux services financiers et aux marchés et sont peu impliqués dans les dialogues sur les politiques à mener. » Pourtant, les 200 millions d’Africains âgés de 15 à 24 ans représentent, selon la FAO, « un large vivier potentiel pour la croissance du secteur agricole ».

Des aspirations différentes

Mme Mukute a du mal à joindre les deux bouts. Elle n’a pas les moyens de remplacer sa charrette à bœufs vétuste et a vendu presque tout son bétail. Seule sa fille de 15 ans, Elizabeth, l’aide aux champs. « Qui sait, elle va peut-être finir par rejoindre ses frères et me laisser seule avec mes difficultés ». Ces craintes ne sont pas sans fondement : « Je ne peux pas rester coincée ici à cultiver, car ça demande beaucoup de travail », a dit Elizabeth à IRIN. « Si je passe mon brevet des collèges l’année prochaine, ma mère et mes frères devront trouver de l’argent pour que je puisse passer le bac, puis aller à l’université. Je veux devenir avocate et j’emploierai quelqu’un pour venir aider ma mère à travailler la terre. »

Avant, la famille Mukute cultivait du maïs, des arachides et du tabac sur l’ensemble des dix hectares. Aujourd’hui, seulement deux hectares sont cultivés.

Un enjeu pour la sécurité alimentaire

De nombreuses familles de Mazowe et d’autres zones rurales du Zimbabwé ont vu leurs jeunes partir en nombre pour s’installer en ville, dans des régions aurifères ou diamantifères ou à l’étranger. Selon Wonder Chabikwa, président du syndicat des agriculteurs commerciaux du Zimbabwé, l’avenir de l’agriculture et de la sécurité alimentaire du pays dépendra de la volonté des jeunes à cultiver les terres redistribuées. « La plupart des jeunes ne semblent pas être attirés par l’agriculture et la majorité de ceux qui restent pour travailler la terre le fait à défaut d’autres options », a-t-il dit à IRIN.

Le site Internet du syndicat des agriculteurs du Zimbabwé (ZFU), une autre organisation, est du même avis et reconnaît que « l’avenir de l’agriculture est entre les mains des jeunes et il est urgent de libérer leur potentiel et leur énergie en ce sens. »  Depuis cinq ans, le ZFU organise pour cela un Sommet de l’agripreunariat des jeunes, qui rassemble des centaines de jeunes paysans pour leur permettre d’améliorer leurs compétences en matière de leadership, d’étoffer leur réseau en rencontrant des professionnels du secteur et de se familiariser avec de nouvelles techniques.

Certains pensent que les jeunes seraient peut-être plus intéressés si on les incitait à se lancer dans des cultures commerciales pouvant pallier les problèmes de productivités. Mais M. Chabikwa met en garde contre le risque de trop mettre en avant les cultures qui génèrent le plus de profit, comme le tabac, même si cette plante a nettement amélioré les conditions de vie de nombreux agriculteurs. « Les jeunes sont inévitablement attirés par des cultures qui leur rapportent de l’argent, aux dépens de cultures vivrières comme le maïs. Si les jeunes se lançaient aveuglément dans la culture du tabac et des plantes ornementales, la sécurité alimentaire en pâtirait ».

Difficultés

En mars 2017, des écoliers de deux provinces zimbabwéennes ont répondu à une enquête sur leurs aspirations. Si certains ont mentionné l’agriculture, ils « ne s’intéressaient pas à n’importe quelle agriculture classique, mais montraient un net penchant pour l’agriculture intensive irriguée, notamment l’horticulture, mais aussi le tabac ». Ces deux types de cultures étaient « considérées comme une bonne façon d’accumuler (des richesses) et de prospérer ».

Parmi les obstacles à la réalisation de ces aspirations, les enfants ont cité le manque de compétences et d’accès à la terre. Dans le voisinage de Mme Mukute, cet accès est une source de préoccupation courante.

Johnson Hozheri, 34 ans, cultive une parcelle de 1,5 hectare que lui a donné son père à son mariage, parce qu’il ne trouvait pas d’autre ferme où s’installer. « Mon père nous a donné, à mes deux frères, à ma sœur et à moi, des parcelles sur cette ferme où notre famille a été réinstallée il y a 18 ans. Ces parcelles sont trop petites pour pouvoir produire suffisamment, mais qu’est-ce qu’on peut y faire ? On est trop nombreux ».

Pour compléter leurs revenus, les frères cherchent de l’or le long de la rivière Mazowe pendant la saison sèche. Ils achètent aussi en Afrique du Sud, au Botswana et en Zambie des articles qu’ils revendent auprès des paysans locaux ou dans les villes des environs. « On revient toujours à la maison, car la vie est dure dans les villes et dans les autres pays », a précisé M. Hozheri. « Certains jeunes de familles moins nombreuses ont eu plus de chance, car ils ont moins dû partager, mais il n’est pas rare ici que les fratries se disputent les terres à la mort de leurs parents. Parfois les fermes sont laissées à l’abandon à cause de ces disputes. »

Temba Mliswa, député indépendant et agriculteur, cherche à résoudre ces problèmes. Il fait pression sur le gouvernement pour que celui-ci accélère la mise en œuvre d’un audit visant à identifier les terres redistribuées qui ne sont pas exploitées, afin de les mettre à disposition de jeunes paysans trop à l’étroit sur les parcelles que leur ont données leurs parents.

Selon M. Mliswa, l’État doit aussi prioriser la formation des jeunes à l’agriculture. Un récent rapport du comité parlementaire sur les terres et l’agriculture a identifié d’importantes lacunes dans l’enseignement postsecondaire zimbabwéen, exacerbées par les restrictions budgétaires et l’obsolescence ou l’inadéquation du matériel pédagogique.

(Article rédigé avec l’aide de Sally Nyakanyaga)

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