1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. Zimbabwe

Des enfants emprisonnés avec leur mère

A prison cell window - for generic use decade_null/Flickr
Sarah Moyo*, 24 ans, serre son bébé d’un an, petite créature chétive, contre sa poitrine tandis qu’elle parle à son mari venu lui rendre visite, à travers le grillage du centre de détention provisoire central, à la périphérie est d’Harare, la capitale.

Sarah Moyo a passé trois mois dans l’attente d’être jugée pour avoir jeté de l’eau bouillante sur la maîtresse de son époux ; elle se force à sourire à ce dernier et à ses deux amies, venus lui rendre visite à l’heure du déjeuner.

Les yeux braqués sur son mari, ignorant ses deux amies, la jeune femme lui confie : « Le petit a tendance à vomir tout le temps quand je lui donne la nourriture de la prison. Ce serait mieux que les responsables de la prison t’autorisent à apporter de bonnes choses à manger pour le bébé, parce qu’il pourrait tomber malade n’importe quand et je ne saurais pas quoi faire ».

Les prisons zimbabwéennes n’ont pas échappé au malaise économique qui touche le pays depuis 10 ans et les vivres s’y font rares. Un responsable de la prison a indiqué à IRIN, sous couvert de l’anonymat, que certaines maladies telles que la tuberculose, le kwashiorkor, un syndrome de malnutrition protéino-calorique grave qui touche essentiellement les enfants, et la pellagre, maladie provoquée par une carence en vitamines, y étaient répandues.

Sarah Moyo a confié à IRIN que ses trois mois de détention commençaient à lui peser, à elle et à son enfant. « J’aimerais simplement avoir un bon avocat qui réussirait à m’obtenir la liberté provisoire sous caution : élever un enfant dans cette situation, c’est l’enfer », a-t-elle dit.

Derrière les hauts murs surmontés de barbelés qui entourent la prison, les gardiens de prison observent attentivement les visiteurs et les détenues ; une femme du complexe s’assoit et prie aux côtés de son enfant d’environ deux ans, qui tousse ; une autre détenue allaite sa fille tout en conversant à voix basse avec un homme.

Le même établissement carcéral abrite des adultes, des jeunes et des mères accompagnées de leurs bébés, qui attendent d’être jugés pour des crimes et délits allant du simple vol à la tire au meurtre. « Nous avons environ 15 mères et leurs enfants, de tous âges, des nouveau-nés aux enfants de cinq ans », a dit le responsable de la prison à IRIN.

« Cinq mères ne sont pas sorties pour voir leur famille aujourd’hui : elles sont à l’infirmerie de la prison, parce qu’elles ou leurs enfants sont gravement malades ».

Un enfant de quatre ans, né quelques jours après la mise en détention provisoire de sa mère, compte parmi les enfants détenus ayant « purgé les peines les plus longues » ; cette dernière attend, aux côtés des autres détenus de cet établissement surpeuplé, d’être jugée pour meurtre, selon le responsable de la prison.

« La prison essaie autant que faire ce peut de fournir des aliments pour bébés aux enfants qui vivent avec leur mère, et certaines personnes qui souhaitent nous soutenir nous aident en nous fournissant ces aliments, mais ils sont vite épuisés et il y a une pénurie générale. Dans certains cas, les mères prennent la nourriture de leurs bébés parce qu’elles meurent de faim, elles aussi », a dit le responsable.

« J’ai travaillé dans plusieurs prisons ces sept dernières années et la situation est à peu près la même dans toutes. Les enfants qui vivent avec leurs mères incarcérées sont mal-en-point ; ils purgent des peines pour des crimes qu’ils n’ont pas commis ».

« Cinq mères ne sont pas sorties pour voir leur famille aujourd’hui : elles sont à l’infirmerie de la prison, parce qu’elles ou leurs enfants sont gravement malades »
Non loin de là, dans la prison d’Harare, où les condamnés purgent leurs peines, les nourrissons sont logés avec leurs mères dans des cellules surpeuplées jusqu’à leur quatrième anniversaire ; puis, ils sont placés dans une section pour jeunes et rendent régulièrement visite à leurs mères, a dit à IRIN un responsable de la prison, qui a refusé d’être nommé.

Les mères séropositives

« Les mères font leur lessive et donnent parfois à manger aux enfants de la section jeunes, mais dans certains cas, les pères réussissent à obtenir la garde de leurs enfants », a dit le responsable de la prison.

« Lorsque les pères ne se présentent pas pour revendiquer la garde de leurs enfants, certains foyers d’accueil acceptent les enfants, et nous sommes tout à fait disposés à les laisser partir parce qu’ici, nous n’avons pas les ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins ».

La prison ne compte pas de structure d’enseignement pour les enfants, et lorsque ceux-ci tombent malades, il arrive parfois que les médecins de la prison ne réagissent pas assez rapidement, a admis le responsable. « J’ai le sentiment que la plupart des enfants qui meurent ici pourraient survivre s’ils bénéficiaient de meilleures structures sanitaires », a commenté le responsable.

La plupart des enfants morts en prison sont enterrés dans des fosses communes, soit parce qu’on ignore qui est leur parent le plus proche, soit parce que leurs familles ne se proposent pas de financer les obsèques.

Sebastian Chenhaire, du Zimbabwe Network of People Living with AIDS (ZNNP+), a expliqué à IRIN que les activistes de la lutte contre le sida considéraient le sort des enfants détenus avec leurs mères comme un « problème grave », car compte tenu de leurs conditions de vie, il est difficile à ceux d’entre eux qui ont contracté le VIH d’obtenir des traitements.

« Nous sommes extrêmement inquiets car il est connu que certains enfants naissent en prison de mères séropositives et qu’ils ont eux aussi le virus, tandis que d’autres arrivent en prison déjà malades ».

« De nombreux enfants séropositifs meurent en prison car ils n’ont pas accès aux traitements, et il incombe au gouvernement de faire en sorte qu’ils puissent bénéficier de traitements antirétroviraux », a estimé M. Chenhaire.

« Il serait aussi souhaitable que les mères détenues coupables de délits mineurs soient condamnées à des travaux d’intérêt général, et que l’on envisage de placer les autres dans des prisons ouvertes où elles auront plus facilement accès aux traitements et à d’autres facilités ».

* Un nom d'emprunt

fm/go/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join