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« Puissiez-vous avoir sept fils et sept filles »

At 16 Herintsoa already has 2 children. See says she wants 10 Tomas de Mul/IRIN
Herintsoa says she wants 10 children
Dans une toute petite hutte d’Ankilibory, un village du sud de Madagascar, Herintsoa, une adolescente âgée de 16 ans à peine, a récemment mis au monde son deuxième enfant, mais l’accouchement s’est mieux passé que la première fois, lorsqu’elle avait 14 ans. « C’avait été bien plus douloureux. Je l’avais fait moi-même à la maison ; mon mari avait coupé le cordon [ombilical] ».

« Nous voulons 10 enfants », a-t-elle expliqué, imperturbable.

Selon les statistiques officielles, dans certaines régions de Madagascar, 70 pour cent des filles de 16 ans ont déjà donné naissance à leur premier enfant ; mais si les grossesses précoces sont fréquentes sur cette immense île de l’océan Indien, elles ne sont pas pour autant moins dangereuses.

Selon l’Enquête nationale démographie et santé de 2009, chaque jour, huit femmes, souvent très jeunes, meurent des suites de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement.

Jocelyne Rasoanirina, responsable du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) dans le sud de Madagascar, a par ailleurs observé qu’outre les risques immédiats, les grossesses précoces avaient également des conséquences à long terme.

Les familles nombreuses contribuent en effet grandement à la pauvreté des ménages : la famille malgache moyenne compte cinq enfants, mais ce chiffre augmente sensiblement en milieu rural, où il n’est pas rare que des femmes d’environ 35 ans aient déjà 10 enfants.

Trop loin

Selon Mme Rasoanirina, le principal obstacle à la réduction du taux de mortalité maternelle et néonatale est l’accès à des soins de santé de qualité. « Les gens vivent très loin des centres de santé et n’ont pas de moyens de transport ».

Herintsoa n’a jamais vu d’hôpital, ni de médecin, ni d’infirmière. Le centre de santé le plus proche se trouve à 30 kilomètres de son village ; on ne peut s’y rendre qu’en « chariot » (tiré par des bœufs), un moyen de transport onéreux, ou à pied, en traversant des terres quasi désertiques. « Le taux de mortalité est élevé pour la mère et l’enfant », a expliqué Aro Rajoelina, inspecteur médical régional du district d’Ampanihy, où se situe le village d’Herintsoa.

Bien qu’environ 70 pour cent des femmes enceintes du sud de l’île puissent bénéficier de soins prénataux, seuls 10 pour cent des accouchements environ se déroulent en présence de personnel de santé qualifié. Selon les statistiques officielles, le taux de mortalité s’élève à 469 décès pour 100 000 naissances vivantes.

« Sortir le bébé peut endommager les organes [de la mère]. Ils sont trop petits et ne sont pas encore développés »
« Nous tentons de nous assurer qu’un centre de santé puisse couvrir plusieurs villages, et que la distance maximale à parcourir pour s’y rendre soit de 80 kilomètres, mais les gens ont du mal à parcourir de telles distances », a dit M. Rajoelina à IRIN.

Trop tard

Par ailleurs, les femmes et les filles sollicitent souvent des soins médicaux très tard au cours de leur grossesse, et parfois uniquement lorsque la situation est critique. « Rester à la maison et consulter une sage-femme ou un médecin traditionnel est dans la culture, mais ceux-ci ne sont pas qualifiés pour [gérer les complications]. Quand ça ne marche pas, elles peuvent aller à la clinique, mais c’est souvent trop tard », a dit M. Rajoelina.

Les Malgaches les plus pauvres bénéficient de soins gratuits dans les centres de santé, mais généralement, la famille entière accompagne la personne nécessitant des soins médicaux ; le voyage est donc trop coûteux. « Ils doivent acheter de la nourriture et payer un moyen d’hébergement pour tout le monde ; c’est un problème financier », a commenté M. Rajoelina.

Enceinte de quatre mois, Sambetire, 16 ans, s’est présentée au Centre de santé d’Amphany, un village du sud-ouest de Madagascar, car elle a commencé à avoir des saignements vaginaux. Par chance, sa famille est propriétaire d’un chariot et les six membres ont tous pu l’accompagner au centre, à 20 kilomètres.

« C’est mon troisième enfant, et j’en ai déjà perdu un », a-t-elle confié, de son lit d’hôpital. Henriette Baofeno, la sage-femme du centre, a averti qu’elle encourait un risque bien réel de perdre le bébé.

« Je suis triste quand je vois des cas comme celui-ci », a-t-elle dit. La sage-femme, qui travaille au centre depuis 23 ans, n’a constaté « aucun grand changement : je vois encore très souvent des jeunes filles comme ça ».

Trop petits

Les hémorragies postpartum – saignements qui surviennent à la suite de l’accouchement - chez les filles qui accouchent chez elles, au sein de leurs communautés, loin des travailleurs de la santé qualifiés, sont un facteur qui contribue grandement au taux de mortalité maternelle.

La fistule obstétricale – une déchirure de la filière pelvigénitale provoquée par un travail prolongé ou dystocique - est une autre cause grave de mortalité maternelle, la deuxième à Madagascar, selon l’enquête démographique.

M. Rajoelina a expliqué qu’il avait vu accoucher des fillettes âgées d’à peine 10 ans : « sortir le bébé peut endommager les organes [de la mère]. Ils sont trop petits et ne sont pas encore développés ».

La fistule obstétricale est souvent la conséquence d’un accouchement précoce, lorsque la filière pelvigénitale est trop étroite et qu’il n’y a pas de personnel médical qualifié pour pratiquer une césarienne.

Sambetire is four months pregnant and could lose her baby - but she is one of the lucky few to make it to a health centre. Madagascar
Photo: Tomas de Mul/IRIN
Enceinte de quatre mois, Sambetire risque de perdre son bébé
En raison de cette affection, les jeunes femmes souffrent souvent d’incontinence et sont alors rejetées par leur mari, leur famille et leur communauté. « Dans ces cas-là, il faut une intervention chirurgicale, mais ici, c’est impossible », a dit M. Rajoelina.

Trop nombreux

A Ankazoabo, un village côtier du sud-est de l’île, Avivelo, 34 ans, encourage sa fille de 17 ans, qui a déjà deux enfants, à en avoir autant que possible. « J’ai donné naissance à huit enfants ; maintenant, c’est à son tour d’en faire autant, mais c’est difficile ».

Le sud de Madagascar est une région hostile – même les bonnes années et les quatre dernières ont été particulièrement rudes - où les organisations humanitaires peinent à subvenir aux besoins alimentaires de milliers d’habitants ; pourtant, avoir davantage de bouches à nourrir n’est pas un argument dissuasif.

Les 10 enfants qui se pressent autour d’Avivelo sont l’incarnation même de la malnutrition dans la région : ventres gonflés, émaciation visible, bouches tachées de raketa rouge – fruit d’une variété de cactus locale, uniquement utilisé en situation extrême et qui, selon M. Rajoelina est « impropre à la consommation humaine ».

« Avoir beaucoup d’enfants est une bénédiction pour les gens d’ici, c’est pour cela que les programmes de planification familiale sont si importants ... mais, il est très difficile de changer la mentalité des gens », a commenté Mme Rasoanirina de l’UNFPA.

« Cela fait partie de la culture », a-t-elle dit, en allusion au vœu de mariage malgache traditionnel : « Puissiez-vous avoir sept fils et sept filles ».

tdm/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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