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La faim, difficile à vendre

The health centre in Androka, a town in the district of Ampanihy in south-western Madagascar is packed with desperate mothers and children Tomas de Mul/IRIN
Aucune mère ne voudrait qu’on lui annonce que son enfant souffre de « malnutrition aiguë sévère », mais dans la région aride du sud-ouest de Madagascar, Donasine, 27 ans, mère de neuf enfants et enceinte de quatre mois, accueille le diagnostic de l’infirmier avec un sourire – l’enfant recevra un traitement gratuit, qui lui sauvera la vie.

Des centaines d’enfants et de mères désespérées se sont rassemblés au centre de santé public d’Androka, une ville du district d’Ampanihy, une zone privée de pluie dans la grande île de l’Océan indien. Ce jour-là, comme tous les samedis, le personnel de santé – un infirmier et un assistant – examinent l’état nutritionnel des enfants.

Les chiffres du tableau affiché au mur indiquent que 2010 sera une très mauvaise année : à la mi-mai, les admissions au centre de réhabilitation nutritionnelle avaient dépassé le total des années 2008 et 2009 combinées, et, avec un total de 117, semblaient annoncer un niveau plus élevé encore qu’en 2007, une année particulièrement mauvaise.

Donasine venait d’arriver du village de Mahatsandry – après un voyage de deux jours à pied – afin de demander de l’aide pour son plus jeune fils, Ekavitse, un enfant au corps décharné. « Nous sommes agriculteurs, mais sans pluie, nous ne pouvons rien faire pousser. Chaque année j’ai un nouveau bébé, et je suis inquiète – je n’ai rien à leur donner à manger », a-t-elle dit à IRIN.

Célestin Zafimamonjy, l’infirmier de service, a dit craindre que le nombre de personnes demandant un traitement n’augmente au cours des prochains mois. « C’est difficile d’être confronté à des cas comme celui-ci, mais ce ne sera pas le dernier », a-t-il dit. Ekavitse recevra du Plumpy'nut, un aliment thérapeutique prêt à l’emploi servant à traiter la malnutrition.

Oui, la situation pourrait s’empirer

A la fin du mois d’avril 2010, le Système d’alerte précoce (SAP) du gouvernement malgache avait prévu qu’un nombre record de communes dans le sud seraient confrontées à la faim au cours des prochains mois – une mauvaise nouvelle pour une région déjà très durement touchée.

Ayant observé la situation sur le terrain, la plupart des travailleurs humanitaires savaient que les projections seraient alarmantes, mais attendaient désespérément la preuve statistique qui viendrait corroborer leurs demandes de soutien.

Pierre Bry, chargé des affaires humanitaires au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires à Madagascar, a dit qu’un problème persistant tel que la faim dans le sud de Madagascar était peu vendeur auprès des bailleurs, en particulier dans un pays dont le gouvernement n’est pas reconnu par la communauté internationale, mais « au moins, maintenant, nous avons quelque chose à leur montrer », a-t-il dit à IRIN.

En mars 2009, l’actuel président de la Haute autorité de transition, Andry Rajoelina, soutenu par une partie de l’armée, s’est emparé du pouvoir, chassant l’ancien président Marc Ravalomanana, et l’aide internationale au développement s’est rapidement tarie.

De nombreux travailleurs humanitaires et bénéficiaires de l’aide craignent que l’aggravation de l’insécurité alimentaire ne soit une retombée fatale de l’actuelle impasse politique, car la seule voie d’accès aux financements des bailleurs est aujourd’hui l’aide humanitaire, et seulement si celle-ci est justifiable.

A mother at the Androka health center feeds her child red raketa - a dangerous cactus fruit
Photo: Tomas de Mul/IRIN
Au centre de santé d’Androka, une mère donne à manger à son enfant du raketa rouge – un fruit de cactus « dangereux »
« Les principaux bailleurs continuent à essayer de contribuer au financement d’urgence destiné au sud. Cependant, la sensibilisation reste une tâche difficile, étant donné que ces crises récurrentes mettent du temps à se déclencher et qu’il devient de plus en plus manifeste que la situation est en train d’évoluer vers une insécurité alimentaire structurelle », a dit à IRIN John Uniack Davis, directeur pays à Madagascar de CARE International, une organisation qui combat la pauvreté.

« La population… est directement affectée par les conséquences combinées de l’instabilité politique, du déclin économique, de l’insécurité, des sécheresses récurrentes et de la suspension des projets de développement majeurs », a dit Krystyna Bednarska, directrice du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies à Madagascar.

« L’insuffisance et l’irrégularité des pluies, ainsi que les infestations qui ont frappé les plantations entre octobre et février, ont gravement affecté les cultures principales : 85 pour cent de la récolte de maïs ont été perdus », a-t-elle souligné.

Bruno Maes, représentant à Madagascar du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a insisté sur la nécessité, « dans les semaines à venir, d’une mission visant à effectuer une évaluation avec les [bailleurs], et plus particulièrement une évaluation des cultures, car si nous savons que la plus grande partie des cultures est en danger, et cela est confirmé dans le sud, il est très clair que nous devons élaborer des plans pour éviter une famine ».

Ce que disent les statistiques

Le SAP, qui tient des registres sur l’insécurité alimentaire dans la région aride du sud depuis 1996, n’avait jamais enregistré une telle vulnérabilité humaine : 65 communes sont passées dans la catégorie « Insécurité alimentaire », un chiffre record qui signifie qu’environ 866 000 Malgaches devraient avoir besoin d’assistance d’ici juin 2010. Les prévisions de l’organisation se sont en général révélées exactes.

L’insécurité alimentaire est sans doute un problème pérenne dans la région, mais les chiffres montrent également un déclin progressif : l’évaluation précédente, réalisée en 2009, faisait état de 45 communes en difficulté.

« Le PAM a déjà entrepris d’apporter environ 1 500 tonnes d’aide alimentaire à 115 000 bénéficiaires jusqu’à début juin. [Nous] serons ensuite à court de ressources et nous devrons suspendre notre aide dans le sud, région affectée par la sécheresse », a dit Mme Bednarska.

« Quelque 7 650 tonnes supplémentaires [soit environ 6,4 millions de dollars] sont nécessaires immédiatement pour apporter la réponse minimale recommandée à l’insécurité alimentaire entre mai et décembre 2010. Si les ressources du PAM ne sont pas réapprovisionnées en quantité nécessaire et en temps voulu, cela aura un impact désastreux sur les plus vulnérables de nos bénéficiaires », a-t-elle averti.

L’insuffisance des pluies est clairement responsable des mauvaises récoltes, mais cette année, « même les bassins céréaliers traditionnels du sud » - les districts de Betroka et Bekily, qui amortissent en général les effets des mauvaises années – « ont aussi manqué de précipitations », a dit Dominic Stolarow, chargé des urgences à l’UNICEF.

Près de 70 pour cent des Malgaches vivent au-dessous du seuil de pauvreté, d’après l’UNICEF, et les chiffres ont tendance à être de plus en plus élevés à mesure que l’on avance en direction du sud, où la plupart des habitants dépendent d’une agriculture de subsistance. D’après M. Stolarow, la vulnérabilité s’est accentuée au fil des années, et les stratégies d’adaptation, déjà limitées, sont à présent totalement épuisées.

Les chocs récurrents ont aussi « ébranlé les moyens de subsistance des agriculteurs », a dit M. Bednarska, du PAM, et ne pas agir aujourd’hui aurait des conséquences à long terme. « La plus grande préoccupation est que les stratégies d’adaptation négatives – telles que la décapitalisation, la consommation directe des graines pour se nourrir – auront un impact néfaste sur les activités de développement qui visent à atténuer les effets de la sécheresse ».

De plus, en raison de plusieurs années de sécheresse consécutives, même des aliments de pénurie, tels que le « raketa », le fruit d’un cactus qui pousse dans la région, sont difficiles à trouver. Aro Rajoelina, Inspecteur médical régional du district d’Ampanihy, a dit que la variété rouge du raketa était « impropre à la consommation humaine – [et qu’il s’agissait d’un fruit] dangereux, qui provoque des problèmes digestifs ».

Au centre de santé d’Androka, Donasine et les autres mères en mangeaient et en donnaient à manger à leurs enfants, car elles n’avaient rien d’autre. « A certains endroits, nous n’avons pas eu la moindre goutte de pluie ces quatre derniers mois », a dit M. Rajoelina. « Nous nous serrons vraiment la ceinture ».

tdm/he/il/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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