Terrifiés, ils ont fui dans la brousse. Quand ils sont rentrés quelques jours plus tard, ils ont trouvé 16 cadavres parmi les ruines de leur village. Ils ont fui à nouveau.
C’est en 2001 que ce village isolé dans le comté de Lofa, près des frontières de la Sierra Leone et de la Guinée, a été abandonné.
Mais aujourd’hui, Nyewolihun revient petit à petit à la vie. De nombreux villageois sont rentrés et ils ont raconté à IRIN comment ils travaillaient pour rebâtir leurs maisons, l’école du village, la mairie, et des fermes – tout cela sans aide extérieure.
Après l’attaque des soldats, certains, dont le chef de la localité, se sont cachés au plus profond de la forêt. D’autres ont fui à Monrovia, la capitale située à 233 kilomètres, là où des forces internationales de maintien de la paix pouvaient les protéger, ou dans des camps de réfugiés en Sierra Leone et en Guinée.
En 2003, quand la guerre s’est achevée, les villageois sont peu à peu revenus, à commencer par Blama Saysay, le chef de village, la sage-femme et l’agent de santé. Ils ont vécu de fruits sauvages et de légumes. En 2007, le nouveau Nyewolihun a commence à prendre forme. Les bananes poussaient en abondance et la viande de brousse ne manquait pas, la forêt étant pleine de gibier puisque personne n’avait chassé dans la région depuis trois ans.
Les villageois ont commencé à construire de petits abris avec de la boue et du chaume, bien qu’ils aient eu auparavant des maisons plus solides. Selon le chef Saysay, environ 900 habitants sur les 1 200 sont revenus. Le reste demeure dans des camps de réfugiés à Kouankan et Kountaya en Guinée, en attente de mesures de réimplantation espérées.
Photo: Eleanor Nettleship/IRIN |
Des élèves à l’école du village |
La route principale qui traverse le comté de Lofa est bordée de panneaux vantant le travail des agences gouvernementales et des ONG, et de jolies écoles peintes en bleu, qui ont été réhabilitées par les forces de maintien de la paix des Nations Unies ou par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Mais peu de cette aide est parvenu à ce village dans la forêt.
La seule aide reçue par les habitants consiste en boulgour, haricots et huile que le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit aux élèves par le biais des déjeuners à l’école. Mais la distribution de rations de riz à emporter à la maison que recevaient les filles pour les encourager à venir à l’école a été interrompue.
Matthew Ndorleh, le directeur de l’école, est revenu et il a réhabilité l’école primaire délabrée avec l’aide des autres villageois. Elle dispose désormais de quatre salles de classe soignées, avec un toit en tôle, des sols en béton, des fournitures scolaires et une véranda ombragée. Un donateur privé a payé pour le ciment et la toiture, mais les parents ont fait les briques en boue et ils ont coupé le bois de la forêt.
Mr Ndorleh a presque 200 élèves, mais ses anciens enseignants ne sont toujours pas revenus et il est le seul enseignant qui reçoive un salaire car les autres ont été recrutés par la communauté et ils ne figurent pas sur la liste du personnel du gouvernement. Un récent exercice mené pour éliminer les travailleurs fantômes a mis un terme au paiement des « enseignants » fraudeurs, mais n’a rien fait pour aider ceux qui travaillaient mais n’étaient pas payés.
Les parents indemnisent les enseignants en travaillant dans leurs fermes ou en les payant « en aubergines amères (un légume local) et en poivrons », a dit M. Ndorleh à IRIN.
Photo: Elizabeth Blunt/IRIN |
Le directeur Matthew Ndorleh montre sa ferme à IRIN. Les villageois payent pour y cultiver, et les recettes vont à la reconstruction du village |
Malgré un passé traumatisant, la communauté de Nyewolihun reste forte. Les villageois cultivent assez de riz pour en vivre 10 mois par an et assez de manioc et autres récoltes de racines pour faire la soudure.
Finalement, les fermiers peuvent se consacrer aux cultures de rente – café, huile de palme et caoutchouc. Les vieux arbustes à café se sont transformés en un dense enchevêtrement, les plantations d’hévéas [arbre à caoutchouc] deviennent une forêt, et les palmiers pour l’huile de palme s’étirent vers le ciel.
Nettoyer et replanter est un acte de foi disant que la guerre est finie. Il faudra trois ans pour que les palmiers soient assez matures pour en extraire de l’huile, et sept ans avant d’inciser les hévéas. « La peur existe toujours », a dit M. Saysay, « mais nous plantons. La foi est là. Par la volonté de Dieu, rien de pareil n’arrivera à nouveau ».
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