Les précipitations irrégulières enregistrées l’an dernier au Burkina Faso, où l’élevage est la principale activité de subsistance dans de nombreuses régions, ont entraîné des pénuries généralisées d’eau et d’herbages.
Selon les travailleurs humanitaires et les éleveurs, les piètres conditions dans lesquelles vit le bétail local – les animaux qui n’ont pas encore migré à la recherche de pâturages – affecte durement la sécurité alimentaire des familles. Le bétail que les familles gardent chez elles constitue une source importante de nourriture et de revenu.
« L’inquiétude est au niveau des animaux qui sont restés, parce qu’ils manquent d’alimentation naturelle et d’eau », a indiqué Stéphane Degueurce, du Programme alimentaire mondial (PAM) au Burkina, qui a récemment visité des zones affectées dans les régions nord et du Sahel.
« C’est un [cercle vicieux] », a-t-il dit. « Comme les animaux n’ont rien à manger, ils produisent pas [de lait] et n’apportent plus de revenus [aux familles]. Les ménages ont des difficultés à nourrir leur famille, mais aussi leurs animaux. Et le [cycle] se poursuit. On assiste à une régression et à une [aggravation] de la pauvreté ».
D’après la représentante du PAM au Burkina Faso, Annalisa Conte, le rétablissement du bétail est essentiel pour ces communautés.
« Si nous voulons sauvegarder la sécurité alimentaire [de ces communautés] cette année, il faudrait [intervenir pour] les animaux qui sont restés. De cette façon, nous [protégerons] le capital des familles pour [qu’ils puissent] avoir du lait pour la consommation et la vente... On peut donner à manger aux familles d’éleveurs, mais ils vont perdre leur [source de revenus]. À partir de là, que peut-on faire pour [redresser la situation] ? »
« Au cours des missions qui ont eu lieu en mars et en avril, nous avons été frappés [par le fait que] les gens ne demandent pas de la nourriture pour eux-mêmes : leur demande, c’est en direction du troupeau », a indiqué M. Degueurce.
D’après Mme Conte, la situation actuelle révèle l’existence d’une lacune dans la lutte contre l’insécurité alimentaire, qui se concentre essentiellement sur une aide à la population – et pas nécessairement aux animaux – et prend la forme de subventions sur les denrées de base.
Plan d’action du gouvernement
Photo: Nancy Palus/IRIN |
À Dori, au Burkina Faso, des animaux se regroupent autour des femmes qui pompent l’eau pour en ramener au village, à quelque 15 kilomètres de là |
Le gouvernement burkinabais a également demandé l’aide des bailleurs de fonds. Il estime à environ un milliard de francs CFA (1,9 million de dollars) le montant nécessaire pour aider les communautés pastoralistes, a dit à IRIN le ministre des Ressources animales Sekou Ba.
Le gouvernement a notamment prévu de subventionner le fourrage et de creuser des puits supplémentaires pour augmenter le nombre de points d’eau, a ajouté M. Ba.
Suite à une mission organisée conjointement par le gouvernement et plusieurs agences des Nations Unies dans les régions affectées, en février, des experts ont recommandé que le fourrage soit vendu à des prix subventionnés, selon des responsables du PAM et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le gouvernement envisage également de créer de nouveaux pâturages.
Ces difficultés saisonnières, qui surviennent lorsqu’il y a pénurie d’eau et d’herbages, pourraient être évitées, estiment les éleveurs.
« [Le problème] c’est le manque de moyens pour acheter à manger pour le bétail… pendant la saison sèche », a dit à IRIN Ouédraogo Oumarou, un éleveur. « Si on avait [du fourrage] pendant la saison sèche, les animaux ne ‘tomberaient’ pas. Mais les familles ont du mal à se nourrir elles-mêmes, comment pourraient-elles donner assez à manger à leurs bêtes ? »
Augmentation du risque de mortalité du bétail
D’après la FAO, des évaluations réalisées à la fin du mois d’avril dans les régions est, nord et du Sahel révèlent de nombreuses bêtes risquent de mourir si des mesures immédiates ne sont pas adoptées.
Les maladies liées à l’alimentation et les fausses couches sont courantes chez ces bêtes, estime la FAO. Les animaux tombent malades parce qu’ils finissent par manger des vêtements, du plastique et d’autres objets en cherchant de la nourriture, a dit Ibrahim Abdoul Nasser, spécialiste de l’alimentation et de la sécurité alimentaire auprès de la FAO. M. Nasser revient d’une mission d’évaluation dans la région burkinabaise du Sahel.
La FAO fait remarquer que les animaux se portent mieux dans certaines provinces, là où ils bénéficient d’un meilleur accès à l’eau et où la production et le stockage de fourrage fait partie des traditions. « Mais dans l’ensemble, les éleveurs et les experts estiment que les bêtes risquent de mourir si on ne trouve pas rapidement des solutions appropriées pour les nourrir ».
Incertains de l’aide qu’ils obtiendront du gouvernement ou d’autres organisations, les habitants du village de Bani, dans le département de Dori, au nord-est du pays, attendent la pluie.
« Si elles arrivent à temps, tout devrait bien aller », a dit à IRIN Cissé Hamadoun, chef du conseil de développement du village. « Les animaux seront capables de récupérer, il y aura plus des feuilles que nous utilisons pour assaisonner, les gens pourront faire pousser du maïs et les familles auront assez de lait ».
« Sinon, nous aurons une très mauvaise année », a-t-il ajouté en montrant du doigt une vache qui se tenait à proximité et dont les côtes semblaient sur le point de transpercer sa peau.
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