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Divisions dangereuses - Analyse

Government of Southern Sudan President and First Vice President of the Republic of Sudan, Salva Kiir Mayardit, votes on the first day of polling in Sudan's first multi-party elections in 24 years Timothy Mckulka/UNMIS
Les élections chaotiques du mois d’avril ont accentué les divisions au sein du Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS), d’après des analystes, qui avertissent que cela pourrait mettre en péril le référendum sur la sécession du Sud-Soudan, les futures relations entre les deux Etats indépendants éventuels, et la stabilité même du Soudan dans son ensemble.

Le référendum de janvier 2011, qui donnera aux Sud-Soudanais l’opportunité de former un nouveau pays indépendant, est l’une des dispositions les plus importantes d’un accord de 2005 (APG), qui a mis fin à des décennies de guerre entre Khartoum et les insurgés du MPLS, basés dans le sud. L’accord de paix est entré dans sa dernière phase, mais ses cosignataires du sud pourraient entrer eux aussi dans un chapitre final critique, ayant des implications considérables.

« Les Sud-Soudanais ont des raisons de célébrer le fait de pouvoir voter, mais la rancoeur et les divisions au sein du MPLS grandissent justement au moment où il [le MPLS] a besoin d’être uni », a averti le dernier rapport de Small Arms Survey.

« Si la moitié des ressources et de l’énergie – soudanaises et internationales – qui ont été mises au service de la ‘démocratisation’ avait été investie dans des activités de réconciliation, l’avenir du Soudan serait sans doute plus prometteur », a noté le rapport du groupe de recherche basé à Genève.

« Je pense que ce processus a eu de graves implications pour le MPLS à un moment où il ne peut vraiment pas se permettre d’être divisé », a dit Maggie Fick, une chercheuse basée à Juba qui étudie le Sud-Soudan pour le projet Enough, un groupe de mobilisation américain qui a une position critique vis-à-vis de Khartoum.

Scission nord-sud

Parmi les lignes de faille qui parcourent le MPLS, la plus visible, et peut-être la plus significative pour l’avenir de tous les Soudanais, est celle qui sépare la branche nord de la branche sud du mouvement, ou les "secteurs". Depuis des années, ces deux ailes poursuivent des objectifs différents, mais censés être complémentaires : le secteur nord a travaillé à unir les forces de l’opposition contre le gouvernement de Khartoum, afin de fonder ce qu’il a appelé un « Nouveau Soudan ».

Le secteur sud s’est davantage investi dans la conquête de différents degrés d’autodétermination pour le Sud, longtemps marginalisé, pour Abyei (un comté riche en pétrole situé à cheval sur la frontière nord-sud), et pour les Etats du Sud-Kordofan et du Nil bleu qui, bien qu’ils soient situés du côté nord de la frontière, sont sous l’égide du secteur sud du MPLS.

Ces deux secteurs co-existent depuis que John Garang, ancien leader du MPLS les a établis en 2005. Mais l’objectif du Nouveau Soudan s’étant quelque peu effacé suite au décès de M. Garang cette même année, et la perspective d’une sécession du Sud s’affirmant peu à peu, les deux mouvements jumeaux du parti semblent de plus en plus disjoints.

Durant la période qui a précédé les élections – très importantes pour le secteur nord, mais perçues par certains dans le sud comme une simple secousse sur la route du référendum – des désaccords profonds entre les deux camps ont éclaté au grand jour.

« Il s’agit avant tout d’un différend idéologique », a dit un membre du MPLS à Khartoum. « Certaines personnes du secteur sud ne pensent pas au-delà des frontières du Sud-Soudan ».

« Le MPLS devrait contenir l’instabilité, faute de quoi le PCN pourrait s’en servir comme d’une excuse pour tenter de repousser le référendum, [or] le MPLS a menacé de déclarer unilatéralement l’indépendance si cela se produisait »
Alors que le Parti du congrès national (PCN) est de plus en plus accusé d’avoir truqué les élections à l’avance, Pagan Amum, Secrétaire général du MPLS perçu comme étant en faveur du secteur nord, a promis à la fin du mois de mars que le MPLS rejoindrait d’autres partis de l’opposition si ceux-ci annonçaient un boycott total de toutes les élections dans le nord – du président, de l’assemblée et des gouverneurs.

Mais après une réunion présidée par Salva Kiir, le président du gouvernement autonome du Sud-Soudan, le MPLS a annoncé qu’il se retirerait seulement de la course à la présidence nationale et des élections au Darfour. Encouragé par les protestations des candidats du MPLS aux élections des gouverneurs dans le nord, M. Amum a ensuite déclaré que le secteur nord se retirait de toutes les élections. M. Kiir a refusé d’approuver cette décision.

« Des voix fortes se sont élevées autour de [M. Kiir], [suggérant que] de bonnes relations avec le [président] Bashir seraient une bonne chose pour le référendum », a dit Samuel Okomi, directeur de la South Sudan Youth Participation Agency, une ONG (organisation non gouvernementale) de la société civile. « Le secteur nord a l’impression d’être simplement utilisé et [destiné à être] abandonné ensuite ».

Pour sa part, Yasser Arman, directeur du secteur nord du parti et, jusqu’au retrait, candidat à la présidentielle, a minimisé les rumeurs d’une scission liée à l’élection entre lui et M. Kiir. « Nous nous connaissons depuis très longtemps, et nous avons une relation très forte », a dit M. Arman à des journalistes.

Mais pour Fouad Hikmat, analyste du Soudan pour l’International Crisis Group, une véritable scission semble imminente. « Le secteur nord du MPLS va se séparer du sud », a-t-il dit. « Ils savent que le sud se dirige vers la sécession ».

« C’est très dangereux pour la stabilité du Soudan », a dit M. Hikmat, qui pense qu’une nouvelle rébellion pourrait renaître des cendres du secteur nord du MPLS, et que des éléments MPLS du Nil Bleu et du Sud-Kordofan viendraient grossir ses rangs. Dans ces Etats, beaucoup sont mécontents que l’on se soit débarrassé d’eux – dans le cadre des négociations de l’APG – en leur accordant une vague « consultation populaire », au lieu de leur donner, à eux aussi, la possibilité de faire sécession via un référendum en bonne et due forme.

« Des appels à l’autodétermination se feront entendre dans le reste du Soudan si le Sud fait sécession, et un nouveau mouvement du nord est créé à partir d’une alliance de groupes armés dans le Nil bleu, le Sud-Kordofan, le Darfour et l’est du Soudan », a-t-il dit.

Mme Fick craint les conséquences d’une scission du MPLS pour le sud, où, selon elle, toute division nationale pourrait affaiblir la position du parti dans la négociation.

Un certain nombre de questions controversées au sujet de l’APG et du référendum doivent être discutées au cours des prochains mois. Certaines, telles que la question de la démarcation de la frontière nord-sud, doivent être résolues avant la tenue du référendum. D’autres concernent la façon dont un futur Etat du sud indépendant et Khartoum pourraient collaborer, notamment la façon dont ils partageraient les revenus du pétrole et d’autres ressources, leurs dettes internationales et leurs infrastructures.

« A l’heure actuelle, l’unité au sein du MPLS est véritablement essentielle pour la réussite des négociations avec le PCN », a dit Mme Fick.

Sudanese supporters of the south's SPLM party wave the southern flag at a rally in Bentiu, state capital of Unity
Photo: Peter Martell/IRIN
Hauts les drapeaux… le Sud-Soudan se dirige vers une sécession, avec ou sans référendum
Autres divisions

L’espace politique dans le sud lui-même représente en outre un espace à saisir. « Si les élections et le référendum se déroulent comme prévu, il y aura une nouvelle distribution politique dans le sud, et tout peut arriver », d’après un rapport publié par l’International Crisis Group en décembre 2009.

Des tensions menacent d’éclater entre le MPLS et les anciens membres du parti qui se présentent en tant que candidats « indépendants » aux élections des gouverneurs d’Etat - les gouverneurs, très puissants, contrôlent l’accès à des ressources souvent lucratives. Des allégations de trucage des votes se font déjà entendre dans quatre Etats différents – Unité, Bahr al Ghazal Nord, Équatoria occidental et Équatoria central – où des adversaires puissants font concurrence aux candidats du MPLS, et dans certains cas, la victoire a déjà été déclarée bien avant la compilation officielle des résultats.

Certains craignent que ces chamailleries électorales ne dégénèrent rapidement en un conflit beaucoup plus grave. Le Sud a derrière lui un long passé de conflits interethniques, et pendant la guerre, Khartoum a utilisé de nombreux groupes comme forces par procuration. Beaucoup de ces milices, qui sont encore contrôlées par des personnages politiques puissants, n’ont jamais été correctement démobilisées ni pleinement réintégrées dans les armées officielles en activité. « Chez certains membres des milices soutenues par Khartoum qui ont par la suite prêté allégeance à la SPLA [l’Armée populaire de libération du Soudan], des rancunes de longue date envers l’armée du Sud et le [gouvernement du Sud-Soudan] subsistent », d’après le rapport de Small Arms Survey.

Indépendamment de la politique électorale du Sud, et des allégations selon lesquelles les factions du nord et du sud déstabilisent délibérément certaines zones à des fins politiques, les relations entre et au sein des différentes communautés et régions du Sud-Soudan sont souvent tendues en raison de la compétition pour les ressources naturelles telles que l’eau, le pâturage et la terre, ainsi qu’à cause de vols de bétail, de rivalités de pouvoir locales, de conflits liés à des mariages, et de vendettas.

En 2009, les affrontements interethniques ont fait plus de 2 500 morts au Sud-Soudan et déplacé près de 400 000 personnes. A ce jour, au moins 400 personnes ont perdu la vie en 2010, et environ 60 000 ont été déplacées, d’après les Nations Unies.

Le rapport de Small Arms Survey a averti que « la colère contre le gouvernement de Juba, qui est perçu comme coupable d’exploitation, corrompu, non représentatif et peu performant, est répandue et grandissante ».

« Le MPLS devrait contenir l’instabilité, faute de quoi le PCN pourrait s’en servir comme d’une excuse pour tenter de repousser le référendum, [or] le MPLS a menacé de déclarer unilatéralement l’indépendance si cela se produisait », a averti Claire Mc Evoy, responsable du projet de Small Arms Survey sur le Soudan et co-auteure du rapport.

« Cela pourrait facilement conduire à un autre conflit armé entre le nord et le sud », a-t-elle ajouté.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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