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La toxicomanie, un problème qui s’aggrave

City of Rest centre for substance abuse and mental illness, Freetown, Sierra Leone. February 2010 Nancy Palus/IRIN
Une trentaine de personnes, qui tentent de se libérer de leur dépendance à la drogue, notamment la cocaïne, la marijuana, l’alcool ou l’héroïne (désignée sous le nom de « brown-brown » par les populations locales), sont sur la liste d’attente de « City of Rest » (La cité du repos), seul centre de désintoxication de Sierra Leone, situé à Freetown, la capitale.

« C’est terrible, et les besoins [d’intervention contre la toxicomanie] ont tellement augmenté. Les parents viennent avec leurs enfants et on doit leur dire non par manque de place », a déploré le pasteur Morie S. Ngobeh, directeur du centre.

Le centre, qui aide également les personnes atteintes de maladies mentales, a la place d’accueillir 40 patients. « Que personne ne vous fasse croire le contraire : en Sierra Leone, la toxicomanie est un problème qui s’aggrave ... chaque jour », a-t-il dit à IRIN.

La consommation locale de drogues est en effet une source de préoccupations croissantes en Afrique de l’Ouest, plaque tournante du trafic, selon les participants à une conférence des Nations Unies sur la lutte contre le crime organisé et le trafic, tenue à Freetown.

« Pour chaque tonne de cocaïne qui passe par la Sierra Leone, deux ou trois kilos s’y arrêtent », a déclaré à IRIN Kellie Conteh, coordinatrice du Bureau de la sécurité nationale.

Moins de rechutes
Au centre City of Rest de désintoxication et de traitement des maladies mentales, un jeune homme regarde par la fenêtre, l’air découragé. Il n’a pas réussi à passer la période d’essai post-traitement du centre, mais le pasteur Morie S. Ngobeh, directeur du centre, est convaincu qu’il y parviendra la prochaine fois.
Les rechutes ont considérablement diminué chez les toxicomanes soignés au centre depuis l’instauration des périodes d’essai, en 2008.
La première semaine après le traitement, les patients quittent le centre pendant la journée, et reviennent le soir. La deuxième semaine, ils passent le plus clair de leur temps à l’extérieur, en se présentant au centre pendant la journée, et sont soumis à des tests pour vérifier qu’ils n’ont pas consommé de drogue.
« S’ils réussissent à passer ces deux semaines sans prendre de drogue, ils sont prêts à recevoir leur certificat, mais uniquement si nous leur avons trouvé quelque chose à faire », a dit M. Ngobeh. « Mais même après cela, nous gardons contact avec eux pendant un an ». Il a montré à IRIN le certificat de fin de traitement.
« Certains d’entre eux n’ont jamais obtenu de diplôme, ni de certificat avant ».
« Cela alimente la consommation locale ; nos jeunes, qui sont là, par milliers, sans emploi et pauvres, se mettent à en consommer, et plus ils seront nombreux à devenir dépendants, plus nous courrons à la catastrophe, qu’il nous sera très difficile de gérer ».

La plupart des consommateurs sont pauvres et ont souvent recours au crime pour pouvoir financer leur toxicomanie, selon M. Ngobeh. « Les vols, les chapardages, la violence dans les rues, toutes ces choses-là ont lieu à cause de la drogue. Ces jeunes veulent de l’argent pour s’acheter de la drogue et rien ne les arrête. Ceux qui ... sont issus de familles riches prennent de la cocaïne ».

Prières et formations

Depuis le bureau de M. Ngobeh, où se déroule l’entretien, on entend les rires de personnes qui regardent une émission télévisée, d’autres voix, qui prient, et le cliquetis des chaînes utilisées pour attacher les toxicomanes qui présentent un danger pour eux-mêmes ou autrui. Seuls trois des 40 patients internés se sont présentés volontairement ; les autres ont été amenés par leurs parents ou la police, selon M. Ngobeh.

City of Rest offre des traitements de désintoxication, un lieu de prières et de suivi psychosocial, de l’aide pour trouver du travail, et des formations professionnelles pour aider les toxicomanes en rétablissement à devenir autonomes. « Nous ne nous contentons pas de les renvoyer au sein de la société ; nous travaillons avec les parents ou les parrains pour les aider à trouver un emploi, ou [nous les aidons] à retourner à l’université ou à l’école professionnelle », a-t-il dit.

Cette tâche présente d’autres difficultés. Environ 60 pour cent des jeunes de Sierra Leone sont sans emploi, selon les statistiques du gouvernement, et de nombreux jeunes ont expliqué à IRIN que bon nombre d’entre eux consommaient de la drogue faute de travail.

A man at City of Rest centre for substance abuse and mental illness in Freetown, Sierra Leone. February 2010
Photo: Nancy Palus/IRIN
« Les jeunes sont frustrés d’être désœuvrés », a ainsi déclaré Joe*, dealer de marijuana à Freetown.

« Nous sommes tous des travailleurs qualifiés, ici ... mais il n’y a pas de travail. Les jeunes prennent de la marijuana pour s’apaiser l’esprit », a expliqué Joe à IRIN, en désignant du doigt les jeunes traînant sur les bancs alentours, occupés à fumer des joints et à descendre de petits sachets de gin (en vente partout).

Selon M. Ngobeh, le gouvernement devrait se pencher sur ce problème d’urgence. « Il faut qu’ils s’occupent de la situation ; sinon, la prochaine génération sera inutile. Si, ce n’est pas une blague ». Dans cette optique, il a suggéré que les autorités fassent appel aux anciens toxicomanes dans la lutte contre le trafic en Afrique de l’Ouest.

« Nous devons faire appel à un géant pour tuer un autre géant. [Les autorités] postent des gens à la frontière pour arrêter la cocaïne, pour empêcher que ces drogues ne pénètrent ici ; mais ces gens n’y connaissent rien », a commenté M. Ngobeh. « Si vous formez des gens qui ont été désintoxiqués et que vous les postez à la frontière, il n’y aura plus moyen de faire passer des drogues ; ces gens-là les détecteront ».

City of Rest, qui a officiellement ouvert ses portes en 1996, est financé par les dons des églises privées. Les patients y affluent des quatre coins de la Sierra Leone et des pays voisins, et même des Sierra-leonais d’Europe sont venus s’y faire soigner. Un nouveau centre destiné à accueillir 70 patients est en cours de construction à la périphérie de Freetown ; dans l’attente d’un soutien financier, des centres ouvriront également dans d’autres régions de Sierra Leone, notamment à Bo et Makeni, a dit M. Ngobeh.

*un nom d’emprunt

np/sr/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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