L’absence des maris est un des nombreux facteurs à l’origine des infanticides commis au Sénégal, où de nombreuses jeunes femmes, tombées enceintes sans le vouloir, pensent n’avoir d’autre choix que d’éliminer leur enfant, selon les autorités et les chercheurs. Au Sénégal, l’avortement est illégal et les avortements clandestins sont monnaie courante.
La pauvreté, le partenariat sexuel multiple et l’ignorance en matière de contraception sont autant d’autres facteurs, mais avec un dénominateur commun : la honte grave associée aux grossesses non désirées en particulier hors des liens du mariage, selon Aly Khoudia Diao, sociologue à Dakar, la capitale.
« L’infanticide est devenu un remède aux amours interdits [qui donnent lieu à des grossesses] pour éviter les commérages et la honte pour la famille, et pour cacher l’infidélité, surtout lorsque la femme est [engagée par] les liens du mariage », a expliqué M. Diao à IRIN.
Dans la ville de Louga, chef-lieu de la région de Louga, à 200 kilomètres au nord de Dakar, on sait qu’au moins deux bébés ont été tués par leur mère depuis le mois d’octobre 2009, et cinq cas d’infanticide ont été déclarés en 2008, selon Moustapha Ndour, commandant de la gendarmerie de la région.
« Ces infanticides sont liés aux questions d’émigration », a-t-il dit à IRIN. « Les maris laissent leurs femmes – qui sont très jeunes - pendant deux, cinq, 10 ans ».
A Louga, une femme mariée à un homme qui vit à l’étranger a récemment été inculpée de ce crime, a expliqué le commandant Ndour. « Elle ne voulait pas que quelqu’un voie l’enfant ; c’est pour cela qu’elle a jeté son corps au fond d’un puits ». Des corps de nourrissons ont ainsi été retrouvés dans les puits et les rues ; d’autres sont enterrés.
Plus de 20 000 hommes de la ville de Louga – soit 10 pour cent de la population - vivent en Europe ou aux Etats-Unis, a expliqué à IRIN Amadou Fall, adjoint au maire. Parmi ceux qui restent, six jeunes sur 10 sont sans emploi et les femmes représentent 80 pour cent de la population, selon M. Fall.
D’après ses recherches, M. Diao estime que 30 à 40 pour cent des femmes qui tombent enceintes par accident commettent un infanticide. « Cette proportion est inquiétante et elle ne fait qu’augmenter », a-t-il dit. Il n’existe pas de statistique à l’échelle nationale, selon Cheikh Bamba Niang, porte-parole du ministère de la Justice.
« Cinq à 10 pour cent de ces infanticides sont liés à l’émigration », a expliqué M. Diao. « La sexualité est un besoin physiologique. [Certaines de] ces femmes se marient tôt, et tôt ou tard, elles vont être sollicitées par [d’autres] hommes. Et dans un moment de faiblesse, elles basculent dans l’adultère ».
En outre, les femmes confrontées à des grossesses non désirées n’ont souvent personne vers qui se tourner, selon Fatou Sarr Sow, directrice du laboratoire Genre à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
« Ces femmes subissent la pression sociale, elles ont peur de déshonorer leur famille », a-t-elle expliqué. « Elles ne disposent pas de lieux d’écoute ; elles sont seules dans leur malheur ». L’infanticide est monnaie courante en milieu rural, où le taux d’analphabétisme est élevé, a-t-elle ajouté.
Selon M. Diao, de nombreuses jeunes femmes se mettent à porter des vêtements amples et à ne plus voir leurs amis ou leur famille une fois que la grossesse commence à être visible. Certaines se rendent au village, où au moins un de leurs parents est au courant de leur situation.
Les Sénégalaises qui émigrent ont également des relations sexuelles extraconjugales, a-t-il noté. Mais [en cas de grossesse], « elles se [font avorter] car elles ne sont plus [soumises] aux contraintes socioculturelles du pays ».
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