Les élections, qui doivent avoir lieu en avril, sont un élément clé de l’Accord de paix global (APG) de 2005, qui avait mis fin à 22 années de guerre civile au Soudan.
« Nous nous inquiétons de ce qui va se passer lorsque les votes seront annoncés », a dit William Kong, ancien soldat, lors d’un rassemblement électoral, à Bentiu, chef-lieu de l’Unité, un Etat riche en pétrole du sud du pays.
« Les gens sont tellement excités pour la personne qu’ils soutiennent que j’ai peur qu’il n’y ait des problèmes s’ils découvrent qu’ils ont perdu ».
Les élections, premier scrutin multipartite en 24 ans, opposeront le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), ancien groupe rebelle actuellement au pouvoir dans le sud, à son ancien ennemi du nord, le Parti du congrès national (NCP).
En outre, dans l’ensemble du sud semi-autonome du pays, plusieurs des anciens principaux partisans du SPLM ont rejeté les candidats du parti, préférant se présenter eux-mêmes en tant que candidats indépendants aux postes influents de gouverneurs d’Etat, ou aux assemblées étatiques, régionales ou nationale.
Une campagne complexe
« La sécurité est une question réelle, et une préoccupation importante », selon Angelina Teny, qui se présente en tant que candidate indépendante au gouvernorat de l’Etat de l’Unité.
Le scrutin, d’une durée de trois jours, commencera le 11 avril, les résultats devant être annoncés une semaine plus tard.
« Nous avons demandé à tous nos partisans de ne pas réagir aux provocations », a expliqué Mme Teny. « S’il y a un problème, ils doivent faire appel aux autorités, et non répondre à la violence par la violence ».
Riek Machar, le mari de Mme Teny, est vice-président du Sud et l’un des présidents adjoints du SPLM - un fait qui traduit la complexité des campagnes électorales.
Au Soudan, les loyautés sont souvent fondées sur les différences ethniques ou claniques, et les rivalités datant de la guerre civile restent profondément ancrées : selon les estimations, deux millions de personnes ont été tuées au cours de ce conflit, alimenté par la religion, les appartenances ethniques, l’idéologie et les ressources.
« Les gens n’ont pas l’habitude de choisir paisiblement leur dirigeant, ni de céder le pouvoir sans se battre », a expliqué Stephen Madit, enseignant à Bentiu.
Bien qu’il soutienne le SPLM à la présidence du sud, M. Madit a déclaré qu’il voterait pour le NCP à la présidence nationale, afin d’assurer que les deux signataires de l’APG restent au pouvoir.
Il s’agit là d’une approche pragmatique que bon nombre de Soudanais du sud semblent privilégier - de crainte de voir éclater un nouveau conflit si l’équilibre des pouvoirs basculait.
« Jusqu’au référendum, notre principal souci est de préserver l’APG », a-t-il dit, en allusion au scrutin qui doit avoir lieu en janvier 2011, au Sud-Soudan, et déterminera la potentielle indépendance totale de la région.
Maîtriser les électeurs
Photo: Peter Martell/IRIN |
Le président Omar al Bashir salue les foules, à Juba, au cours d’un rassemblement électoral |
Le code engage tous les signataires « à respecter les lois électorales, à promouvoir un scrutin électoral juste, et à s’abstenir d’avoir recours à la violence, sous toutes ses formes, et de faire obstacle aux autres candidats ».
Mais il reste à savoir dans quelle mesure des documents signés par les dirigeants suffiront à maîtriser les partisans sur le terrain.
A Bentiu, des forces militaires sont sous l’autorité directe de Taban Deng Gai, le gouverneur en exercice, selon différentes sources locales et des Nations Unies.
En octobre 2009, à Bentiu, des affrontements ont opposé les soldats fidèles au gouverneur aux forces fidèles à Paulino Matip, ancien chef d’une milice, qui a intégré la SPLA en tant que commandant adjoint.
Une fosse béante se trouve encore dans l’enceinte de son domicile de Bentiu, dont le mur a été abattu par un char au cours des affrontements, qui ont fait au moins 16 morts.
« Si le gouverneur [Taban Deng Gai] perdait, il ne renoncerait pas avant de s’être battu », a dit Gabriel Madeng, étudiant.
« Les enjeux sont de taille », a-t-il ajouté, observant que l’Etat perçoit deux pour cent des recettes tirées du pétrole extrait de son sol, soit environ un million de dollars par mois, selon les statistiques du ministère des Finances.
Mais les populations sont insatisfaites des lenteurs perçues du développement.
« Ce qui est fait n’est pas suffisant ; c’est pourquoi nous disons qu’il est temps d’opérer un changement », a déclaré M. Madeng.
Le niveau de violence est déjà élevé dans le sud : ces violences ont fait plus de 450 morts et 40 000 déplacés depuis janvier, selon le Bureau du Coordinateur résident et coordinateur humanitaire au Sud-Soudan.
L’année dernière, plus de 2 500 personnes avaient été tuées et près de 400 000 avaient été déplacées dans toute la région sud.
« Les élections d’avril pourraient aggraver cette situation déjà tendue », a averti le groupe de plaidoyer Enough dans son rapport du 16 mars.
Le groupe s’est déclaré extrêmement préoccupé par les efforts de désarmement déployés par l’armée sudiste dans les zones considérées comme les plus susceptibles d’être le théâtre de violences électorales.
Photo: Ben Parker/IRIN |
Sur ce panneau, une affiche encourage les populations à voter au cours du prochain scrutin |
Sur une note plus encourageante, les médias soudanais des deux régions ont en grande partie évité les incitations à la violence.
« Le nombre d’épisodes explicites de discours de haine observés au cours de la période visée par ce rapport est relativement faible et d’une portée limitée », pouvait-on lire dans un rapport publié par le Sudan Media and Elections consortium, un groupe d’organismes nationaux et internationaux, à la suite d’une évaluation réalisée entre le 13 février et le 7 mars.
« La plupart des cas suivis étaient liés à un style de campagne véhément et à la confrontation entre les principaux candidats ; ils ne représentaient pas un appel ciblé à la violence et à la discrimination », a ajouté le consortium, financé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
Les tensions sont toutefois vives, si bien que les aînés et les dignitaires de l’Eglise ont à plusieurs reprises appelé les populations au calme.
« Il a fallu plus de 20 ans au peuple soudanais pour instaurer la paix », a récemment déclaré Paolino Lukudu Loro, archevêque catholique de Juba, à l’attention des fidèles venus assister à son sermon.
« Je demande instamment aux masses et aux croyants du Soudan de s’efforcer de maintenir la paix pendant la campagne et le déroulement des élections ».
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