« L’impunité ne sera plus tolérée, le sang des fils et des filles du Togo ne coulera plus librement sur notre terre, la terre de nos ancêtres ». Ces mots, écrits cinq mois après des élections sanglantes qui, en avril 2005, ont été à l’origine de la mort d’au moins 400 personnes et du déplacement de dizaines de milliers d’habitants, ont posé les fondements d’une commission de vérité, justice et réconciliation, créée afin d’aider le pays à surmonter des décennies de violences politiques.
« Les élections ne suffisent pas pour réconcilier les Togolais », a dit Gameti Akuyo, vendeuse de pagnes à Lomé, la capitale. « Il faut que les auteurs de violence reconnaissent le mal qu’ils ont fait et demandent pardon. Sinon, la réconciliation serait comme un simple amusement et le mal va perdurer ».
Le président sortant, Fauré Gnassingbé, a pris le pouvoir après le décès de son père, début 2005, lors d’une élection marquée par la répression des forces de sécurité qui, selon Amnesty International, une organisation de défense des droits humains, ont commis des actes de torture, des viols et des exécutions extrajudiciaires.
La commission vérité, justice et réconciliation a été créée en 2006 dans le cadre d’un accord de paix entre l’opposition et les partis au pouvoir, mais son président, Nicodème Barrigah, a dit à IRIN que la commission n’avait pas encore commencé le processus de réconciliation pour ne pas déstabiliser le pays avant les élections.
Quand commencer ?
« On a donc estimé que cela ne sert à rien d’enflammer encore le cœur des Togolais [à l’approche des élections], mais qu’il faut plutôt veiller à la tenue d’élections transparentes... afin de pouvoir faire la réconciliation après », a dit M. Barrigah à IRIN.
« La réconciliation n’est pas une incantation, ce n’est pas un slogan, ce sont des actes qu’il faut poser » |
Mais les accords de paix et les élections ne garantissent pas toujours une paix durable. « La commission a été installée pour ... offrir aux Togolais ce qu'on appelle la garantie de non-répétition. Il y a eu des violences, mais nous ne savons toujours pas si les présumés coupables le sont vraiment », a dit à IRIN André Anfanou, spécialiste en justice traditionnelle à Lomé. « Au-delà de la sensibilisation [du public], qui est une bonne chose, la commission devrait avoir le courage de poser des actes forts ».
Tant que les Togolais ne pourront pas fermer ce chapitre, il y aura toujours un risque de nouvelles violences politiques, a-t-il dit. « Les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets. ... Il faut faire en sorte de neutraliser au maximum les germes de la violence ».
Ankra Wiliam, électeur, était sceptique concernant une réconciliation durable. « C’est le régime RPT (Rassemblement du peuple togolais) qui était là quand il y a eu les violences en 2005 et je suis sceptique qu’on parvienne à une réconciliation véritable si le processus sera piloté par les mêmes personnes qui nous ont fait du mal. Je doute fort ».
Prochaines étapes
Le président de la commission, M. Barrigah a dit à IRIN qu’après les élections, le groupe commencerait à identifier les auteurs de violations des droits de l’homme et à « apaiser le cœur des Togolais en réparant les torts qu’ils ont eu à subir ».
Les élections législatives de 2007 ont été jugées, en grande mesure, justes et libres, ce qui a débloqué un gel partiel des financements de l’Union européenne (UE) qui durait depuis 13 ans et qui avait été imposé en protestation contre les actions du Togo à l’encontre des droits humains. L’UE, le principal bailleur de fonds bilatéral du Togo, a relancé des programmes et s’est engagée à hauteur de 441 millions de dollars pour la période de 2008 à 2013.
Cependant, les élections ne seraient qu’une première étape de la réconciliation. « L’élection présidentielle ne suffit pas pour réconcilier les Togolais, mais leur bon déroulement marquera un pas très important dans la réconciliation des Togolais », a commenté M. Barrigah.
Contrairement à l’élection présidentielle de 2005, celle de 2010 est contrôlée par des centaines d’observateurs électoraux internationaux et plus de 3 000 observateurs locaux.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme au Togo est vigilant. Deux permanences téléphoniques ont été mises en place pour faire part de tout acte de violence. La Croix-Rouge a formé 600 bénévoles togolais pour faire face aux différents scénarios possibles le jour de l’élection et ils ont été postés dans tous les bureaux de vote. Un certain nombre de Togolais a également décidé de s’abstenir de voter.
Ajavon Zeus, président du Collectif des associations pour la lutte contre l’impunité au Togo, une organisation non gouvernementale locale, a dit à IRIN : « la réconciliation n’est pas une incantation, ce n’est pas un slogan, ce sont des actes qu’il faut poser ».
pt/ea/he/gd/ail
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions