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Des ex-combattantes tentent de recoller les morceaux

Odile Nibizi and Annabella Nsimirimana, residents of Muyira  in Bujumbura Rural Province Judith Basutama/IRIN
Odile Nibizi et Annabelle Nshimirimana. De nombreuses femmes de la province de Bujumbura Rural ont été obligées de participer à la guerre. D’autres, qui sont restées dans les villages, ont fini par réaliser des tâches pour l’armée ou pour les FNL
À 15 ans, Annonciata Nduwimana était une combattante accomplie du groupe d’opposition burundais des Forces nationales de libération (FNL) et savait comment tuer au combat.

« Mon père s’est fait tuer parce qu’on l’accusait d’héberger des rebelles. Nous [sa mère, ses deux frères aînés et elle] avons ensuite fui vers Bujumbura pour chercher refuge », a-t-elle dit.

La vie dans la capitale s’est cependant révélée difficile pour une veuve et ses trois enfants. Incapable de payer un loyer, la famille est retournée dans son village, à Muyira, dans la province de Bujumbura Rural.

La région était un bastion des FNL. « L’armée était convaincue que nous prétendions être des écoliers pendant la journée, mais que nous devenions des combattants des FNL la nuit », a dit Mme Nduwimana à IRIN. « Je savais qu’en restant ici je me ferais tuer. J’ai choisi de mourir au combat ».

C’était en 2003. Deux semaines après avoir rejoint les rangs des FNL, elle terminait une formation de base et participait aux combats.

« J’avais peur, je n’avais jamais imaginé que je pouvais tuer des gens », a-t-elle dit. « Mais il n’y avait pas d’autre solution : sois vous tuiez, sois vous étiez tué. Le choix était clair ».

Maintenant âgée de 21 ans, Mme Nduwimana est retournée à la vie civile à Muyira, mais elle n’a pas tiré beaucoup de bénéfices de ces années en tant que combattante. Elle est traumatisée, elle n’a pas été entièrement acceptée par la société et elle manque de capital pour commencer une activité génératrice de revenus.

Tout comme Mme Nduwimana, de nombreuses femmes de cette province ont été obligées de participer à la guerre. D’autres, qui sont restées dans les villages, ont fini par réaliser des tâches pour l’armée ou pour les FNL.

Certaines apportaient de la nourriture aux combattants, d’autres allaient chercher de l’eau ou du bois pour le feu ou hébergeaient des combattants chez elles.

« Nous quittions la maison [en transportant de la nourriture] vers huit heures du soir et nous marchions sans arrêt. Nous arrivions à leurs [les FNL] cachettes à l’aube », a dit Annabelle Nshimirimana, âgée de 20 ans.

« Le soir suivant, nous rentrions à la maison à pied en faisant attention à ce que personne ne remarque notre absence », a-t-elle ajouté. « C’était une tâche difficile, car c’était un long trajet à travers les montagnes. Parfois, nous tombions dans une embuscade et étions obligées de nous battre ».

La voisine de Mme Nshimirimana, Odile Nibizi, âgée de 34 ans, s’est souvenue d’une nuit où les combattants des FNL avaient frappé à sa porte et lui avaient demandé de les héberger. Bien qu’elle ne connût aucun d’entre eux, les hommes étaient restés chez elle pendant une année entière.

« Je leur fournissais tout. Cela m’a coûté mon entreprise de bière, car je me suis retrouvée sans rien », a dit la mère de six enfants. « Nous étions pris entre deux feux : si on hébergeait des membres des FNL, l’armée nous prenait pour cible, mais si on refusait, on se faisait tuer aussi ».

Ce ne sont là que trois exemples parmi des centaines de cas de femmes burundaises qui essayent de reprendre une vie normale. Les FNL ont en effet abandonné la lutte armée et sont devenues un parti politique en avril 2009.

Tout recommencer

Annonciata Nduwimana, an ex-combantant now trying to fit into civilian life
Photo: Judith Basutama/IRIN
Annonciata Nduwimana essaye de réintégrer la vie civile
Alors que le Burundi a en grande partie retrouvé le calme, des anciennes combattantes telles que Mme Nduwimana, Mme Nshimirimana et Mme Nibizi essayent de réintégrer la vie civile.

Il s’agit cependant d’un parcours difficile pour la plupart de ces femmes, qui se battent toutes seules pour panser leurs blessures, surmonter le traumatisme d’être une ancienne combattante, lutter contre les stéréotypes et être acceptées dans une société qui n’est pas habituée aux anciennes combattantes.

« Ils [les voisins] me traitent de tous les noms. Quand ils me voient passer, ils disent “regarde, elle était soldat”. Ils pensent toujours que je suis un bandit. Nous sommes accusées de toutes les affaires de banditisme », a dit Mme Nduwimana.

Une autre ancienne combattante, qui a désiré garder l’anonymat, a dit que les anciennes combattantes qui avaient été mises enceintes par d’autres combattants étaient dans une situation encore pire et étaient rejetées par la société.

« Ils nous disent d’emmener nos enfants chez leurs pères, mais comment pouvons-nous le faire ? » a-t-elle dit.

De nombreuses femmes ont du mal à joindre les deux bouts.

« J’ai reçu 4 500 francs [3,6 dollars, comme prime de démobilisation] et je les ai utilisés comme capital. Je vends de l’huile de cuisson. Jusqu’à maintenant, je n’ai pu obtenir que trois litres. Je peux me procurer du savon et de la nourriture », a dit Mme Nshimirimana, qui a été obligée de quitter l’école très jeune.

Orphelins, ses cinq frères et sœurs sont pris en charge par des proches à Rumonge, dans la province de Bururi, au sud du pays.

Une lueur d’espoir

Mais tout n’est pas perdu. L’organisation humanitaire CARE International a lancé un projet ayant pour but l’intégration sociale et économique des anciennes combattantes.

Remy Ndayiragije, responsable du projet « Dushigikirane » (« Laissez-nous nous entre-aider » en Kirundi) a dit que l’objectif était de renforcer l’autonomie économique des anciennes combattantes et de faciliter leur intégration sociale.

M. Ndayiragije a dit que CARE collaborait avec le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, l'organisation américaine Survival Corps et l’International Rice Institute. Le projet vise notamment l’introduction de nouvelles variétés de riz dans la province du Bujumbura Rural.

Il met également en place un programme d’épargne et de prêts et sensibilise les femmes à l’importance du travail en association. Nombre d’entre elles ont désormais formé des groupes de solidarité pour économiser chaque semaine de l’argent afin d’offrir des prêts à ses membres.

« Nous voulons aussi mettre en contact avec les anciennes combattantes des femmes qui n’ont pas participé aux combats », a dit M. Ndayiragije. « Lorsqu’elles travaillent ensemble, elles parlent de leur expérience passée. Elles peuvent se comprendre. Celles qui n’ont pas été acceptées dans la communauté peuvent bénéficier d’une écoute au sein du groupe ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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