Dans un entretien avec IRIN à Bangui, le responsable du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) en RCA, Jean-Sébastien Munié, a dit que les organisations non gouvernementales (ONG) avaient un rôle essentiel à jouer dans l’aide à la population dans le nord-est, notamment pour soutenir les programmes de relèvement rapide et pour subvenir aux besoins de centaines de déplacés.
« Notre présence est bien plus que symbolique », a souligné M. Munié. « Elle est fortement sollicitée par la population elle-même ». Mais M. Munié a également averti que les problèmes de sécurité devaient être pris sérieusement. « Il y a une sorte de traumatisme au sein de la communauté humanitaire lorsqu’on voit des collègues disparaître comme ça ».
Les deux travailleurs humanitaires, qui travaillent pour l’organisation française Triangle, ont été pris en otage tard un dimanche soir par un groupe d’attaquants qui s’est enfui avec trois voitures d’ONG et une moto. Un troisième otage, qui travaille pour l’ONG Comité d’Aide Médicale (CAM), aurait été libéré après des discussions entre les ravisseurs.
Des sources diplomatiques à Bangui ont mis en garde contre des rumeurs et des supputations concernant les enlèvements, soulignant que peu de détails clairs étaient apparus sur la situation géographique des otages ou l’identité du groupe d’attaquants de Birao. Des informations diffusées par les médias soudanais, s’appuyant sur des contacts téléphoniques par satellite avec les personnes qui revendiquent les enlèvements, ont attiré l’attention sur le rôle des Aigles de la Libération de l’Afrique, un groupe peu connu qui affirme avoir pour cible le gouvernement français.
Les Aigles s’étaient pour la première fois retrouvés au centre de l’attention en avril 2009, lorsqu’ils avaient enlevé deux travailleuses humanitaires, de nationalité française et canadienne, travaillant pour l’ONG française Aide Médicale Internationale à Ed el Fursan, dans l’est du Tchad. Les femmes avaient été libérées après 25 jours de captivité. Les Aigles avaient nié avoir demandé une rançon.
Ils avaient déclaré à l’époque que leur objectif était de faire pression sur la France pour qu’elle engage une action en justice plus forte à l’encontre de l’organisation française Arche de Zoé, accusée d’essayer d’organiser l’enlèvement de douzaines d’enfants tchadiens en octobre 2007. Les Aigles disent qu’ils détiennent également Laurent Maurice, agronome pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), enlevé le 9 novembre dans l’est du Tchad. Le CICR dit avoir régulièrement été en contact téléphonique avec M. Maurice, mais ne pas connaître les revendications de ses ravisseurs. L’enlèvement de M. Maurice a conduit à la suspension des activités du CICR dans l’est du Tchad.
Photo: Anthony Morland/IRIN |
Les actions humanitaires, telles que ce programme de nourriture contre travail, représentent une véritable bouée de sauvetage pour de nombreux habitants de la RCA (photo d’archives) |
Un diplomate haut placé qui suit les évènements depuis Bangui a également fait preuve de scepticisme. « On ne sait tout simplement pas, à ce stade, si l’implication prétendue des Aigles est crédible dans cette histoire », a-t-il dit à IRIN. « C’est peut-être possible. C’est peut-être impossible. Il est bien trop tôt pour le dire ».
La tempête après le calme
La région de Vakaga se situe à plus de 1 000 km au nord-est de Bangui et sa population est très clairsemée. Birao est la capitale de la province et héberge un contingent de soldats, principalement togolais, de la mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT). Des fonctionnaires humanitaires ont fait part de leur étonnement face à « l’inaptitude » de la réponse du MINURCAT à l’attaque de Birao, les soldats étant arrivés longtemps après le lancement de l’alerte et le départ des véhicules.
Les évènements du 22 novembre ont eu lieu après une période de calme relatif dans la région. Les tensions de longue date entre les communautés Gula et Kara ont conduit à de sérieux accès de violence en juin, forçant des centaines de villageois à fuir leur maison. Le groupe rebelle Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), qui est fortement soutenu par la communauté Gula, a collaboré avec les Forces armées centrafricaines (FACA) pour aider à stabiliser la région. Des chefs des deux groupes ethniques ont participé à des tentatives de médiation. Les enlèvements ne sont pas liés au conflit entre les Gula et les Kara.
Ces derniers mois, les activités humanitaires ont surtout été concentrées sur l’incitation de la population, principalement rurale, à retourner aux champs après une grave interruption de la production agricole suite aux événements du mois de juin. Triangle, le CAM et International medical corps (IMC) ont suspendu leurs activités à Birao.
M. Munié a dit que les communautés locales souffraient des conséquences. « Quand vous assistez à un événement dans une ville comme celle-là alors que les gens pensent qu’ils sont protégés, cela laisse beaucoup de questions en suspens », a dit M. Munié à IRIN.
Les opérations humanitaires ont également été perturbées à Ndélé, la capitale de Bamingui-Bangoran, province voisine de Vakaga. Comme à Birao, Ndélé bénéficie de la présence d’un nombre non négligeable d’ONG, notamment les organisations françaises Solidarités et AMI, qui apportent un soutien médical. Les combats entre les FACA et la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), le 26 novembre, ont laissé la ville sous le contrôle du gouvernement. Mais de nombreux habitants ayant fui les affrontements seraient encore dans la brousse.
La CPJP doit encore signer l’Accord de paix global (APG) ratifié par d’autres groupes rebelles et par le gouvernement. Les 300 troupes du mouvement ne participent pas au programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) poursuivi par d’autres groupes. La CPJP s’est formée en décembre 2008, en tant que groupe dissident de l’UFDR.
Photo: IRIN |
Son chef attitré, Charles Massi, est un ancien membre du Cabinet et candidat à la présidentielle. M. Massi a été arrêté plus tôt cette année par les autorités tchadiennes alors qu’il était officiellement en mission au Tchad pour assurer la médiation du président Idriss Déby entre la CPJP et le gouvernement centrafricain de François Bozizé. M. Massi n’a pas été localisé.
Le programme de la CPJP est peu clair, mais M. Massi et ses sympathisants ont protesté contre les changements de la législation relative au diamant en RCA, soutenant que les mesures énergiques prises à l’égard des collecteurs de diamants et les tentatives de régulation du secteur pénalisaient les artisans miniers et leurs communautés. La CPJP bénéficierait d’un fort soutien de la communauté Runda et les habitants Runda de Ndélé ont été les plus lents à revenir en ville.
D’autres chefs rebelles qualifient de factice le rôle de dirigeant de la CPJP tenu par M. Massi, suggérant qu’il a pris la charge du mouvement simplement pour s’en servir comme outil de négociation avec M. Bozizé et que les commandants de la CPJP opèrent de façon autonome.
Les enlèvements à Birao et la lutte pour Ndélé ne semblent pas liés, mais sont le signe avant-coureur d’un nouveau cycle de violences potentiel, maintenant que la saison des pluies est finie en RCA.
« Pendant la saison sèche, les bandits, les braconniers, les zaraguinas et d’autres groupes ont plus de possibilités pour agir », a expliqué M. Munié à IRIN. Mais, tout en décrivant les accès de violence comme « inquiétants », il a averti qu’ils ne devaient pas nuire aux progrès tangibles réalisés ailleurs. « Nous avons un processus de paix solide en cours », a souligné M. Munié, affirmant que les mesures de DDP étaient à l’étude et ne devaient pas être éclipsées par les événements ayant eu lieu dans le nord.
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