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« Ce bidonville me rappelle constamment la perte de mon bras »

Erick Kioko, 26, a resident of Mathare slums. He lost his arm during Kenya's post-election violence. He was trying to help a woman who was being raped but the attackers turned on him and cut his hand after he put it up to shield his head Jane Some/IRIN
Erick Kioko was trying to help a woman who was being raped but the attackers turned on him and cut his hand after he put it up to shield his head
Avant le 15 janvier 2008, Erick Kioko était un jeune des bidonvilles comme les autres, multipliant les petits boulots pour survivre. Il aimait surtout travailler comme disc-jockey à temps partiel dans des lieux de divertissement des bidonvilles de Mathare, à Nairobi, la capitale kényane.

Il travaillait également comme receveur de tickets sur les lignes de minibus de la ville, gagnant 50 shillings kényans (0,66 dollar) par trajet. Parfois, il était porteur à une station de taxis. Toutes ces activités lui servaient à subvenir aux besoins de sa femme, son enfant, sa mère et ses trois frères et soeurs. Puis, le pays s’est rendu aux urnes, en décembre 2007, et les violences qui ont suivi ont changé la vie de M. Kioko à jamais.

Il s’est retrouvé bloqué à Kisumu, dans l’ouest du pays, où il s’était rendu pour animer une soirée. Il a réussi à rejoindre Nairobi deux jours plus tard pour trouver Mathare plongé en plein chaos. M. Kioko, aujourd’hui âgé de 26 ans, a raconté à IRIN comment il a perdu son bras.

« Quand je me suis rendu compte que les violences empiraient, tout ce que je voulais c’était vérifier si ma famille était en sécurité. Je suis arrivé à Mathare le 15 janvier 2008 et j’ai découvert que des jeunes s’étaient rassemblés pour empêcher les groupes rivaux de brûler leurs maisons. J’ai retrouvé ma mère à l’entrée de la base aérienne [Daniel Arap Moi], où de nombreuses personnes avaient trouvé refuge ».

« Dans la soirée, nous avons appris qu’un des groupes avait donné l’ordre à tous les habitants de rester chez eux. J’ai décidé de rentrer chez moi, mais je suis tombé sur un groupe d’hommes – je pense qu’ils étaient plus de 15 - en train de violer une femme. Ils avaient beaucoup d’armes, dont des machettes. Les cris de la femme étaient tellement horribles que j’ai décidé de ramasser quelques pierres et de les lancer sur le groupe dans l’espoir qu’ils la laissent tranquille ».

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« J’ai continué à leur lancer des pierres, sans réaliser que trois d’entre eux s’étaient détachés du groupe et m’avaient encerclé. Je me suis rendu compte trop tard qu’ils voulaient me frapper [avec leurs machettes]. L’un d’entre eux était tout près de moi, il a levé sa machette en direction de ma tête. Instinctivement, j’ai levé ma main gauche pour me protéger. Tout ce que je sais, c’est que l’instant d’après, ma main était par terre, il l’avait tranchée ! J’étais sous le choc ».

« J’ai vu les autres se rapprocher de moi et une petite voix intérieure m’a dit de fuir. J’ai couru de toutes mes forces vers la base aérienne. Je voulais juste être près de ma mère. Là, on m’a vite aidé à monter dans une ambulance et on m’a amené à l’hôpital national Kenyatta ».

« J’ai passé un mois à l’hôpital. Je dormais par terre et je restais parfois sans manger, car l’établissement était surpeuplé. Ils se contentaient de panser ma blessure. Ils m’ont promis de m’opérer, mais l’intervention n’a eu lieu qu’à la fin du mois de février. Plus tard, Blue House [une organisation humanitaire oeuvrant à Mathare] m’a aidé à [bénéficier de] deux autres opérations dans un autre hôpital où la taille de mon moignon a été réduite ».

« Maintenant, ma blessure s’est cicatrisée et j’essaie de m’en sortir, mais comment puis-je être DJ avec un seul bras ? Je ne peux plus être receveur, car il faut avoir deux mains. Je ne peux pas non plus être porteur. J’ai quitté l’école en troisième année de primaire, car je ne pouvais pas payer les frais de scolarité. Je peux donc difficilement trouver un emploi moins fatigant physiquement. Ma femme et moi vivons avec ma mère, car je n’ai plus les moyens de payer un loyer. Je passe mes nuits avec des amis parce que je n’arrive pas à dormir dans la même pièce que ma mère ».

« Tout ce qu’il me reste, ce sont des questions. Pourquoi moi ? Pourquoi le gouvernement a-t-il oublié les personnes dans mon cas alors qu’il indemnise les personnes déplacées qui ont perdu leurs biens ? Et nous qui avons perdu des membres ? Je n’ai même pas pu payer ce que je dois à l’hôpital national Kenyatta. J’ai écrit au conseiller du district pour lui faire part de ma détresse, mais je n’ai eu aucune réponse. Je prévois de retourner à son bureau bientôt ».

« J’ai juste besoin de trouver une façon de subvenir à mes besoins. J’aimerais surtout pouvoir quitter ce bidonville, il me rappelle constamment la perte de mon bras. Des amis m’ont même montré où ils ont trouvé ma main. Si au moins j’avais une prothèse, je pourrais à nouveau travailler comme DJ. J’aimerais pouvoir monter un petit commerce et être capable de louer une maison. Mais, pour l’instant, tout cela reste au stade du souhait ».

js/mw/gd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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