1. Accueil
  2. West Africa
  3. Nigeria

Des innocents « tués sans discernement » - défenseurs des droits humains

Scores of suspected members of radical Islamic group Boko Haram at Maiduguri police headquarters in Borno state in northeastern Nigeria Aminu Abubakar/IRIN
Les forces de sécurité ont tué des civils innocents et des hommes non armés lors des opérations de répression menées contre le groupe radical religieux connu sous le nom de Boko Haram, causant la mort de plusieurs centaines de personnes à Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, ont dit à IRIN des habitants et des activistes des droits humains.

« La manière dont les forces de sécurité s’y sont prises pour tirer et tuer des habitants innocents de Maiduguri et des membres de Boko Haram, est invraisemblable », a dit à IRIN Shamaki Gad Peter, responsable de la Ligue des droits humains basée à Jos, dans le centre du Nigeria.

M. Peter a dit qu’il avait reçu des témoignages d’habitants de Maiduguri, qui avaient vu des vendeurs de rue et des passants se faire tuer dans des échanges de tirs au cours d’affrontements entre les forces de sécurité et Boko Haram au cours des derniers jours, ainsi que des membres de Boko Haram désarmés être abattus. M. Peter a estimé que les forces de sécurité n’avaient pas fait suffisamment d’efforts pour identifier les cibles de leurs opérations – les partisans de Boko Haram ne portent pas d’uniforme ni de carte d’identité.

Tout au long de la semaine dernière, Boko Haram, un groupe radical qui appelle à l’application stricte de la loi islamique, a attaqué des commissariats de police dans cinq Etats du Nigeria, de même que des prisons, des bâtiments gouvernementaux et des églises, selon des observateurs.

Suite à des affrontements entre le groupe et les forces de sécurité, environ 4 000 habitants ont fui pour se réfugier dans des casernes militaires à l’extérieur de Maiduguri, où ils reçoivent de la nourriture, de l’eau et de médicaments distribués par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l’Agence nationale de gestion des urgences, a dit à IRIN un délégué du CICR, Ibrahim Aliyu.

Un journaliste a raconté à IRIN qu’alors qu’il se trouvait à l’extérieur d’un commissariat de police, il a vu trois membres de la secte capturés et désarmés être abattus à bout portant par des éléments des forces de sécurité.

La police a interrogé et relâché certains suspects, d’après des témoins. Halilu Ibrahim, un vendeur d’eau, a dit à IRIN qu’il avait été arrêté par la police et accusé d’être un membre de Boko Haram, alors qu’il se rendait à la station de bus pour fuir Maiduguri et se réfugier dans sa ville natale d’Azare, dans l’Etat de Bauchi. Après avoir été interrogé, il a été démontré qu’il n’était pas un membre du groupe et il a été relâché, a-t-il raconté. Mais il a dit que la police l’avait averti qu’il devait rester cloîtré chez lui. « Tu ferais mieux de [rester chez toi]… Si tu vas à la mosquée, ou si tu sors, tu seras un homme mort », lui aurait dit la police.

A la question de savoir si les forces de sécurité avaient tué des civils innocents, Emmanuel Ojukwu, porte-parole national de la police, a répondu à IRIN : « Nous ne savons pas. Nous n’avons aucun moyen d’identifier avec exactitude qui est membre du groupe… La plupart [des membres] ne portait pas d’uniforme… Certains portaient des bandeaux rouges. Ils [les membres de Boko Haram] tuent aussi des civils innocents. Ils considèrent que quiconque n’est pas membre [de leur groupe] est un infidèle qui doit être éliminé ».

« Si tu vas à la mosquée, ou si tu sors, tu seras un homme mort  »
Il a ajouté qu’il était prévu que le gouvernement mène une enquête sur les tueries.

Selon plusieurs témoignages, le leader du Boko Haram, Mohammed Yusuf, a été abattu lors de sa détention dans les locaux de la police le 30 juillet. M. Yusuf a été tué par balle, tirée à l’arrière de la tête à courte distance, d’après un journaliste sur les lieux. Le défenseur des droits humains M. Peter a décrit l’incident comme « condamnable ».

« Nous espérions qu’il serait arrêté, interrogé sur ses soutiens, sa cache d’armes ou sur la manière dont il s’y était pris pour recruter des jeunes et les faire rejoindre son groupe », a-t-il dit. « Ensuite, qu’il serait traduit en justice et poursuivi conformément aux lois du Nigeria… Tuer n’est pas la solution à ce problème ».

Les autorités ont affirmé que M. Yusuf avait été abattu lors d’un échange de tirs alors qu’il tentait de s’enfuir.

Le porte-parole de la police, M. Ojukwu, a dit à IRIN : « L’objectif de ce groupe est de renverser le gouvernement en place… Tout groupe qui attaque un commissariat de police s’en prend au symbole de l’autorité d’une nation. Ceux qui sont au gouvernement ne peuvent pas les laisser faire ce qu’ils veulent… Nous avons un continuum dans l’usage de la force et nos actions sont proportionnées aux actions qu’ils entreprennent ».

Il a ajouté : « Le Boko Haram opère avec des fusils d’assaut AK-47, des bombes… Ils ont tué des officiers de police dans des [universités] et des établissements. Ce groupe est d’une grande violence. Il n’était pas possible que l’action de la police soit de moindre [envergure] ».

Human rights watch (HRW), une organisation de défense des droits humains basée à New-York, aux Etats-Unis, a demandé une enquête sur la mort de M. Yusuf, la qualifiant de « meurtre ».

« A chaque fois que des gens attaquent la police et l’armée, il y a de puissantes attaques de représailles pour venger les morts »
La main lourde

Les forces de sécurité nigérianes sont connues pour avoir par le passé perpétré des assassinats en représailles, et usé d’une force excessive, d’après Eric Guttschuss, chercheur sur le Nigeria pour HRW.

A Jos, dans l’Etat de Plateau, 133 civils ont été tués par la police et les militaires dans des affrontements intercommunautaires en novembre 2008, selon une enquête de HRW.

« Il y a une tradition dans le nord du Nigeria », a dit M. Peter. « A chaque fois que des gens attaquent la police et l’armée, il y a de puissantes attaques de représailles pour venger les morts ».

L’action

Les groupes de défense des droits humains estiment que de nombreuses questions restent encore sans réponse. « Les morts étaient-ils des membres de Boko Haram ? », s’est interrogé M. Guttschuss. « Ou était-ce simplement des personnes qui se trouvaient dans les parages ? Quelles sont les circonstances de leur mort ? ».

« Les forces de sécurité doivent s’en tenir aux principes de base du recours à la force uniquement lorsque les moyens non violents ont été épuisés, et devraient respecter les principes internationaux fondamentaux sur l’usage des armes à feu », a-t-il ajouté. M. Peter a estimé que les militaires et les policiers devaient être mieux formés dans ce but.

La Ligue des droits humains a appelé les habitants à s’élever pour dire aux autorités qu’ils en avaient assez. « Les membres des familles des personnes qui ont été tuées [alors qu’elles] n’étaient pas membre du groupe doivent s’élever contre ça – ils devraient crier à l’injustice et réclamer justice ».

aa/aj/np/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join