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La liberté d’expression de plus en plus bâillonnée - Amnesty

Speak Into Me, a photo by Billy V of the main microphone in the control room of WMSR, the student radio station at Miami University BillyV/Flickr
Les arrestations et les détentions arbitraires, la torture et les procès injustes se multiplient en Gambie, aggravant encore davantage la situation déjà précaire de la liberté d’expression, selon des journalistes et des organisations de défense des droits humains.

« Depuis 2004, la situation n’a fait qu’empirer », a dit à IRIN Tania Bernath, responsable des recherches sur la Gambie à Amnesty International. « On y pratique les détentions arbitraires, la torture, les arrestations, l’autocensure, les meurtres, les menaces et même des chasses aux sorcières. Des journalistes sont parfois pris pour cible et forcés de s’exiler ».

« La situation actuelle des journalistes gambiens est pire que tout ce qu’ils ont pu vivre par le passé », à dit un reporter gambien qui a souhaité garder l’anonymat, à IRIN. Selon Amnesty, 30 journalistes ont fui le pays depuis 2007. Plusieurs d’entre eux se sont établis dans des pays voisins, tandis que d’autres se sont vus accorder l’asile aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

Les graves contraintes imposées à la liberté d’expression affectent tous les journalistes du pays, y compris ceux qui travaillent pour les journaux tolérés par le gouvernement, pour le service radio et de télévision de la Gambie (GRTS), géré par l’État, et pour les stations de radio privées qui ne font que jouer de la musique ou couvrir les événements sportifs, a dit Ndey Tapha Sosseh, présidente de l’Union de la presse gambienne (GPU), à IRIN.

Huit journalistes ont été arrêtés le 12 juin dernier. Sept d’entre eux sont accusés de sédition, notamment des reporters appartenant aux deux journaux encore indépendants du pays, Foroyaa et The Point, ainsi que des représentants de la GPU.

Le 12 juin, la GPU a fait une déclaration critiquant le président Yahya Jammeh pour ses commentaires « inappropriés » au sujet du meurtre du journaliste Deyda Hydara en 2004, que Foroyaa et The Point ont publiée.

« Avant l’incident du 12 juin, je pensais que la situation ne pouvait pas s’aggraver. J’avais tort », a dit à IRIN Tom Rhodes, directeur de la section Afrique de l’ONG américaine Committee to Protect Journalists (CPJ). Bien qu’elle ne soit pas au même niveau que la Guinée équatoriale ou l’Érythrée, a-t-il ajouté, « la Gambie est sur la même voie ».

IRIN n’a pas pu obtenir les commentaires du gouvernement.

La loi

La recrudescence des arrestations et des détentions s’explique par l’adoption, en 2004, de la loi d’amendement au Code pénal qui a élargi la définition de diffamation et la possibilité d’être accusé d’activités criminelles, a indiqué Madi Sesay, directeur général de Media Agenda, une ONG locale.

Ceux qu’on arrête sont, pour la plupart, accusés de sédition, a expliqué Mme Bernath, d’Amnesty. « Que signifie sédition ? Cela peut être une réunion, une discussion que quelqu’un a entendue par hasard, ou même un courriel ».

Les restrictions de la liberté d’expression n’affectent pas seulement les médias. « On nous refuse la liberté d’association. Il n’y a pratiquement plus de société civile », a dit à IRIN Mme Sosseh, de la GPU. « Les gens ont trop peur pour parler, à moins d’être en sécurité derrière des portes closes ».

On refuse aux hommes politiques de l’opposition « le droit de s’exprimer », a indiqué un journaliste.

Rares sont ceux qui parlent depuis que le gouvernement a procédé à une « chasse aux sorcières » qui a entraîné le kidnapping de centaines de Gambiens, a dit Mme Sosseh. « Personne n’a parlé. On est en 2009, mais ici, c’est comme si on était encore à l’âge des ténèbres ».

Les groupes locaux se sont également montrés prudents lorsque le Président a appelé les homosexuels à quitter le pays, sans quoi ils risquaient la mort.

Les Gambiens ont trop peur pour se plaindre des conditions dans lesquelles ils vivent au quotidien, a dit Mme Sosseh. « Ils sont pauvres et ne peuvent se procurer de nourriture, mais ils n’ont pas le droit d’en parler, car c’est considéré comme antiétatique... Techniquement, la population gambienne n’a aucun droit ».

Selon la Banque africaine de développement (BAD), environ 58 pour cent de la population gambienne vit dans la pauvreté.

« Je pense que le régime se préoccupe à juste titre du développement du pays, ce qui est, à mon avis, plus important que le respect des droits humains… Si les journalistes ont des problèmes, c’est qu’ils les ont cherchés. La majorité des Gambiens n’ont pas été arrêtés parce qu’ils n’ont rien fait de mal », a dit Samba Bah, un chauffeur de taxi.

Pressions de la communauté internationale

Des journalistes et militants ont appelé les grands donateurs, notamment les États-Unis et l’Union européenne (UE), à exercer plus de pressions sur le gouvernement et à imposer des conditions plus strictes pour l’attribution d’aides.

Les États-Unis ont fermé un compte Millenium ouvert en 2006 et qui valait des millions de dollars américains parce que le gouvernement gambien n’a pas respecté les critères d’admissibilité en matière de droits humains.

Mais, selon Mme Bernath, des retraits supplémentaires d’aides pourraient porter atteinte à la population gambienne plutôt qu’à leur dirigeants, qui s’ouvrent à de nouveaux donateurs tels que le Venezuela, l’Iran et la Chine, qui « n’ont pas à se plier aux mêmes exigences que les États-Unis et l’UE. Les interventions des donateurs occidentaux vont aller en diminuant puisque la Gambie n’a aucun intérêt stratégique réel pour eux ».

Toutefois, selon M. Rhodes, du CPJ, la société civile, bien qu’intimidée, semble se rassembler plutôt que se diviser. « La population commence à se rallier aux journalistes – On assiste de plus en plus à l’émergence d’un sentiment de solidarité au sein de la société civile gambienne. C’est énorme », a-t-il poursuivi.

Et on ne parviendra pas à faire taire l’Union de la presse, a dit Mme Sosseh. « Chaque fois que les autorités ont fait quelque chose que nous considérions comme injuste, nous avons réagi et condamné ces actes », a-t-elle dit. « C’est la ligne de conduite que nous continuons d’adopter, même s’il est risqué de se faire arrêter… Nous ne serions pas honnêtes envers nous-mêmes et envers la Gambie si nous nous contentions de nous taire ».

aj/mw/gd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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