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Les dangers du pastoralisme

Turkana youths in northern Kenya, near the Sudanese border. Small arms such as the AK-47 are widespread among pastoralist communities in east Africa, where increasingly severe and unpredictable drought has contributed to an increase in conflict between di Anthony Morland/IRIN
Turkana youths in northern Kenya, near the Sudanese border
Des sécheresses de plus en plus sévères et imprévisibles obligent les pastoralistes du nord-ouest du Kenya à se déplacer toujours plus loin et plus fréquemment pour trouver de l’eau et de l’herbe pour leurs animaux – dans des circonstances de plus en plus dangereuses.

« Certaines personnes interprètent mal ces déplacements et les considèrent comme des agressions », a dit Pascale Napayok, qui fait partie des nombreux responsables ougandais à avoir assisté à la récente réunion d’aînés de la communauté Turkana, organisée pour faire face aux problèmes connexes de la sécurité transfrontalière, des pâturages et de l’eau.

Comme pour mettre l’emphase sur la sécheresse, la réunion s’est tenue dans la région frontalière de Lokiriama, sur les berges d’un lit de rivière sablonneux dans lequel les filles Turkana creusent jusqu’à la ceinture pour en tirer de l’eau et faire boire les chameaux.

« Lorsque nous nous déplaçons, nous rencontrons des ennemis », a déploré Koloi Ekai, un vieil homme qui élevait autrefois du bétail avant que la maladie puis une crue subite viennent emporter la majeure partie de son troupeau de chèvres.

« Avant, nous avions de la pluie. Nous n’avions pas à nous déplacer autant. La vie était agréable. Mais maintenant, Dieu est contrarié », a-t-il confié depuis son village, une zone desséchée appelée Mapetao, près de Lodwar, la plus grande ville de la région Turkana. Si la vie à Mapetao est sans danger, c’est principalement parce qu’on y manque d’eau et de pâturages – pas de ressources, pas de conflits.

« Avant, j’avais des animaux. Avant, j’étais un homme. Maintenant, j’attends ma mort », a-t-il ajouté.

À Mapetao comme dans la majeure partie de la région, le terrain est poussiéreux et rocailleux, parsemé de broussailles rabougries et, ici et là, d’acacias. Même ceux-là se font rares parce qu’on en fait du charbon de bois dans un effort désespéré pour réunir quelques centaines de shillings pour acheter de la nourriture. Dans toute la région, d’énormes sacs de charbon bordent la route pour tenter les automobilistes.

A Turkana elder gesticulates during a meeting with officials from neighbouring Uganda. In large part because of drought, Kenyan pastoralists are having to travel further to find pasture, often into Uganda, where security forces will only grant admission i
Photo: Anthony Morland/IRIN
La sécheresse, la sécurité et la nourriture étaient les principales questions abordées dans le cadre d’une réunion de pastoralistes Turkana, dans le nord-ouest du Kenya
Des régions négligées et peu sûres

Les régions pastoralistes du Kenya, de l’Ouganda, du Soudan et de l’Éthiopie, où peu d’autres activités économiques sont pratiquées, sont depuis longtemps négligées par leurs gouvernements respectifs. Elles manquent ainsi d’infrastructures - comme les routes et l’approvisionnement en eau -, mais également de mesures de protection. L’absence de policiers explique en partie la prévalence des petites armes.

« À cause de l’insécurité, on apprend parfois déjà à utiliser un fusil à l’âge de cinq ans », a indiqué Emmanuel Lukwanok, qui fait partie de la douzaine de jeunes Turkana qui soufflaient dans une corne en descendant, dans une formation presque militaire, une colline du no-man's-land entre le Kenya et le Soudan, brandissant fièrement des AK47, pour accueillir la mission d’information.

« Si nous avons des armes, c’est pour combattre les Toposa », a-t-il ajouté, se référant à l’une des principales communautés pastoralistes vivant de l’autre côté de la frontière.

« Nous avons subi des rafles de bétail très, très souvent. Cela se produit en permanence et la situation s’aggrave et devient moins sûre. Nous avons perdu beaucoup de bétail. L’assaut est double – nous subissons les sécheresses et les rafles. Nous devons maintenant emmener nos animaux plus loin pour paître. C’est là la raison principale des conflits », a-t-il poursuivi. « Nous ne pouvons pas abandonner nos armes parce que si [nous le faisions], les Toposa viendraient voler nos animaux ».

Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il attendait de son gouvernement, M. Lukwanok a simplement répondu : « des balles et de la nourriture ».

Les défis de la protection

Un rapport de Small Arms Survey, une organisation de recherche basée à Genève, explique clairement les enjeux auxquels sont confrontés les pastoralistes dans cette région d’Afrique : « Un manque de services essentiels, des approvisionnements peu fiables en eau, un leadership déficient, des économies locales déprimées, des réponses insuffisantes au problème de la sécheresse, une pauvreté à grande échelle et de graves problèmes de santé et de nutrition ».

« Par conséquent, une culture de rafles de bétail s’est développée, exacerbée par l’accès généralisé aux armes à feu et le mauvais usage qui en est fait. Les efforts du gouvernement pour ‘pacifier’ ces communautés ont souvent été antagonistes, répressifs et irréguliers – des opérations militaires de désarmement qui n’ont pas su s’attaquer aux causes fondamentales des conflits locaux et n’ont pas réussi à offrir aux communautés désarmées la protection dont elles avaient besoin ou à agir dans l’intérêt de la population locale ».

À Lodwar, un haut placé de l’administration locale a reconnu que la protection offerte par l’État avait ses limites.

« Pour ce qui est de la sécurité, nous n’avons pas de personnel sur le terrain partout où nous en aurions besoin », a indiqué le chef de district Pili Nzungo.

Les efforts mis en place en 2004 et en 2005 pour désarmer les civils de la région Turkana ont échoué. « Les pastoralistes d’Ouganda, d’Éthiopie et du sud du Soudan étaient toujours armés et les civils nous ont dit qu’on les exposait à des attaques », a ajouté M. Nzungo.

Le gouvernement kényan offre maintenant des armes et de petites quantités de munitions aux communautés pastoralistes, passant outre la législation stricte en matière d’armes à feu en prenant pour réservistes de la police les bénéficiaires.

Cette politique permet également aux policiers normaux de pallier un autre problème auquel ils sont confrontés : les conditions médiocres des rares routes qui traversent les régions pastorales. « Il n’est pas toujours facile [pour les forces de sécurité] d’aller prêter main forte lorsqu’ils entendent parler d’une rafle », a expliqué John Nakara, de Riam Riam Peace Network.

A Turkana girl waters camels from a hole dug in a dry river bed near Kenya’s border with Uganda. Increasing drought has obliged pastoralists to travel further in their search for pasture and water. This often brings them into conflict with rival pastora
Photo: Anthony Morland/IRIN
Buvez, buvez – Le prochain point d’eau est loin
Le « décrochage » des pastoralistes

Selon Riam Riam, dans certaines régions, comme celle de Lomelo, dans le district sud du Turkana – où 26 personnes ont été tuées dans des accrochages en 2006 -, l’insécurité a poussé des milliers de personnes à fuir.

« Personne ne vit là-bas désormais. Ceux qui sont là maintenant sont des personnes déplacées », a indiqué Joseph Elim, coordinateur de projets chez Riam Riam. En 1979, une opération de désarmement de grande envergure dans le sud du Turkana a rendu la population vulnérable face à ceux qui ont toujours des armes, a-t-il ajouté.

Selon M. Elim, la prolifération des frontières politiques constitue également un facteur de l’insécurité dans la région : ce qui était autrefois un seul district est maintenant divisé en six parties distinctes. Le gouvernement affirme que les nouvelles divisions permettent d’offrir plus de services aux locaux, mais les détracteurs estiment que ces frontières alimentent les conflits en introduisant une notion de « eux » et « nous » et de possession et d’intrusion au sein de communautés qui considéraient autrefois les pâturages et les points d’eau comme des ressources partagées.

De nombreux habitants des terres sèches du Kenya abandonnent complètement l’élevage d’animaux.

Selon un récent rapport d’Oxfam, « les sécheresses récentes et récurrentes, la fragmentation des terres et d’autres facteurs de changement entraînent les stratégies de survie des pastoralistes près du point de rupture. Parmi les moins fortunés, nombreux sont ceux qui sont tombés dans le dénuement et une pauvreté croissante. »

En l’absence d’alternative viable, certains se sont tournés vers le banditisme et le vol à main armé, obligeant la police à escorter les véhicules sur plusieurs routes du nord du Kenya.

am/mw/gd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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