Dirigée par le Centre de recherches canadien pour le développement international (CRDI) et financée par la Fondation Bill et Melinda Gates et la Fondation Hewlett, l’Initiative Think Tank va offrir des subventions à 24 groupes de réflexion africains sur une période de 10 ans. Trente millions de dollars ont été débloqués pour les cinq premières années.
« Les cellules de réflexion africaines sont essentielles au développement, à la préparation aux catastrophes et à l’adaptation [climatique] », a estimé Cheikh Ba, chercheur principal à l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR) au Sénégal, l’un des organismes bénéficiaire de ces subventions. « Nous pouvons regarder devant nous et anticiper les crises les plus urgentes auxquelles notre pays sera confronté, réunir des experts et des membres de la communauté et du gouvernement afin de trouver des solutions ».
Pour M. Ba et d’autres observateurs, les institutions africaines doivent trop souvent dépendre de donateurs irréguliers, ce qui peut freiner la poursuite de recherches indépendantes à long terme fondées sur les réalités du terrain.
Marie-Claude Martin, qui dirige l’Initiative, a noté que, pour le moment, la majeure partie des recherches menées en Afrique provenait de la demande de donateurs extérieurs, ce qui laisse peu de place à l’innovation.
« La crise alimentaire et la crise financière offrent de bons exemples : les institutions nationales ou indépendantes n’ont pas participé au débat parce qu’elles n’ont pas eu l’occasion de réfléchir à ces questions il y a quelques années », a-t-elle dit.
« Avec la mondialisation, toutes les crises sont maintenant ressenties [à l’échelle planétaire], mais elles touchent plus durement les pays les moins à même de suivre les tendances, de les analyser et de les communiquer aux décideurs et à la population » |
Selon James McGann, directeur du programme Think Tanks and Civil Societies au Foreign Policy Research Institute, aux États-Unis, et auteur de la première étude mondiale sur les cellules de réflexion, il est essentiel de renforcer les institutions africaines afin que le continent soit capable de prédire et de faire face à des problèmes complexes tels que le changement climatique et la sécurité alimentaire.
« Avec la mondialisation, toutes les crises sont maintenant ressenties [à l’échelle planétaire], mais elles touchent plus durement les pays les moins à même de suivre les tendances, de les analyser et de les communiquer aux décideurs et à la population », a dit M. McGann à IRIN.
« Choisissez n’importe quel sujet - l’alimentation, les pandémies, le changement climatique – et vous pouvez être sûr que l’Afrique sera toujours victime de la situation, peu importe la tendance », a-t-il ajouté. « Le continent africain ne peut se permettre d’attendre que le Nord comprenne et réponde à ses besoins ».
Bien que l’industrie mondiale de la réflexion soit en forte croissance, le nombre de groupes de réflexion africains demeure limité. Il existe, dans le monde entier, plus de 4 500 cellules de réflexion. Parmi celles-ci, seules 400 se trouvent en Afrique subsaharienne, à peine plus que les 360 qui opèrent à Washington DC, la capitale américaine.
Tandis que l’Asie et l’Amérique latine ont connu une croissance soutenue du nombre de nouveaux ‘think tanks’, les chiffres pour l’Afrique ont, au cours des dernières années, enregistré une baisse.
Pour M. McGann, il n’y a pas que les chiffres qui comptent : « les groupes de réflexion africains doivent être des entités compétentes et indépendantes, dotées d’un effectif permanent capable de mener des recherches de qualité et de faire preuve de flexibilité afin de répondre à des problèmes complexes qui frappent durement les populations. »
Conserver les talents
Selon Jean Mensa, directrice de l’Institute of Economic Affairs-Ghana (IEA-Ghana), un groupe de réflexion ghanéen qui fait partie des bénéficiaires de l’Initiative, réussir à garder les employés compétents est un véritable défi.
« Jusqu’à présent, nous avons dû travailler sur des programmes spécifiques à court terme, dictés par le financement que nous recevions. Recruter et garder nos employés constituaient notre plus gros défi », a dit Mme Mensa à IRIN.
Parmi les plus brillants et les meilleurs chercheurs, nombreux sont ceux qui cherchent un emploi à l’étranger ou dans des projets de développement internationaux qui offrent de meilleures conditions et une plus grande sécurité d’emploi. Mais si les ‘think tanks’ africains veulent être efficaces, des investissements à long terme sont nécessaires, selon Mme Mensa.
Pour M. Ba, de l’IPAR, les gouvernements africains ne peuvent s’offrir le luxe de reculer pour avoir une vue d’ensemble de la situation. « Les gouvernements gèrent pratiquement tous les jours des crises et des urgences. Ils n’ont pas le loisir de [prévoir] ce que ce sera dans 10 ans et d’étudier les scénarios possibles de l’impact du changement climatique ou de crises alimentaires potentielles ».
Selon lui, si les cellules de réflexion africaines ne se penchent pas sur les décennies à venir, le développement risque d’en souffrir. « Nous ne pouvons pas attendre d’être submergés par les mers ou qu’une explosion sociale ait lieu lorsque tout le monde aura migré vers les villes, avant de réagir ».
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