1. Accueil
  2. West Africa
  3. Gambia

Toujours des enfants des rues en dépit de mesures strictes

[Senegal] Talibe beggar children on the streets of Dakar, Senegal. [Date picture taken: 06/01/2006] Pierre Holtz/IRIN
Talibe beggar childen in Senegal (file photo)
Malgré les efforts déployés par le gouvernement en vue de réduire le nombre d’enfants qui vivent et travaillent dans les rues de Gambie, le phénomène subsiste, et des centaines d’enfants restent ainsi vulnérables à la violence, à l’exploitation et aux maltraitances, selon les défenseurs des droits de l’enfant.

Les enfants des rues sont particulièrement nombreux dans les villes frontalières de Farafenni et Basse, et à Brikama, Serekunda et Jarra Soma, selon Phoday Kebbeh, directeur de l’Institute for Social Reformation and Action (ISRA), une organisation non-gouvernementale (ONG) de défense des droits de l’enfant. « Les chiffres sont sidérants », a-t-il indiqué.

On ignore combien sont ces enfants des rues, mais au cours d’une opération organisée par le ministère de l’Immigration en février, 374 personnes ont été interceptées, dont 200 enfants qui vivaient ou travaillaient dans la rue, selon un communiqué du ministère.

Selon Laurent De Boeck, directeur des programmes régionaux de l’Organisation internationale pour les migrations, le nombre d’enfants qui travaillent dans les rues de Gambie augmente.

Début 2008, le gouvernement gambien a adopté des mesures sévères à l’encontre des enfants des rues : les responsables du ministère de l’Immigration et de la police procèdent désormais à des rafles tous les deux mois. Les enfants sont emmenés dans un centre de transit public, à 16 kilomètres de la capitale, où les autorités tentent de les replacer au sein de leurs familles. Mais le ministère n’a pas les capacités nécessaires pour s’occuper de ces cas, a noté M. Kebbeh de l’ISRA, expliquant que ces opérations apeuraient les enfants.

Quelque 60 pour cent des enfants qui vivent dans la rue, en Gambie, viennent des pays voisins, la plupart du Sénégal et de Guinée-Bissau, selon une étude menée en 2006 – la plus récente - par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et l’ONG Christian Children’s Fund (CCF).

La plupart de ces enfants, connus dans le pays sous le nom « d’almodous » (dérivé du nom « Ahmed »), font l’aumône pour un enseignant religieux ou marabout, qui leur propose de leur enseigner le Coran, de les loger et de les nourrir. On les appelle les « talibés » de l’autre côté de la frontière, au Sénégal, où ils sont bien plus nombreux, selon M. Kebbeh.

Sur le trafic des enfants en Afrique de l'Ouest, lire aussi
 AFRIQUE DE L'OUEST: Peut-on vraiment parler de trafic ?
 MAURITANIE: Mariage précoce, quand la tradition devient trafic
 NIGERIA: Le trafic des fillettes, des maltraitances de plus en plus graves
 COTE D'IVOIRE-GHANA: L’exploitation d’enfants dans les plantations de cacao continue
  GUINÉE: Des enfants guinéens exploités, abandonnés et vendus comme esclaves
Les familles pauvres confient souvent leurs enfants – généralement leurs fils - à un marabout dans l’intention de leur offrir un enseignement coranique, mais dans certains cas, ils alimentent involontairement un réseau florissant de trafiquants et de passeurs d’enfants, selon le Samu social, une ONG qui œuvre pour la protection des droits de l’enfant.

En Gambie, Mutarr Nying, un ancien almodou de 12 ans, s’est échappé du domicile de son marabout en 2007 car il ne pouvait plus supporter les coups que lui assénait régulièrement son maître. Les enfants sont en effet battus s’ils ne ramènent pas chaque soir assez d’argent à leur maître, a-t-il raconté, montrant son cou marqué d’une cicatrice que lui ont laissée ces coups, a-t-il dit.

« Ca fait longtemps [que je suis parti]. Je pense que deux pluies sont tombées depuis. Une fois, il [le maître] a envoyé mes pairs me chercher. Ils ont failli m’enlever, mais une vendeuse du marché est venue à ma rescousse ».

« Elle m’a donné à manger pendant deux jours, a-t-il raconté. J’ai dormi sous son étal pendant une semaine sans qu’elle le sache ». Aujourd’hui encore, Mutarr se déplace une boîte de conserve à la main, pour faire l’aumône et pouvoir ainsi survivre. Il n’a pas vu ses parents depuis trois ans.

En plus d’être battus, ces enfants sont maltraités par les adultes et d’autres enfants, exploités et exposés au risque d’avoir des rapports sexuels sans protection, selon Salifu Jarsey, expert gambien de la protection de l’enfance à l’UNICEF. Un grand nombre d’entre eux souffrent de malnutrition et errent dans les rues à demi nus, ont expliqué les habitants de Serekunda à IRIN.

Gibby Barre, un almodou de 15 ans, vit à Serekunda ; si son marabout nourrit les quelque 22 enfants qui vivent à ses côtés, a-t-il expliqué, ces derniers sont obligés de mendier pour se procurer des habits et des chaussures.

Faute de moyens, la police envoie ces enfants au ministère des Affaires sociales, qui lui même est peu susceptible de pouvoir donner suite aux différents cas portés à son attention, selon M. Kebbeh. Les enfants finissent donc par être confiés aux bons soins d’ONG de protection de l’enfance, telles que le CCF ou l’ISRA.

Le CCF tient une permanence soutenue par l’UNICEF, où les enfants des rues peuvent bénéficier d’un examen médical, prendre une douche, jouer avec d’autres enfants ou simplement se reposer, a indiqué M. Jarsey de l’UNICEF.

L’ISRA et l’UNICEF sont également en train d’établir, à l’attention des marabouts de Gambie, un code de conduite sur les normes minimales relatives à la protection de l’enfance, qu’ils prévoient de publier d’ici à la fin de l’année 2009.

S’attaquer au problème des enfants des rues est un tour d’adresse particulièrement délicat, les almodous étant attachés à la religion et à la tradition, selon Min-Whee Kang, représentant de l’UNICEF en Gambie. « Il faut pour cela adopter une approche holistique à plusieurs volets, et mettre en place des systèmes et des structures de soutien solides pour créer un environnement protecteur pour ces enfants ».

Selon M. Kebbeh de l’ISRA, il faut également faire respecter la législation actuelle en matière de protection de l’enfance et de traite.

as/aj/np/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join