« La sécheresse est le cancer du sud de Madagascar. Elle s’installe lentement, et quand vous commencez à vous attaquer au problème, il est déjà trop tard », a déclaré à IRIN Tovo Hery Zo Roabijaona, directeur du Système public d’alerte précoce (SAP) mis en place dans le sud.
Après trois années consécutives de sécheresse et de maigres récoltes, les familles n’ont plus les moyens de survivre, et plusieurs milliers d’entre elles risquent de souffrir de la faim. « Les gens d’ici sont très résistants ; au fil des années, ils se sont adaptés pour faire face à la sécheresse. Avec un peu d’eau, ils pourraient s’en sortir, mais aujourd’hui, [les sécheresses] sont trop fréquentes, et c’est de pire en pire ».
Selon M. Roabijaona, le changement climatique aggrave les sécheresses, mais la détérioration des terres et la forte croissance démographique observée dans le pays ont également contribué à la crise. « Le peu de précipitations est au cœur du problème ... avant, nous avions une sécheresse tous les 10 ans, puis tous les cinq ans ; maintenant, c’est chaque année ».
L’Equipe nationale des Nations Unies a ainsi noté dans son rapport sur la situation humanitaire à Madagascar (Humanitarian Situation in Madagascar), rédigé en mai 2009, que les sécheresses étaient fréquentes dans le sud, mais que cette année, la sécheresse était encore une fois plus grave qu’en 2008 : 250 000 habitants sont actuellement touchés par l’insécurité alimentaire, selon les estimations, contre 100 000 à la même période, en 2008.
Krystyna Bednarska, directrice du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies à Madagascar, reconnaît que le problème s’aggrave. « L’évaluation rapide la plus récente menée par le PAM en avril a confirmé que 100 pour cent des 160 foyers de l’échantillon, sélectionnés dans 16 communes frappées par l’insécurité alimentaire, étaient “gravement touchés par l’insécurité alimentaire” ».
A mesure que le climat de la région devient de plus en plus sec d’année en année, l’octroi récurrent d’aides alimentaires d’urgence et les programmes de développement, apparemment permanents, destinés à renforcer la sécurité alimentaire des populations ne suffiront pas. « Nous devons vraiment changer », a suggéré M. Roabijaona.
Des cultures plus adaptées
Les pratiques des cultivateurs de la région visent déjà à limiter leurs risques : le riz est la culture de base sur la majeure partie du territoire malgache, mais les fermiers du sud plantent quant à eux du maïs, du manioc, des patates douces, des arachides et des fèves, les différents cycles de production leur permettant de répartir leurs risques, face à des précipitations imprévisibles et limitées.
Ils vont désormais recevoir de l’aide. Dans le cadre d’un programme d’aide, plus de 5 000 fermiers vont recevoir des semences améliorées et des variétés de cultures alternatives, résistantes à la sécheresse, fournies par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et financées par l’Union européenne ; la Cooperative for Assistance and Relief Everywhere (CARE), entre autres partenaires, leur enseignera également de nouvelles techniques agricoles et leur distribuera des intrants.
Photo: Tomas de Mul/IRIN |
Une communauté des alentours d’Ifotaka, dans le sud de Madagascar, se serre les coudes pour construire un récupérateur d’eau de pluie |
Dans le cadre de cet arrangement, il doit transmettre ses nouvelles compétences à d’autres fermiers du village et planter les nouvelles semences fournies, pour en distribuer aux bénéficiaires suivants. « Aujourd’hui, c’est lui qui donne le bon exemple », a expliqué Farasoa Ravelomandeha, coordinatrice technique du projet chez CARE.
En plus de la multiplication des semences de qualité et des formations dispensées, de nouvelles cultures, telles que le maïs et les fèves à cycle court, sont également introduites dans le cadre du programme. « L’avantage, c’est qu’avec un cycle court, on a besoin de moins de pluies », a indiqué Mme. Ravelomandeha.
La FAO réintroduit également le sorgho, bien moins vulnérable aux périodes de sécheresse ; le sorgho était auparavant produit et consommé par une bonne partie de la population, mais après plusieurs années de sécheresse et d’insécurité alimentaire, les fermiers se sont résolus à consommer leurs réserves de semences, et les réserves restantes ont dégénéré. M. Remanoby a expliqué qu’il avait déjà cultivé assez de graines de sorgho pour le prochain bénéficiaire.
Récupérez ce que vous pouvez
A Ifotaka, une petite ville voisine, les habitants qui vivaient traditionnellement de l’agriculture et de l’élevage mais qui dépendent désormais des vivres distribués dans le cadre des programmes de nutrition du PAM participent aux projets Vivres contre travail de l’agence (des initiatives visant à leur permettre de retrouver leur autonomie).
Madame Vatsasy, 56 ans, est heureuse d’avoir ainsi l’occasion de travailler pendant 45 jours ; cela lui permet de gagner chaque jour une ration familiale de deux kilos de riz et 300 grammes de légumes secs pour subvenir à ses propres besoins alimentaires et à ceux de son mari et de leurs 12 enfants.
Elle fait partie d’une cinquantaine de participants chargés de creuser l’énorme bassin récepteur d’eaux pluviales que sa communauté a choisi de construire. « Avant, nous devions aller très loin pour chercher de l’eau, mais je serais plus heureuse s’il y avait effectivement assez d’eau pour remplir le récupérateur d’eaux de pluie ». Si son vœu est exaucé, le bassin permettra aux agriculteurs de la région de se procurer de l’eau.
« A court terme, bien sûr, les populations reçoivent de la nourriture ; à long terme, ils auront accès à l’eau, et à terme, ils auront de la nourriture et leur bétail sera en meilleur santé », a expliqué Mme. Ravelomandeha de CARE. « L’autre avantage, c’est que les vivres qu’ils reçoivent à manger les aident à protéger leurs semences : s’ils ont de quoi manger, ils ne les consommeront pas ».
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