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Aux prises avec des « drogues folles »

La controverse suscitée ce mois-ci par le procès, devant la cour laotienne, d’une ressortissante britannique pour trafic de drogue a mis en exergue la question de la consommation de drogue et des traitements administrés aux toxicomanes dans le pays.

Au Laos, zone de transit importante pour les trafiquants d’opium, autrefois leader mondial de la production de cette drogue, les trafiquants d’héroïne risquent la réclusion criminelle à perpétuité, voire l’exécution.

Aujourd’hui, pourtant, le système de justice pénale de ce pays pauvre lutte pour faire face à une nouvelle drogue du nom de « yabaa » (littéralement « drogue folle » en lao), une drogue de la famille des stimulants de type amphétamine (STA), qui comprend les amphétamines et les métamphétamines.

A l’heure où un nombre croissant de jeunes Laotiens en deviennent dépendants, cette drogue menace des ressources déjà surexploitées et a détrôné l’héroïne en devenant la nouvelle drogue de prédilection, une évolution qui s’explique par le succès de la politique d’éradication de l’opium adoptée par le gouvernement. Facile à obtenir, le yabaa est relativement peu coûteux, puisqu’il se vend à moins d’un dollar la dose, et on en trouve dans l’ensemble du pays ; il crée en outre une forte dépendance.

Autrefois limitée aux zones urbaines, la consommation de yabaa s’est répandue dans les zones rurales et touche toutes les couches sociales.

Il y a aujourd’hui, selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 40 000 consommateurs de STA au Laos, pays qui compte environ six millions d’habitants ; soit une augmentation de 14 pour cent par rapport à 2006.

Les familles touchées ne recevant guère de soutien pour pouvoir aider les toxicomanes à vaincre la dépendance, elles ont recours à des mesures extrêmes : ainsi, il n’est pas rare d’entendre parler de toxicomanes que l’on enchaîne ou que, de désespoir, on laisse enfermés, aux bons soins de la milice locale.

« Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas leurs enfants. Ils font du mieux qu’ils peuvent », a expliqué Leik Boonwaat, représentant national de l’ONUDC en RDP Lao, « mais l’Etat n’a pas suffisamment de ressources pour faire face [au problème] ». 


C’est pourquoi le gouvernement tente actuellement d’adopter une nouvelle approche, axée non plus sur les sanctions et l’incarcération, mais sur la désintoxication.

A map of Laos Transformer le système

Le Centre Somsanga de traitement et de désintoxication de Vientiane, capitale laotienne, a été créé en tant que centre de lutte contre la drogue, en 1996. Auparavant géré par le ministère de la Sécurité publique, il a été placé sous l’autorité du ministère de la Santé il y a cinq ans.

Sisouphanh Boupha, son nouveau directeur, y a opéré de nombreux changements. L’objectif, aujourd’hui, a-t-il indiqué, est de permettre aux toxicomanes de vaincre la dépendance et de les aider à se réinsérer dans la société, afin qu’ils ne retombent pas dans la drogue et la criminalité.

« Avant mon arrivée, les patients étaient traités comme des prisonniers. L’atmosphère était terrible. Les patients se désintoxiquaient eux-mêmes. Il n’y avait pas d’activités pour leur permettre de s’occuper, et ils revenaient sans cesse au centre. Aujourd’hui, nous avons un processus défini : désintoxication, réhabilitation (une étape qui passe par un soutien psychosocial et des activités de formation professionnelle) et réinsertion », a-t-il expliqué.

Les activités professionnelles sont la clé du traitement, selon Stefan Wetzel, coordinateur des programmes de formation professionnelle de l’ONUDC.

« Les consommateurs de STA perdent la capacité d’éprouver du plaisir autrement que par la consommation de STA. Nous devons leur donner une alternative pour qu’ils puissent avoir plaisir à faire d’autres choses et être capables d’acquérir de nouvelles compétences », a-t-il expliqué.

Le centre propose désormais des activités sportives et des films, et a aménagé une salle de gym ; les familles y sont invitées pour participer à ces activités, un changement remarquable dans un système réputé pour fonctionner dans le secret. « Les familles voient que nous traitons bien leurs proches et commencent à nous faire confiance, alors elles soutiennent leur désintoxication et leur réinsertion », a déclaré M. Sisouphanh.

Non seulement les formations professionnelles divertissent les patients, mais elles leur donnent également la confiance et les compétences nécessaires pour pouvoir retourner dans le monde extérieur. Le centre propose des formations d’imprimeur, de cuisinier, d’informaticien, mais aussi des programmes d’anglais ; les imprimeurs et les chefs cuisiniers gagnent ainsi un peu d’argent de poche en vendant des plats aux restaurants de la région et des T-shirts à l’ONUDC.

Tuk Lathda est à Somsanga pour la deuxième fois. Les deux fois, elle y a été envoyée par sa famille, après avoir « causé de gros problèmes à la maison » en raison de sa consommation de stupéfiants. Lors de son premier séjour au centre, celui-ci ne proposait pas de formations. Cette fois-ci, elle a appris à cuisiner. « J’ai déjà trouvé un emploi de cuisinière pour après mon départ », a-t-elle déclaré.

Reproduire le modèle

Si la formule fonctionne, le gouvernement espère reproduire le modèle du centre Somsanga dans sept autres centres de désintoxication du pays.

Mais certains problèmes subsistent : le centre manque d’un système adéquat d’assainissement de base et d’hygiène ; construit pour accueillir 500 personnes, il comptait environ 750 pensionnaires lors de la visite d’IRIN ; les enfants, dont certains ont moins de 10 ans, sont en outre logés avec les adultes.

Mais il est tout aussi difficile, selon M. Boonwaat de l’ONUDC, de lutter contre les facteurs qui incitent les jeunes à pousser la porte du centre Somsanga.

« Cinquante pour cent de la population a moins de 20 ans. Les jeunes de 12 à 19 ans, qui représentent 1,4 million de personnes, sont le groupe le plus exposé à la consommation de STA. Nous avons apporté un grand nombre de changements significatifs à Somsanga. Les patients sont plus assurés. Ils ne sont pas mal traités. Et grâce à cela, le gouvernement est plus transparent. Mais il doit investir dans la jeunesse parce qu’il n’y a pas beaucoup d’emplois et ça ne va pas s’améliorer ; et dans ce cas, [la toxicomanie] non plus », a-t-il expliqué.

cw/ds/mw/nh

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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