« Il y a une très forte demande au Burkina Faso et dans les pays voisins », a expliqué Michel Akotionga, un des premiers gynécologues burkinabés à pratiquer cette intervention chirurgicale réparatrice. « La semaine dernière, deux femmes sont venues de Côte d’Ivoire pour se faire opérer du clitoris », a-t-il ajouté.
Mise au point par l’urologue français Pierre Foldès lorsqu’il travaillait au Burkina Faso auprès de victimes de MGF/E, cette intervention est pratiquée dans le pays depuis 2006.
Depuis 2001, 975 femmes ont subi des opérations réparatrices des parties génitales, financées par l’Etat, un nombre qui n’englobe pas les interventions de reconstruction clitoridienne, selon le Comité national de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE).
L’intervention chirurgicale généralement pratiquée consiste à réparer l’orifice vaginal pour soulager les douleurs ressenties lors des menstruations et à la miction, mais ne permet pas de réparer le clitoris.
Reconstruction
Lors des MGF/E, l’extrémité externe du clitoris est détruite ; il reste alors la partie interne de l’organe sexuel, qui peut atteindre 10 centimètres de long. En 2006, les médecins du Burkina Faso ont commencé à opérer la partie dissimulée du clitoris ; dans 90 pour cent des cas, la chirurgie réparatrice permet aux femmes de retrouver des sensations pendant l’acte sexuel, a expliqué le docteur Akotionga.
La satisfaction tirée de cette intervention dépend des raisons pour lesquelles l’intéressée souhaite la subir, a indiqué Charlemagne Ouedraogo, chirurgien à Ouagadougou. « Elles [les victimes de MGF/E] ont perdu quelque chose et ressentent un manque à tous les niveaux ».
Cette intervention peut aider les femmes qui souhaitent être opérées pour réparer une violation de leurs droits humains, a estimé le docteur Akotionga. En revanche, celles qui recherchent un épanouissement sexuel risquent d’être déçues, a-t-il tempéré. « Environ 10 pour cent des femmes ne retrouvent pas de sensations pendant l’acte sexuel, car [l’absence de sensations] n’est pas toujours liée aux MGF ».
« Le plaisir est relatif parce qu’il y a des femmes qui n’ont pas été opérées et qui ont malgré tout une sexualité saine. Mais d’autres sont tellement traumatisées psychologiquement et physiquement que la chirurgie peut leur être bénéfique », a ajouté le docteur Ouedraogo.
Depuis 2006, selon le docteur Akotionga, 150 femmes ont subi cette intervention, pratiquée à Ouagadougou, la capitale, et à Bobo-Dioulasso, les deux plus grandes villes du Burkina Faso.
« Ce n’est pas un luxe, mais plutôt la réparation d’une injustice » |
« Les gens pensent que c’est gratuit, comme une simple réparation, mais quand ils découvrent le coût de l’intervention, ils rentrent chez eux », a indiqué le docteur Akotionga.
Le docteur Akotionga a contribué à former 20 médecins à la pratique de cette opération d’une durée de 30 minutes, a-t-il expliqué, mais le « manque d’équipement les empêche de [pratiquer] l’intervention ». D’après le docteur Ouedraogo, s’ils disposaient de l’équipement nécessaire, les chirurgiens pourraient réparer les clitoris de leurs patientes pendant les opérations de reconstruction génitale. « On est juste là, devant le clitoris. Pourquoi ne pas le réparer ? »
Un luxe ?
Selon Félicité Médah, membre de Voices of Women, un organisme à but non-lucratif, certaines femmes considèrent la reconstruction clitoridienne comme un « luxe » en raison de son coût.
En plus d’un stress psychologique, les MGF/E risquent de provoquer des complications à l’accouchement, de violentes douleurs à la miction ou une perte de sensation totale pendant les rapports. Les MGF/E laissent généralement des cicatrices et entraînent souvent des démangeaisons génitales permanentes, des kystes, des infections, des troubles urinaires et la stérilité, autant de problèmes de santé qui amènent les femmes concernées à se tourner vers la chirurgie génitale, qui n’englobe pas la reconstruction du clitoris.
« Mais si une femme a les moyens financiers d’aller plus loin et de faire reconstruire son clitoris, ce n’est pas un luxe, mais plutôt la réparation d’une injustice », selon Mme Médah.
Jeanine Sawadogo, 25 ans, a confié à IRIN qu’elle ne pouvait pas avoir de rapports sexuels depuis l’ablation de son clitoris, lorsqu’elle avait 12 ans. « Je vis avec ma frustration. Aucun homme ne veut rester avec moi parce que je ne peux pas avoir de relations sexuelles ».
Bien qu’elle ait essayé à plusieurs reprises d’obtenir un rendez-vous avec le docteur Akotionga, souvent trop occupé, la jeune femme n’y est pas parvenue, a-t-elle expliqué à IRIN.
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