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Merci pour l'indemnisation, mais où est la justice ?

A Kaédi, mercredi 25 mars 2009, les familles des disparus, réunis au sein du COVIRE (collectif des victimes de la répression) assistent au discours du général Abdel Aziz.

Families of victims of 1990s military killings gather on 25 March at a cerem Manon Riviere/IRIN
Families of victims of 1990s military killings gather on 25 March at a ceremony pledging them reparations
Vingt ans après le massacre de centaines de Mauritaniens, noirs pour la plupart, sous le régime militaire au pouvoir, un autre gouvernement militaire promet d’indemniser leurs familles. Si certaines associations de victimes se félicitent de cette indemnisation, pour d’autres familles touchées, ainsi que de nombreuses organisations non-gouvernementales (ONG), indemniser reviendrait à accorder l’impunité à ceux qui ont commandité ces massacres… et sont toujours au pouvoir.

« Trois officiers responsables d’exécutions extrajudiciaires menées dans les années 1990 sont une nouvelle fois au pouvoir, au sein du conseil militaire », a dit Abdel Jemal Nasser Ould Yessa, de S.O.S. Esclaves, une association mauritanienne de défense des droits humains. « Ils ont déjà tué. Qu’est-ce qui les empêche de tuer de nouveau ? ».

A la suite du coup d’Etat du 6 août, qui a abouti à la destitution du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, un conseil militaire de 12 membres s’est installé à la tête de la désertique Mauritanie.

Le 25 mars, au cours d’une cérémonie organisée à Kaédi, une commune située à 430 kilomètres au sud de Nouakchott, la capitale, et dont bon nombre de victimes sont originaires, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui avait orchestré le putsch, a promis que le gouvernement assurerait aux familles des 244 victimes identifiées une indemnisation financière ou matérielle.

Abou Sy, ancien lieutenant peulh, a rapporté à IRIN qu’il avait été arrêté et incarcéré, et qu’il avait été le témoin de nombreux passages à tabac et massacres ; pour lui, les familles des victimes ont besoin de cette reconnaissance pour pouvoir honorer la mémoire des personnes tuées.

Violences frontalières

A la fin des années 1980, les tensions sont devenues de plus en plus vives entre le Sénégal et la Mauritanie, après que cette dernière eut incarcéré plusieurs officiers noirs de l’armée – dont bon nombre avaient de la famille peulh de l’autre côté de la frontière, au Sénégal - à la suite d’une tentative de coup d’Etat contre le gouvernement majoritairement arabe du président Maaouiya Sid’Ahmed Ould Taya.

En 1989, une querelle foncière entre éleveurs et fermiers est venue alimenter les tensions politiques et ethniques des deux côtés de la frontière : après que des milliers de Mauritaniens clairs de peau eurent été expulsés du Sénégal, où ils vivaient, l’armée mauritanienne a réagi par une campagne de passages à tabac qui a contraint des dizaines de milliers de personnes, dont une majorité de noirs, à fuir le pays.

« Aucune indemnisation, aucune compensation, n'équivaudra à une vie humaine »
Plus de 500 Mauritaniens ont trouvé la mort au cours de la répression, selon les enquêtes menées en 1994 par Human Rights Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

Indemnisation

Les autorités et les familles des victimes n’ont pas souhaité chiffrer les indemnités. « Aucune indemnisation, aucune compensation, n'équivaudra à une vie humaine », a déclaré Mohamed Ould Abdel Aziz au cours de la cérémonie.

Mais l’argent ne peut remplacer – et risque même d’entraver - la justice, estime Fatimata M’Baye, présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’Homme. « Indemniser ne suffit pas, il faut que les bourreaux soient connus, il faut que la justice soit rendue, sinon c’est la porte ouverte à l’impunité ».

Maïmouna Sy, veuve, a expliqué à IRIN que son époux, agent des douanes, avait été tué en 1990 parce qu’il était noir. « Si seulement [l’ancien président] Ould Taya pouvait un jour être jugé, j'aurais enfin la conscience tranquille ».

Le président Ould Taya, renversé au cours d’un coup d’Etat, en 2005, vit aujourd’hui en exil, au Qatar.

Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, dernier président évincé, s’était engagé, au cours de la campagne de 2007, à agir en faveur de l’union nationale et de la réconciliation à la suite des massacres des années 1990.

En novembre 2007, le président Abdallahi avait convoqué une table ronde sur l’union nationale. Neuf mois plus tard, il était renversé et assigné à résidence après la prise de pouvoir du conseil militaire.

Depuis l’indépendance de 1960, les dirigeants militaires se sont succédé à la tête de la Mauritanie, jusqu’aux élections de 2007, qui ont abouti à l’arrivée au pouvoir du président Abdallahi.

Le conseil militaire dirigé par M. Abdel Aziz s’est engagé à organiser des élections présidentielles le 6 juin. Au cours d’interviews accordées aux médias arabes, M. Abdel Aziz a déclaré qu’il respecterait la Constitution – en vertu de laquelle les militaires ne doivent pas exercer de fonction publique - en démissionnant de l’armée 40 jours avant les élections, auxquelles il se présenterait.

mr/pt/np/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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