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Que s’est-il passé ?

Anti-government protests IRIN
Tandis que le climat reste houleux à Antananarivo, capitale malgache, beaucoup se demandent qui est responsable des troubles politiques ayant fait plus d’une centaine de morts, au cours de manifestations contre le gouvernement, organisées par Andry Rajoelina, leader de l’opposition et ancien maire de la capitale.

Ce qui a d’abord commencé par un mouvement démocratique pacifique s’est inscrit dans le cadre d’une lutte politique qui a atteint son paroxysme lorsque les forces de sécurité ont abattu au moins 28 personnes devant les bureaux de la présidence, le 7 février.

« Nous voulons du changement », a expliqué Henri, enseignant, lors d’une manifestation contre le gouvernement, à Antananarivo. « Je suis là parce que je pense que le gouvernement a fait des erreurs. Mais le changement devrait être démocratique : Rajoelina devrait trouver un autre moyen d’exprimer son opinion ».

Le drame du 7 février a amené bon nombre de personnes à se demander pourquoi une foule de manifestants a été incitée à se diriger vers un palais présidentiel gardé par des soldats armés.

« Il ne pouvait y avoir que deux issues », a estimé Solofo, témoin des événements du 7 février. « Les effusions de sang ou la prise d’assaut du palais ».

« Il fut un temps où je soutenais le mouvement démocratique », a quant à lui confié Solo, un entraîneur de basketball. « Mais maintenant, c’est devenu trop extrême ».

Promesses non-tenues

Depuis qu’il a été élu maire d’Antananarivo en décembre 2007, M. Rajoelina a fait clairement entendre son opposition au président Marc Ravalomanana, s’assurant ainsi le soutien des nombreux Malgaches désillusionnés par un gouvernement qui ne leur donnait pas l’impression de répondre aux besoins des populations les plus pauvres du pays.

En soi, l’élection de M. Rajoelina aurait dû indiquer au Président qu’il s’éloignait de plus en plus d’un peuple qui avait autrefois voté pour lui, selon des analystes.

Si une élite malgache restreinte a profité de ses mesures de libéralisation de l’économie, la situation s’est aggravée pour les populations pauvres, malgré la croissance macroéconomique.

Après plusieurs années de stagnation et d’isolement économiques, les réformes économiques instaurées par M. Ravalomanana ont attiré les investisseurs étrangers, tentés par les richesses pétrolières et minérales du pays.

Des géants de l’exploitation minière tels que Rio Tinto ont investi des milliards de dollars dans des projets locaux. Sherritt International Corporation, société canadienne d’exploitation des ressources naturelles, investit 3,4 milliards de dollars dans le développement d’une des plus importantes mines de nickel du monde, située juste à l’est d’Antananarivo.

« L’économie donne des résultats positifs depuis 2004. Une augmentation spectaculaire des investissements a été constatée, surtout dans le secteur minier, et on observe des signes de redressement économique », a indiqué à IRIN Herinjatovo Ramiarison, professeur d’économie à l’université d’Antananarivo.

« Mais le revers de la médaille, c’est que cette économie de marché a creusé l’écart entre les riches et les pauvres, et je pense que c’est la principale cause de la crise. Partout, l’inégalité est une source de frustration et de troubles politiques et sociaux, et il est très facile de pousser les gens à faire la grève et à manifester », a-t-il noté. « Le gouvernement a réussi à mettre en œuvre une politique économique, mais il n’a pas adopté de politique sociale pour contrer les inégalités entre les riches et les pauvres ».

Au service de ses propres intérêts

Le Président lui-même a grandement bénéficié de la croissance économique de Madagascar.

After the protests
Photo: IRIN
Dégâts causés au cours des manifestations contre le gouvernement, à Antananarivo
Sa réussite professionnelle avait permis à M. Ravalomanana, entrepreneur dans l’industrie laitière, de gagner le respect de ses partisans au cours de sa campagne présidentielle, en 2001 ; mais les populations se méfieraient désormais du chevauchement des intérêts publics et privés, et il n’en a pas fallu beaucoup pour provoquer les Malgaches et les inciter à descendre dans les rues d’Antananarivo en signe de protestation.

Nombreux sont ceux qui pensent que d’autres forces, plus puissantes, sont à l’œuvre derrière les leaders de l’opposition.

« Les violences observées actuellement ont les caractéristiques des luttes précédentes qui ont eu lieu ici », a déclaré à IRIN un analyste politique, qui habite à Antananarivo.

« Il y a des politiciens du passé, ici - ceux qu’on appelle des dinosaures - et peut-être que certains d’entre eux sont impliqués, d’une manière ou d’une autre. C’est difficile à dire, mais de grosses sommes ont été investies dans ce mouvement anti-gouvernement, et on ignore d’où vient cet argent ».

Quoi qu’il en soit, les dégâts causés lorsque les manifestations ont laissé place à la violence pourraient être de longue durée.

Quelques semaines à peine ont suffi à anéantir le travail accompli pendant de nombreuses années pour que Madagascar acquière le statut d’investissement sans risque ; selon certaines estimations, il faudra peut-être compter entre six et 10 ans pour que l’économie s’en relève totalement.

Trouver une issue à la crise

Si les efforts déployés par M. Rajoelina pour arracher le pouvoir des mains d’un gouvernement démocratiquement élu ont été condamnés par l’Union africaine, les diplomates occidentaux, sous les auspices des Nations Unies, encouragent le dialogue entre les parties et font pression pour que les griefs exprimés au cours des manifestations soient entendus.

« Nous appelons les autorités, les partis politiques et la société civile à trouver une solution à cette crise par le dialogue, dans le respect de la Constitution, et à poursuivre les réformes nécessaires pour répondre aux appels à davantage de justice sociale et de démocratie, et à la bonne gestion des affaires publiques », pouvait-on lire dans un communiqué publié par l’Union européenne, le 6 février.

D’autres ont des préoccupations plus immédiates : « il est facile d’oublier que c’est encore la saison des cyclones, ici. C’est la période la plus difficile de l’année pour la population, et aujourd’hui, en plus de la crise économique mondiale qui devrait gravement toucher l’Afrique en 2009, nous avons une crise politique, ici, à Madagascar », a déploré M. Ramiarison, de l’université.

« Je crains que nous ne puissions pas éviter la crise alimentaire s’ils ne trouvent pas rapidement une solution à cette situation ».

M. Ravalomanana aura du mal à redorer son blason après les événements sanglants de ce que les médias locaux ont baptisé le « samedi rouge », mais les Malgaches n’ont guère d’alternative politique au magnat de 59 ans.

Bon nombre d’entre eux considèrent en effet qu’à 34 ans, M. Rajoelina est trop jeune pour être président.

« Je ne suis pas pour Ravalomanana », a expliqué Solofo, « mais il a été élu président et nous devons le laisser finir son mandat. Les manifestations actuelles sont un avertissement, mais il peut changer, et si ce n’est pas le cas, il ne sera pas réélu aux prochaines élections ».

cc/tdm/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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