D’après la fondation bangladaise Acid survivors Foundation (ASF), plus de 2 600 cas ont été rapportés depuis 1999. Les victimes de ces attaques, âgées pour la plupart de moins de 18 ans, sont dans la quasi-totalité des cas des femmes et des jeunes filles, affirme l'ASF, qui œuvre depuis près de 10 ans pour mettre un terme à la violence à l’acide.
Les principales causes de cette violence sont la dot, le refus des avances amoureuses, ou les conflits liés à la terre, a expliqué l’ASF. Assoiffés de revanche, les auteurs de ces attaques jettent de l’acide au visage de leurs victimes afin de les défigurer gravement, ce qui produit souvent des résultats effroyables.
L'acide nitrique ou sulfurique a un effet catastrophique sur la chair humaine, a précisé l'ASF ; il entraîne une fusion des tissus cutanés, laissant souvent apparaître les os sous la peau, et entraîne même parfois une dissolution des os.
Défigurés à vie, et gravement brûlés, de nombreux survivants perdent également la vue, d’un œil, voire des deux yeux. Pour certains, le traumatisme psychologique est tel qu'ils ne s’en remettent jamais.
En dépit de leur brutalité, un grand nombre de ces attaques ne sont jamais rapportées : « nombreux sont les incidents qui ne sont jamais signalés. [Les] médias ne couvrent que les cas traduits en justice », a expliqué à IRIN Rokhsana Akhter, activiste à Dhaka, avant d'ajouter : « les personnes défavorisées et impuissantes ne font pas appel à la justice. Leurs cas ne sont jamais révélés au grand jour ».
À la portée de tous
Malgré la dénonciation publique, se procurer de l’acide est toujours une tâche aisée.
À Dhaka, il est facile d’acheter de l’acide sulfurique pour seulement 0,44 dollar la livre (soit environ un demi litre). Le prix de l’acide nitrique est un peu plus élevé : il s’élève à 0,59 dollar la livre.
« Il vous suffit simplement de demander de l'acide aux commerçants. Ils vous fournissent la quantité requise », a expliqué Gopal Das, orfèvre dans le secteur de la ville de Tantibazar.
M. Das utilise de l’acide nitrique pour fondre l’or. Ne nécessitant que de très petites quantités, il ne s’est jamais donné la peine d'obtenir une licence, désormais obligatoire.
À l’instar de M. Das, de nombreux joailliers, et plus particulièrement les petits joailliers, se procurent et utilisent de l’acide, ce qui empêche un contrôle efficace de cette substance mortelle.
« La dernière fois qu’un tribunal mobile a fait une descente dans le secteur, c’était en mars 2008 », a dit Kazi Abdul Hamid, propriétaire d’une boutique de produits chimiques à Goal Nagar, le marché de gros de l’acide à Dhaka.
« Nous devrions disposer d’une équipe de contrôle distincte chargée d’encadrer l'utilisation et la vente d'acide ; or ce n’est pas le cas. Normalement, un tribunal mobile se déplace dans les magasins spécifiques et émet ou renouvelle leurs licences. Je suis incapable de vous dire quand la dernière visite a eu lieu », a affirmé Mohammad Zillar Rahman, gouverneur adjoint de Dhaka, dont le bureau est chargé de surveiller et contrôler le commerce d’acide dans la ville.
« La loi reste peu appliquée. Les auteurs de ces attaques sont toujours en mesure de se procurer de l'acide sur le marché », s’est lamentée Monira Rahman, directrice exécutive de l’ASF.
Photo: Shamsuddin Ahmed/IRIN |
Les efforts déployés pour renforcer la prise de conscience et favoriser l’adoption de mesures gouvernementales plus strictes se poursuivent |
Les efforts déployés pour lutter contre le crime ont eu un succès limité.
En 2002, le Parlement a adopté deux lois contre la violence à l’acide : en vertu de la loi de 2002 sur le contrôle de l’acide, la production, l’importation, le transport, la conservation, la vente et l’utilisation d’acide sans licence peut donner lieu à une peine de prison de 3 à 10 ans. Les personnes en possession de produits chimiques et d’équipements destinés à la production d'acide sans licence encourent la même peine de prison.
Un médecin a apporté une note d’optimisme : « depuis, nous avons constaté un déclin rapide de la violence à l’acide », a déclaré Shamanta Lal Sen, du service des grands brûlés et de chirurgie plastique de l’hôpital universitaire de Dhaka (DMCH).
D’après l’ASF, 221 et 192 personnes ont subi des attaques à l’acide en 2006 et 2007, respectivement. En 2000 et 2001, ces chiffres s’élevaient à 234 et 349, respectivement.
Combattre le crime
Un certain nombre d'organisations œuvrent pour combattre le crime, ou limiter ses conséquences.
L’ASF et le service des grands brûlés du DMCH s’efforcent de soutenir les victimes d’attaques à l’acide. La BRAC (Building Resources Across Communities), la principale ONG au Bangladesh, offre aux survivants une assistance logistique ainsi qu'un accès à des établissements de soins.
Des organisations d’assistance juridique, telles que ASK (Ain o Salish Kendra), et la BNWLA (Bangladesh National Women Lawyers’ Association), proposent une assistance juridique aux victimes des attaques à l'acide. Enfin, le quotidien populaire Prothom Alo collecte des fonds destinés à financer le traitement et la réadaptation des victimes, ainsi que des campagnes menées contre le crime.
Selon des groupes de défense des droits humains, outre au Bangladesh, les attaques à l’acide sont fréquentes dans un certain nombre de pays asiatiques, notamment le Pakistan, l’Inde, l’Afghanistan et le Cambodge.
as/ds/cb/db/ail
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions