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La réduction des exportations de riz, « un acte d’autodéfense »

Si pendant plusieurs décennies, la politique du Vietnam a consisté à atteindre, de haute lutte, l’autosuffisance alimentaire, le pays est désormais le deuxième plus grand exportateur de riz après la Thaïlande. L’année dernière, le pays a vendu 4,5 tonnes à des négociants étrangers ; il n’est donc pas surprenant que la décision du gouvernement de réduire ses exportations de riz de 22 pour cent ait amené certains pays comme les Philippines à s’empresser de constituer des stocks de sécurité.

Le Vietnam a peut-être le luxe de posséder des excédents de riz, mais il a aussi ses propres problèmes. L’inflation, un hiver exceptionnellement long, les insectes nuisibles, la réduction des terres consacrées à la culture du riz, mais aussi des typhons de plus en plus fréquents et dévastateurs suscitent bien des inquiétudes au sein du gouvernement.

Pour Le Dang Doanh, économiste et ancien conseiller au ministère vietnamien de la Planification et de l’investissement, la décision du gouvernement est « un acte d’autodéfense ». Certes, la population ne risque pas de manquer de nourriture, comme ce fut le cas pour un demi-million d’habitants pendant la Deuxième Guerre mondiale lorsque, sous occupation japonaise, le Vietnam était contraint d’envoyer chaque année un million de tonnes de riz au Japon. Mais la vraie question est de savoir si toute la population a les moyens de se procurer du riz, a expliqué M. Doanh.

Au mois de mars, les prix à la consommation avaient augmenté de 19,4 pour cent au cours de l’année précédente, et les prix des denrées alimentaires avaient subi une augmentation de 30 pour cent pendant la même période. Ces hausses de prix ont contraint le gouvernement à révoir à la baisse ses objectifs de croissance, passés de 8,5 à 7,5 pour cent.

Avec une inflation ayant atteint son plus haut niveau depuis une décennie, les hauts responsables du gouvernement craignent que des prix durablement élevés ne provoquent des troubles sociaux. « Prenez l’exemple des Philippines ou de l’Indonésie : les pénuries de riz provoquent beaucoup de troubles », a expliqué M. Doanh. « C’est pour cette raison que le gouvernement doit veiller à ce que cela ne puisse pas se produire ici ».

Il est sans doute concevable qu’une hausse du prix du riz soit mieux acceptée dans un pays où 70 pour cent de la population participe à la production du riz. Pourtant, même si le prix du riz a atteint un niveau record, les paysans comme Nguyen Thi Lan, qui travaille dans une rizière située à la périphérie de Hanoi, la capitale, n’espèrent pas tirer profit de cette situation.

« Tout augmente actuellement », a dit Mme Lan, enfoncée jusqu’au mollet dans les eaux boueuses de sa rizière et occupée à ramasser les escargots qui se nourrissent de semis de riz. « Le kilogramme d’azote coûtait environ 5 000 dongs [30 centimes de dollars]. Aujourd’hui, il est vendu à 9 000 dongs. Le prix des engrais potassiques a été multiplié par trois ».

Dans le nord du Vietnam, l’hiver, plus rigoureux, a retardé de plusieurs semaines le repiquage du printemps. En outre, en raison de températures plus froides, les paysans pensent que la récolte dans le nord baissera de 30 pour cent. Malgré la hausse du prix du riz, Mme Lan ne pense pas pouvoir couvrir ses frais. Compte tenu des caprices du climat, du coût plus élevé des engrais et d’une épidémie d’insectes mangeurs de riz, Mme Lan, 51 ans, s’est dite prête à vendre son terrain si des promoteurs lui proposaient un prix intéressant.

Et si toutefois elle le vendait, ce serait un hectare de terres en moins consacré à la culture du riz. La parcelle de la famille de Mme Lan se trouve à proximité d’usines et de villas luxueuses en cours de construction sur des terres qui, l’année dernière encore, étaient plantées de riz. Les promoteurs – comme les escargots jaunes – sont en train de dévorer les rizières qui entouraient autrefois la capitale.

Une juste répartition des profits

Selon Trang Hieu Dung, directeur de la planification au ministère de l’Agriculture et du développement rural, l’industrialisation rapide menace la production de riz du Vietnam.

« La surface totale consacrée à la culture du riz est de quatre millions d’hectares », a indiqué M. Dung. « Chaque année, nous perdons environ 40 000 hectares. Les terres sont récupérées pour la construction de zones industrielles, la réalisation de nouveaux centres urbains, de projets immobiliers, de routes et d’autoroutes. Les paysans sont aussi passés à d’autres cultures ».


Photo: Manoocher Deghati/IRIN
Vedeur de riz dans le sud des Philippines. La décision du Vietnam de réduire ses exportations de riz a amené certains pays comme les Philippines à s’empresser de constituer des stocks de sécurité
La décision du gouvernement vietnamien de réduire les exportations suppose que les paysans ne tireront aucun avantage de la hausse record du prix du riz, selon Phan Huy Thong, directeur adjoint de l’Agriculture au ministère de l’Agriculture et du développement rural.

« Les exportations permettent d’injecter des dollars dans l’économie du pays. Nous voulons que les paysans réalisent de gros profits », a-t-il expliqué. « Mais il nous faut voir bien plus loin que ça et penser aux intérêts de la société dans son ensemble, et non pas à ceux d’un seul groupe de personnes qui, dans ce cas, sont les producteurs de riz. Le problème pour le gouvernement est de réaliser une juste répartition des profits entre les paysans et la société ».

La population pauvre d’Asie figure parmi les grands perdants de cette crise, puisqu’elle se nourrit essentiellement de riz. Etant donné qu’une bonne partie de ses revenus est consacrée à l’alimentation, elle pâtit énormément de la situation. Quant aux organisations humanitaires internationales, elles sont aussi à la merci de la hausse du prix du riz.

« Nous proposons généralement des offres inférieures à celles de négociants plus riches », a indiqué Paul Risley, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies en Asie. « Mais nous sommes le négociant du dernier recours et agissons au nom des populations pauvres et vulnérables ».

Compte tenu de la hausse spectaculaire des prix observée ces deux dernières semaines, le PAM estime qu’il devra dépenser 160 millions de dollars supplémentaires pour nourrir les 28 millions de personnes qu’il prend en charge en Asie.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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