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L’inaction du gouvernement dope le commerce des médicaments contrefaits

Un cinquième des médicaments achetés à Ouagadougou, la capitale, sont contrefaits et sont vendus dans les rues sans ordonnance ni date de péremption, selon le ministère de la Santé.

Malgré les lois interdisant cette pratique, le gouvernement a perdu tout contrôle sur le secteur et le marché des médicaments contrefaits continue de se développer avec ses conséquences dommageables pour la santé, déplorent les médecins – privant chaque année l’économie de près de 4,7 millions de dollars américains de recettes, selon le Comité national de lutte contre la drogue (CNLD).

D’après le CNLD, les forces de sécurité ont réalisé des saisies record de 23,6 tonnes de produits pharmaceutiques contrefaits à Ouagadougou ces trois dernières années, et au cours de leurs opérations de routine, elles peuvent en saisir jusque trois tonnes en l’espace d’une heure.

« Il est inquiétant de savoir qu’on peut trouver [dans la rue] des médicaments censés soigner des maladies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires ou l’arthrite », a déploré Alfred Sanwidi, vice-président de l’Ordre des pharmaciens du Burkina Faso (OPB), ajoutant que « des médicaments vétérinaires sont même vendus comme des vitamines ».

Des risques pour la santé

« À tous les niveaux des services médicaux, vous rencontrez des personnes qui souffrent parce qu’elles ont pris ces médicaments – et cela va des problèmes hépatiques à la résistance à certains médicaments indispensables pour elles », a expliqué à IRIN Adama Lingany, chef du service de néphrologie de l’hôpital Yalgado Ouédraogo.

L’utilisation chronique de nombreux médicaments contrefaits peut avoir de graves effets secondaires. Par exemple, l’administration de fortes doses de corticoïdes peut provoquer des hémorragies gastriques, de l’hypertension, des ulcères, une insuffisance rénale et l’hépatite, selon les conclusions d’une étude réalisée en 2003 par le pharmacien burkinabé Hamado Sawadogo.

L’étude de M. Sawadogo a révélé que 81 pour cent des consommateurs de médicaments n’avaient pas consulté de médecin ou ignoraient tout de leur état de santé, et que 70 pour cent d’entre eux ne connaissaient pas les risques sanitaires potentiels liés à la prise de médicaments contrefaits.

« Ils ne savaient pas s’ils souffraient de diabète, d’hypertension ou d’un ulcère », a-t-il expliqué à IRIN.

Selon Amadou Dianda, vendeur de médicaments, bon nombre de personnes parmi les plus vulnérables sont pauvres ; et comme elles n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments pour un traitement complet, elles se contentent d’acheter quelques comprimés. « Il arrive même que certaines d’entre elles les achètent à crédit et paient plus tard », a-t-il expliqué à IRIN.

Les forces du marché

D’après M. Sanwidi de l’OPB, bien que la réglementation nationale stipule que les médicaments ne peuvent être vendus sans ordonnance, la plupart des gens savent qu’ils peuvent se procurer tout ce qu’ils veulent au marché noir sans devoir en présenter une.

L’usage du téléphone portable est aussi un atout pour les acteurs de ce marché. En effet, les vendeurs utilisent leurs téléphones pour s’informer mutuellement de l’imminence d’une descente des forces de sécurité, ce qui leur permet de poursuivre leurs activités avec une relative facilité.

Le Burkina Faso partage des frontières avec six pays de la sous-région, et bon nombre de ces frontières sont relativement « perméables », a expliqué Mahamoudou Compaoré, directeur général de la pharmacie, du médicament et des laboratoires (DGPML) au ministère de la Santé, qui assure l’approvisionnement régulier du pays en médicaments.

Il est aussi difficile de s’attaquer au problème parce que bon nombre des vendeurs sont des enfants qui n’ont souvent pas conscience des conséquences de ce qu’ils font et qui ne peuvent pas être arrêtés, a-t-il poursuivi.

L’impuissance du gouvernement

Pour Christophe Campaoré, coordinateur du CNLD, le gouvernement est impuissant face au problème du commerce des médicaments contrefaits parce qu’il n’a pas les moyens de le résoudre.

« Il faut mener des opérations spéciales pour identifier et appréhender les importateurs, ce qui exige beaucoup de ressources et de bons renseignements. Or, nous sommes pratiquement sans ressources », a-t-il déploré, ajoutant qu’aucune des forces impliquées dans les opérations de ratissage menées par le gouvernement n’avait encore reçu de formation appropriée.

En conséquence, ces opérations se limitent à Ouagadougou, et les marchés dans d’autres villes comme Bobo-Dioulasso, à 280 kilomètres au sud-ouest de la capitale, ne sont pas contrôlés.

Pour le docteur Alfred Sanwidi toutefois, cette situation est aussi due à un manque de volonté et au laxisme dont font preuve les douaniers dans le cadre de leurs contrôles : « les médicaments entrent sur des bicyclettes ou dans des camions et réussissent à passer les frontières officielles à cause de la faiblesse des contrôles aux frontières ».

Pour mettre fin à ce commerce, la solution consisterait, d’après certains, à faire intervenir les autorités locales, au lieu de tenter de résoudre le problème depuis la capitale.

« Dans toutes les localités, les autorités, y compris les maires, doivent faire figurer la lutte contre les médicaments contrefaits dans leurs politiques et en faire une de leurs priorités. Malheureusement, peu de personnes ont compris cela », a confié M. Sawadogo à IRIN.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 10 pour cent des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits, ce qui représente 32 milliards de dollars de part de marché. L’OMS prévoit que d’ici 2010, la vente de médicaments contrefaits dans le monde rapportera 75 milliards de dollars, une augmentation de plus de 90 pour cent par rapport au volume des ventes en 2005.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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