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La réouverture des universités, une leçon de paix interethnique

L’université Kenyatta, première université publique à rouvrir depuis le déclenchement de la crise post-électorale, a pris un ensemble de mesures minutieuses pour garantir la continuité des cours, malgré la poursuite des violences et des tensions dans certaines régions du pays.

« Après avoir reporté la date d’ouverture de quatre semaines, nous avons pris la décision audacieuse de rouvrir l’établissement et nous avons impliqué toutes les parties concernées, y compris les étudiants, dans la mise en place de mécanismes de survie qui, nous l’espérons, seront bénéfiques pour tous », a expliqué à IRIN Gabriel Katana, le secrétaire général de l’université, le 6 février.

Ces mesures concernent notamment l’installation de services de conseil dans tous les départements de l’université ; l’organisation de réunions avec les responsables et les membres de la communauté vivant autour de l’université ; le renforcement de la sécurité sur le campus ; l’organisation de débats avec les étudiants, ainsi qu’avec les associations d’étudiants et les syndicats du personnel universitaire.

Pour M. Katana, rouvrir l’université était risqué, mais l’administration a pris le pari de le faire et fera régulièrement le point de la situation.

Concernant le contenu des cours tels que ceux de science politique, M. Katana a indiqué que l’université avait demandé aux professeurs de faire preuve de « pertinence et de modération dans leurs enseignements ».

« Ainsi, nous pensons notamment que lorsque les professeurs citent des exemples, ils doivent tenir compte des réalités politiques du pays : ils ne doivent pas chercher à s’écarter du sujet de discussion », a-t-il ajouté.

En outre, l’université a « suspendu » les organisations d’étudiants et de personnel constituées sur des bases ethniques ou régionales. Seuls les clubs ouverts à tous et les associations sportives sont autorisés.

Le soutien des étudiants

Pour Cécilia Thiga, étudiante en troisième année de science de l’environnement, l’interdiction des associations régionales encouragera la coexistence pacifique.

« Ce que nous devons faire, c’est agir en tant qu’individus. Nous ne devons pas nous laisser manipuler par les politiciens. Nous devons plutôt faire ce qu’on attend de nous, suivre les règlements de l’université et nous consacrer à nos études », a-t-elle affirmé.

« Nous ne devons pas nous laisser manipuler par les politiciens. Nous devons plutôt faire ce qu’on attend de nous, suivre les règlements de l’université et nous consacrer à nous études »
D’après M. Katana, l’administration de l’université s’est entretenue avec les propriétaires et les concierges d’immeubles loués par les étudiants hors du campus à propos des problèmes de sécurité et de location, ainsi qu’avec la police et les autorités locales.

« Le chef de district nous a en fait demandé d’informer ses services de tout cas d’expulsion d’étudiant fondé sur des considérations ethniques », a expliqué M. Katana.

Au moins 100 cas d’étudiants confrontés à des difficultés financières résultant de la situation politique du pays ont été portés à son attention, a-t-il souligné. Sur le campus, l’université a installé cinq tentes dans lesquelles du personnel qualifié est chargé d’accueillir les étudiants pour déterminer le type d’aide à leur apporter ; ceux qui ont besoin d’une aide médicale et psychosociale sont orientés vers les services médicaux de l’université.

L’université a fait imprimer une brochure, Université Kenyatta – Avançons ensemble - Information et stratégie de survie, que chaque étudiant reçoit lorsqu’il se présente à l’université. Elle contient les coordonnées des services d’information et d’assistance, des messages de paix provenant de l’association des étudiants, de plusieurs aumôniers et d’un imam.

« Plusieurs propositions ont été faites à propos de la méthode à adopter pour la réouverture de l’université, mais en fin de compte, nous avons décidé qu’une approche globale était la meilleure solution », a indiqué M. Katana. « Jusqu’à présent, les cours ont commencé et tout se passe bien ; nous continuons à parler aux étudiants, au personnel enseignant et non enseignant et même aux travailleurs temporaires, de la nécessité de cohabiter en harmonie et de poursuivre les cours ».

« Nous tenons des réunions avec différents groupes d’étudiants, au fur et à mesure qu’ils arrivent, et nous leur expliquons les raisons pour lesquelles nous avons décidé de rouvrir l’université, mais aussi ce que nous attendons d’eux. Notre principale vocation, qui est la diffusion du savoir, reste intacte et nous pensons que l’université doit transcender les frontières ; nos étudiants peuvent poursuivre leurs études ailleurs ».

D’après M. Katana, 200 membres du personnel ont suivi une formation de conseiller.

Œuvrer pour la paix

D’après un communiqué d’Olive Mugenda, recteur de l’université, la plupart des étudiants du pays ont repris les cours. Néanmoins, un certain nombre d’entre eux ont été victimes de violences et certains se trouvaient dans des camps de déplacés avant la réouverture de l’université.

« J’essaie de faire inscrire mes deux enfants, qui sont en deuxième année ; nous vivons actuellement dans le commissariat de police de Londiani [dans la province de la vallée du Rift] après avoir tout perdu dans le chaos », a expliqué Andrew Macharia, qui sollicitait l’aide de M. Katana.

« J’ai particulièrement souffert de la violence », a dit M. Macharia. « Je suis ici pour demander à l’administration de bien vouloir inscrire mes enfants, en attendant que j’aie les moyens de payer les frais de scolarité. Tous mes biens ont été incendiés et mon frère a été tué le 1er janvier ; ma vie est totalement détruite, j’espère que mes enfants pourront s’en sortir en poursuivant leurs études ».


Photo: Allan Gichigi/IRIN
Sylvester Kweyu, président de l'association des étudiants de l'université Kenyatta
Pour Sylvester Kweyu, président de l’association des étudiants de l’université Kenyatta (KUSA), les membres de l’association ont décidé de mettre de côté leurs opinions politiques et de travailler ensemble dans l’harmonie, en tant que représentants du corps étudiant.

« Bon nombre d’étudiants ont fait part de leur attachement aux études », a-t-il affirmé. « Ceux qui souhaitent prendre part à des activités politiques sont libres de le faire en tant qu’individus, mais pas en tant que membres de l’université Kenyatta. Nous l’avons clairement fait savoir à tous les étudiants ».

Selon M. Kweyu, qui est originaire de la ville de Mumias (ouest), sa famille s’est s’enfuie pendant quelque temps pour échapper aux violences, mais depuis, le calme est revenu dans la région.

« L’université devait initialement rouvrir le 14 janvier, mais nous [la KUSA] avons expliqué à l’administration que les émotions étaient encore trop vives et qu’il fallait reporter l’ouverture. Au bout d’un certain temps, nous nous sommes rendu compte que les étudiants originaires des provinces de Nyanza, de l’Ouest et de la vallée du Rift souffraient de cette situation, puisque certains d’entre eux se trouvaient dans des commissariats de police. Nous avons alors invité l’administration à ouvrir afin que certains de ces étudiants puissent accéder au campus qui, comme vous pouvez le constater, est un lieu sûr ».

Quant à Eric Masenge, secrétaire à l’organisation de la KUSA, il espère que l’expérience de l’université va servir d’exemple aux étudiants et représentants des autres universités publiques du pays qui n’ont pas encore rouvert leurs établissements.

« Les universités des régions où les tensions subsistent peuvent restées fermées, mais la KU [université Kenyatta] doit encourager les recteurs des autres universités à envisager de rouvrir leurs établissements, dans la mesure où la plupart des étudiants tiennent à terminer leur année universitaire », a-t-il affirmé.

Le Kenya compte six universités publiques, dont trois dans les provinces de la vallée du Rift et de Nyanza qui font les frais des violences post-électorales déclenchées après la proclamation des résultats des élections présidentielles du 27 décembre. Raila Odinga, leader de l’opposition, conteste la réélection du président Mwai Kibaki.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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