Des centaines de familles zimbabwéennes délogées au cours de l’opération Murambatsvina (Enlever les ordures), menée par le gouvernement en 2005, attendent toujours d’être relogées.
On leur avait demandé, à l’époque, de retourner dans leurs villages, mais bon nombre d’entre elles, et notamment les descendants d’immigrés, n’avaient nulle part où aller et se sont vues contraintes de s’installer dans des camps de réinstallation approuvés par le gouvernement, à la lisière des centres urbains, où elles croupissent aujourd’hui encore, sans source d’emploi.
Cette campagne, menée à l’hiver 2005 et qui avait pour but d’évacuer les bidonvilles et de débusquer les criminels, a au contraire privé plus de 700 000 personnes non seulement de leur toit, mais aussi, bien souvent, de leurs moyens de subsistance.
« On nous avait assuré qu’il s’agissait d’un camp de transit », s’est indigné Obert Pedzai, qui s’est vu contraint d’emménager dans le complexe d’appartements Sidojiwe, construit dans les années 1960 pour accueillir les hommes célibataires qui travaillaient dans la zone industrielle de Bulawayo, la deuxième ville du Zimbabwe. « Les responsables du gouvernement nous ont expliqué que nous séjournerions ici temporairement, pendant qu’on nous construirait des habitations convenables ».
Le logement de M. Pedzai, situé dans la banlieue ouvrière pauvre de Nketa a été rasé au cours de l’entreprise de démolition commanditée par le gouvernement. Obert Pedzai a envoyé sa famille à Nyajena, son village d’origine, à quelque 450 kilomètres de là, dans la province de Masvingo (sud-est), espérant la faire revenir lorsque la situation se serait améliorée. Or, « cela fait bientôt quatre ans maintenant, et les choses n’ont guère changé », a-t-il expliqué.
La famille avec laquelle Obert Pedzai a partagé sa chambre au complexe Sidojiwe pendant trois ans et demi a eu la chance d’être retenue parmi les 12 bénéficiaires d’un programme de logement municipal, et a déménagé il y a deux mois.
De loin, le complexe Sidojiwe semble habitable, avec ses petits potagers, entourant la structure principale. Mais en y regardant de plus près, on aperçoit les installations croulantes d’un édifice délabré.
La plupart des fenêtres ont été couvertes de carton et de feuilles de plastique pour protéger des rigueurs du climat les plus de 150 familles qui s’entassent, deux par chambre, dans cet immeuble de trois étages. Des enfants pieds nus s’amusent à se poursuivre le long des couloirs étroits et crasseux, passant devant les douches communes, sans porte, qui n’ont ni eau courante ni électricité. Les habitants doivent aller chercher de l’eau dans un immeuble voisin.
Monica Mlauzi, veuve de 78 ans, vit cloîtrée à Sidojiwe depuis quatre ans, un morceau de tissu pour toute cloison entre elle et la famille avec qui elle partage sa chambre.
« Nous vivons encore ici, dans ces conditions terribles, sans espoir de jamais être pris sérieusement en considération par les autorités. Nous nous sentons abandonnés », a-t-elle révélé, tout en luttant pour allumer un feu avec une poignée de brindilles, dans le brasero perché sur la cuisinière en ruine de la cuisine commune.
« Nous ne sommes plus sûrs de ce que sont les critères de sélection [pour l’attribution de nouveaux logements] », a expliqué Fidelis Nyamadzawo, membre du comité des habitants délogés.
L’opération d’évacuation a été condamnée par la communauté internationale ; en réaction à cela, le gouvernement a lancé l’opération Garikai/Hlalani Kuhle (opération Bien vivre) et s’est engagé à reconstruire les maisons et les étals des habitants.
« Nous vivons encore ici, dans ces conditions terribles, sans espoir de jamais être pris sérieusement en considération par les autorités. Nous nous sentons abandonnés » |
A Sidojiwe, les personnes âgées éprouvent de la difficulté à faire face à ces conditions de vie déplorables. « Aucun de nous ne reçoit de l’aide des services sociaux », a expliqué Barbra Ndhlovu, 75 ans. « Nous vivons au jour le jour et devons souvent nous passer de nourriture, et nous n’avons aucun espoir de voir les autorités intervenir ».
De temps en temps, les organisations caritatives ecclésiastiques leur apportent de l’aide. Au mois de novembre dernier, un organisme ecclésiastique a donné à 60 familles cinq couvertures chacune. « Les gens sont devenus sceptiques : [ils hésitent] à s’inscrire pour recevoir de l’aide car ils ont souvent été abandonnés par des organisations qui leur ont demandé leurs noms mais ne sont jamais revenues les aider », a rapporté M. Nyamadzawo.
Une aide onéreuse
Un organisme ecclésiastique a récemment proposé aux habitants de leur construire des maisons, à condition que chaque bénéficiaire fournisse des WC et du matériel de plomberie, et participe à la construction.
Or, une cuvette de toilettes à elle seule coûte 120 millions de dollars zimbabwéens (46 dollars), et un réservoir coûte 100 millions de dollars (38 dollars) – une somme bien au-dessus des moyens d’une majorité des familles sans abri. « Seules quatre personnes ont accepté cette offre », a raconté M. Nyamadzawo. « La plupart d’entre nous, dont les retraités, ne s’imagineraient jamais pouvoir réunir une telle somme ».
Les responsables du conseil de Bulawayo admettent que les logements de Sidojiwe sont « insalubres », et disent avoir logé ces familles dans ces édifices de trois appartements en dernier recours, pour des « raisons humanitaires », lorsque leurs logements ont été détruits. Pathisa Nyathi, porte-parole, a expliqué que le conseil était en train de désaffecter ces appartements lorsque l’opération Murambatsvina a été lancée.
Selon M. Nyathi, le conseil espérait pouvoir attribuer à ces familles des logements construits conformément au « Programme du millénaire pour le logement ». Ce programme, qui devait permettre de fournir au moins 1 000 maisons, aurait dû être mis en place en 2001, mais il a été remis en question par l’explosion du coût des matériaux de construction, au début de la crise économique, en 2000.
Le Zimbabwe, en plein effondrement économique, présente le taux d’inflation le plus élevé du monde ; un taux officiellement de 8 000 pour cent, mais estimé à 25 000 pour cent par plusieurs économistes indépendants.
D’après M. Nyathi, « rien ne porte à croire que ces familles pourront bientôt déménager, les coûts de construction étant prohibitifs ».
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