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Flambées de violence post-électorales, « catastrophe nationale » - Croix-Rouge

Le Kenya se trouve actuellement au beau milieu d’une « catastrophe [humanitaire] nationale », aux prises avec des flambées de violence post-électorales qui ont fait des dizaines de morts et des dizaines de milliers de déplacés, aujourd’hui hors de portée des secours immédiats, et ont condamné bon nombre d’autres à être dépendants de l’aide au cours des prochains mois, selon la Croix-Rouge kényane.

« Le pays est plongé dans l’insécurité depuis quelques jours et de nombreuses régions nous sont inaccessibles », a déclaré à la presse Abbas Gullet, secrétaire général de la Croix-Rouge kényane, le 1er janvier à Nairobi, après avoir réalisé un état des lieux par hélicoptère dans l’ouest du pays.

Les séquences vidéo filmées au cours de cette mission montraient de la fumée, s’élevant en volutes au-dessus des maisons et des fermes, des foules de civils déplacés cherchant refuge dans les églises et les postes de police, et les artères principales, habituellement animées, aujourd’hui désertes et jalonnées de barrages routiers tenus par des gangs.

Un « scénario catastrophe »

M. Gullet a expliqué que les 48 branches de son organisation avaient prévu des plans d’urgence en vue des élections mais que « personne n’imaginait le scénario catastrophe auquel nous semblons être confrontés à présent ».

À Eldoret, une ville de l’ouest du pays, au moins 30 personnes ont trouvé la mort au cours d’une des flambées de violence les plus sanglantes survenues depuis que Mwai Kibaki, président sortant, a été déclaré vainqueur du scrutin du 27 décembre – au beau milieu des accusations de fraude électorale proférées par l’opposition, et malgré les préoccupations internationales concernant le dépouillement des bulletins de votes.

Les victimes, qui s’étaient réfugiées dans une église, ont été prises au piège à l’intérieur de l’édifice, incendié par la foule, indiquaient les rapports de la BBC et de l’AFP, entre autres.

Selon l’AFP, qui estime à 300 le nombre total de morts dans le sillage des élections, un haut responsable des forces de police aurait déclaré que les événements survenus à Eldoret et dans les environs « ressemblaient fort à un nettoyage ethnique ».
 
Selon M. Gullet, dans la région de Burnt Forest, dans la province de la vallée du Rift, quelque 20 000 à 30 000 personnes, majoritairement kikuyu, le groupe ethnique du président Kibaki, se sont terrées dans les églises et les locaux de la police. D’après une déclaration officielle du gouvernement, relayée par les médias locaux, il y aurait 73 500 personnes déplacées dans l’ensemble du pays.
 
La plupart des déplacés n’ont accès ni à des vivres, ni à l’eau, ni à des services de santé, ni à l’hébergement, a expliqué M. Gullet.

Les familles se réfugient dans l’est de l’Ouganda

La route principale qui va vers l’ouest à partir d’Eldoret mène à l’Ouganda. Au poste-frontière de Malaba, une responsable des services d’immigration ougandais a expliqué à IRIN que des dizaines de familles, essentiellement kikuyu, étaient entrées en Ouganda les 31 décembre et 1er janvier. Selon la responsable, bon nombre d’autres ont sans doute quitté le Kenya en traversant, à des endroits laissés sans surveillance, la frontière ougandaise poreuse, qu’aucune barrière ne délimite. Une autre source de Malaba a indiqué qu’elle n’avait vu qu’une seule voiture passer la frontière de l’Ouganda vers le Kenya le 1er janvier.

Les membres du Parlement ougandais qui représentent les circonscriptions situées dans la zone frontalière ont appelé le gouvernement de Kampala à envoyer des secours dans la région pour satisfaire les besoins des prochains réfugiés.

Le carburant importé en Ouganda est acheminé à travers le Kenya, et à Kampala, de nombreuses stations-service avaient épuisé leurs réserves tandis que les prix avaient doublé dans d’autres régions du pays.

Milices privées et zones interdites

Parmi les populations restées au Kenya, « quelques centaines de milliers de personnes auront besoin d’une aide [humanitaire] pendant quelque temps […] et bon nombre de personnes, auparavant en mesure de subvenir à leurs besoins alimentaires, deviennent dépendantes de l’aide alimentaire », a indiqué M. Gullet.

Entre Burnt Forest et Eldoret, 30 kilomètres plus loin, « environ 30 postes de contrôle ont été établis par des milices privées », a-t-il ajouté.

« Si vous n’appartenez pas au bon groupe ethnique, impossible de vous y rendre », a expliqué le responsable de la Croix-Rouge.

« Des gens sont pris pour cibles et on sait à quel groupe ethnique ils appartiennent », a indiqué M. Gullet. Invité à éclaircir ses propos, il a expliqué que dans les régions où il s’était rendu, « c’est en grande partie les Kikuyu [groupe ethnique] qui sont pris pour cible ».

Selon M. Gullet, dans certaines régions du pays, même les employés de la Croix-Rouge, clairement reconnaissables par l’emblème qu’ils portent sur leurs vestes, ont eux aussi été sommés de déclarer leur ethnicité.

La vidéo filmée par la Croix-Rouge montrait des centaines de personnes qui se trouvaient à l’aéroport d’Eldoret – à 20 kilomètres de la ville elle-même – « depuis quelques jours, encerclées par 3 000 personnes d’un seul et même groupe ethnique », a-t-il poursuivi.

Au cours de ce bref état des lieux par voie aérienne, M. Gullet estimait avoir vu « des centaines » de maisons et de fermes en feu.


Photo: Anthony Morland/IRIN
Les citoyens ont répondu généreusement à l'appel de la Croix-Rouge en apportant des vivres. Ils ont parfois passé des heures dans les files d'attente des supermarchés, avant d'apporter des provisions au siège de l'organisation dans la banlieue de Nairobi.
Aide et manque d’accès

« Les populations ont besoin d’aide, mais il nous est impossible de nous rendre auprès d’elles par voie routière et nous ne pouvons pas créer de pont aérien car les seuls appareils viables sont les hélicoptères et ils ne peuvent transporter que deux tonnes [de marchandises] », a-t-il expliqué, ajoutant que les barrages routiers avaient engendré un épuisement des réserves de carburant dans de nombreuses villes.

A l’hôpital de l’université de Moi, à Eldoret, l’équipe de la Croix-Rouge a vu de nombreux patients blessés par balle et par flèche. Plusieurs médecins de la ville, craignant pour leur sécurité, n’étaient pas en mesure de se rendre à l’hôpital.
« L’hôpital est submergé par le nombre des victimes. Des tentes ont été montées à l’extérieur pour accueillir les patients les moins atteints », a rapporté M. Gullet.

Appel auprès des leaders

M. Gullet a ensuite lancé un appel aux leaders politiques kényans, les priant d’assurer la sécurité pour permettre l’accès humanitaire et de lever les restrictions strictes, imposées aux médias après l’annonce, le 30 décembre, de la victoire de M. Kibaki.

Il a également appelé Raila Odinga, candidat à la présidence et leader de l’opposition appartenant au groupe ethnique des Luo – qui insiste à dire qu’on l’a frauduleusement privé d’une victoire électorale – « à s’exprimer devant les masses pour faire savoir que cette tuerie gratuite est inacceptable ».

Le prix des denrées alimentaires de base est monté en flèche dans certaines régions, et la Croix-Rouge distribue actuellement de la nourriture aux personnes déplacées des bidonvilles de Nairobi, en partie grâce aux dons des citoyens qui ont répondu à l’appel public de l’organisation.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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