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L'eau potable, une ressource rare malgré la manne pétrolière

Deux types de camion-citerne se disputent le passage sur l’étroite route bordée de baraques délabrées qui mène aux docks de Luanda, la capitale angolaise : les camions-citernes d’eau et de carburant. Dans ce pays riche en pétrole, l’approvisionnement journalier en eau de la plupart des habitants des bidonvilles dépend de ces camions-citernes.

Tous les jours, plus de 300 camions-citernes appartenant à des sociétés privées apportent de l’eau en ville depuis la station de pompage de Kifangondo, installée sur les rives du fleuve Bengo, à une vingtaine de kilomètres de Luanda, et gérée par un groupement de sociétés de distribution d’eau.

L’EPAL (Empresa Publica de Aguas de Luanda), la société nationale de distribution d’eau de Luanda, mise à mal par près de 30 années d’une guerre civile qui a pris fin en 2002, a encore du mal à se réorganiser.

Pendant la guerre, des millions de personnes, fuyant les combats dans les zones rurales, s’étaient réfugiées à Luanda, une ville censée abriter quelque 400 000 habitants, mais qui en compte actuellement près de 4,5 millions, selon l’ONU. En conséquence, l’EPAL n’a jamais pu faire face à l’explosion de la demande en eau potable.

« Malgré les impressionnants revenus de l'exploitation du diamant et du pétrole, il n’y a pratiquement pas eu d'investissement dans les services de base depuis les années 1970, et seule une minorité privilégiée de la population de Luanda a accès à l’eau potable », indiquait l’organisation médicale humanitaire, Médecin sans frontières (MSF), dans un document de synthèse intitulé « Murky Waters : why the cholera epidemic in Luanda was a disaster waiting to happen (Eaux troubles : pourquoi l’épidémie de choléra à Luanda était une catastrophe prévisible) ».

« La majorité de la population est ravitaillée en eau par une importante flotte de camions-citernes qui s’approvisionnent à partir de deux stations de pompage principales [Kifangondo, sur le fleuve Bengo, et Kikuxi sur le fleuve, toutes deux située à l’extérieur de Luanda], et distribuent l’eau à toute la ville en réalisant un profit considérable », selon le document de synthèse de MSF.

« Malgré les impressionnants revenus de l'exploitation du diamant et du pétrole, il n’y a  pratiquement pas eu d'investissement dans les services de base depuis les années 1970, et seule une minorité privilégiée de la population de Luanda a accès à l’eau potable »

A l’aube, les camions-citernes prennent l'étroite route poussiéreuse et accidentée qui mène à Kifangondo. En général, les conducteurs mettent au moins une heure pour parcourir les 20 kilomètres de route, pendant que les files d’attente pour se procurer de l’eau ne cessent de s’allonger dans les bidonvilles.

Selon Miguel Domingo, président du groupement des distributeurs d’eau, il y a 20 ans, pendant la guerre civile, le secteur privé s’était organisé parce qu’il avait réalisé le potentiel commercial que représentait la distribution d’une ressource aussi vitale que l’eau. Des pompes ont été mises en place avec des tuyaux suffisamment volumineux pour remplir 450 camions-citernes par jour, soit près cinq millions de litres d’eau, selon MSF.

L’eau non traitée est pompée du fleuve Bengo vers des camions-citernes. Les chauffeurs se dirigent ensuite vers le point de chlorification où ils achètent un bidon de chlore, puis déversent son contenu dans la citerne avant de quitter la station.

En 2006, alors que Luanda connaissait sa plus grave épidémie de choléra, avec en moyenne 500 nouveaux cas par jour, MSF avait constaté que bon nombre de chauffeurs de camions-citernes repartaient de la station sans avoir chlorifié l’eau, ceci pour éviter de faire la queue et effectuer un maximum de trajets.

L'épidémie de choléra

Mais l’épidémie de choléra de 2006 durant laquelle 67 257 cas avaient été recensés, dont 2 722 mortels – le taux de mortalité le plus élevé au monde – a ébranlé les autorités angolaises.

Depuis lors, a indiqué Maria Trajo, responsable de la qualité de l’eau à la Direction nationale de l’eau, un policier et un agent du service des eaux ont été affectés à Kifangondo afin de s’assurer qu’aucun camion-citerne ne quitte la station avec de l’eau non-traitée.

Malgré ces mesures, il n’est pas exclu que quelques camions continuent de vendre de l’eau non-traitée, ont fait remarquer certaines organisations humanitaires. « Il se peut que les chauffeurs soient pressés et qu’ils ne soient pas disposés à faire la queue pour acheter le bidon de chlore », a indiqué un travailleur humanitaire qui a requis l’anonymat.

Généralement, les chauffeurs de camions-citernes vendent l’eau à des revendeurs qui la vendent à leur tour par seau aux habitants. « Les risques de contamination de l’eau sont alors très grands », a indiqué Allan Cain, directeur de Development Workshop (DW), une organisation non-gouvernementale (ONG) œuvrant pour l’amélioration des conditions de vie des communautés défavorisées.

« Nous ne savons pas si [les réservoirs d’eau] des revendeurs sont régulièrement nettoyés ; en outre, chaque fois qu’un seau est plongé dans une citerne, l’eau peut être contaminée ».

DW a également fait observer que les habitants des bidonvilles payaient à ces revendeurs des sommes 10 000 fois supérieures à celles que les habitants plus aisés, vivant dans des quartiers raccordés au réseau de distribution d’eau, paient à la société locale pour avoir de l’eau potable.

Dans son document de synthèse, MSF avait aussi noté que le prix de l’eau était déterminé par les forces du marché. « Le prix de l’eau…peut faire l’objet de fortes spéculations et peut varier d’un jour à l’autre, en fonction des conditions d’accès (distance entre le point de collecte de l’eau et le point de distribution, état de la route menant au point de distribution), et de la demande (disponibilité de l’eau dans les environs).


Photo: Jaspreet Kindra/IRIN
Remplissage de camions-citernes à la station de pompage privée de Kifangondo, située à une vingtaine de kilomètres de Luanda, la capitale angolaise
« C’est un marché qui génère plusieurs millions de dollars par an », a indiqué Dauda Wurie, responsable du projet Eau et Assainissement du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Dans un bidonville, une famille de quatre personnes, dont les revenus mensuels sont inférieurs à 50 dollars, peut dépenser jusqu’à 60 dollars pour satisfaire ses besoins mensuels en eau.

« La quantité d’eau utilisée est souvent inférieure à la ration minimale requise par personne et par jour, et il n’est pas rare de voir des familles se débrouiller avec un jerrican de 20 litres par jour », a fait remarquer M. Cain.

Pour sa part, M. Domingo a rejeté les allégations faisant état de profits excessifs et a affirmé que le groupement des distributeurs d’eau était prêt à confier les opérations de pompage à l’EPAL, si l’entreprise publique avait les moyens de gérer et d’exploiter la station.

La seule solution sûre est le raccordement de toute la population au réseau de distribution d’eau potable, a suggéré Pierre-Marie Achy, coordinateur en Angola du programme de contrôle et de prévention du choléra, à l’UNICEF. Quant à Mme Trajo, elle a affirmé que son service prévoyait de fournir de l’eau potable à plus de la moitié de la population avant la fin de l’année 2008.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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