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La répression policière contre la secte Mungiki s'amplifie

Florence Musola, une commerçante kényane, et ses quatre enfants font partie des victimes de l’incendie criminel qui a détruit leur habitation à Mathare, le deuxième plus grand bidonville du Kenya après celui de Kibera.

La secte Mungiki, dont plusieurs membres vivent dans le bidonville, est soupçonnée d’avoir organisé une attaque le 30 mai, au cours de laquelle au moins 11 maisons ont été incendiées.

Dans ce bidonville où les services de base telles que l’eau potable, les latrines, les poubelles et autres services sociaux font défaut, les habitants paient une redevance mensuelle de 50 shillings [0,70 dollars américains] à des gangs supposés assurer leur protection.

« Ils [les gangs] disent qu’ils nous protègent », a indiqué Mme Musola. « Si vous ne payez pas cette redevance, votre maison risque d’être incendiée. Beaucoup de maisons ont ainsi été brûlées dans de tels incidents ; c’est la deuxième fois [en mai] que des gangs brûlent des maisons ici ».

« Nous sommes maintenant réduits à la mendicité et comptons sur la générosité des voisins, en attendant de trouver une solution à notre problème », a-t-elle ajouté.

Avant l’incendie de sa maison, Mme Musola préparait et vendait des mandazi (des beignets) et des bhajias (chips) –, comme beaucoup d’habitants des bidonvilles travaillant dans le secteur informel en tant que vendeuses de rue, ouvriers occasionnels, aide-ménagères ou gardiens.

« Avec cet argent au moins je pouvais payer mon loyer de 1 200 shillings [17 dollars] », a-t-elle souligné. « Actuellement, la vie est devenue très difficile et il n’est pas évident de trouver de la nourriture ; même nos vêtements ont brûlé ».

En raison des menaces que font peser les gangs, beaucoup de personnes envisagent de quitter Mathare, un quartier de Nairobi, la capitale.

« Je comprends leurs réactions ; seriez-vous restés dans ces conditions, au risque de perdre votre vie ou vos biens ? », a demandé Mme Musola. « Moi je n’envisage pas de partir. J’ai trois enfants à charge et je vis ici depuis plus de 30 ans ».

Les gangs

Mme. Musola s’est installée à Mathare en 1972. « A l’époque, il n’y avait pas de bandits et personne ne se mêlait de vos affaires », a-t-elle fait remarquer. « Aujourd’hui, il n’est plus possible de mener une vie normale, en raison de la tension qui règne dans le bidonville. Nous avons peur parce que ces pyromanes menacent de revenir ».

Dans les bidonvilles, les gangs contrôlent également l’utilisation des toilettes publiques et exigent une redevance mensuelle, souvent hors de portée de la plupart des habitants.

L’année dernière, des affrontements ont opposé pendant trois jours des membres de la secte Mungiki à ceux d’un autre groupe clandestin dénommé les Talibans. Ces rixes ont fait au moins 9 000 déplacés.

De même, plusieurs personnes ont perdu la vie et leurs biens lors d’une dispute entre bandes rivales pour le contrôle du commerce illicite mais lucratif de la fabrication de bière dans le bidonville tentaculaire de Mathare.

« Je ne sais pas d’où viennent ces gangs, car il n’en existait pas ici, auparavant », a affirmé Mme Musola. « De nos jours, les bidonvilles sont devenus dangereux, même pour leurs habitants, puis que des gens se font tuer ».

D’après certains rapports, les causes principales de ces violences sont le manque de logement permanent et le problème de l’accès aux services de base dans les bidonvilles, une situation qui contribue à accroître la vulnérabilité des habitants.

Les membres de la secte Mungiki s’attaquent aux habitants des bidonvilles et incendient leurs maisons, quand ces derniers ne règlent pas leur redevance mensuelle de protection, ou pour se venger de l’assassinat de leurs membres. En 2000, des membres de la secte avaient incendié 11 maisons dans les bidonvilles de Kian'gombe, à Thika, une ville située au nord de Nairobi.

La répression policière

Dans le centre du Kenya, les gangs terrorisent également les populations civiles.
« Aujourd’hui, vous risquez facilement de vous faire arrêter si vous vous promenez dans les rues, la nuit; nous sommes désormais obligés de nous adapter à la situation », a déploré Tom Njenga, un habitant de Nyahururu. « Tout cela, parce que la police a d’énormes difficultés à identifier les membres de la secte Mungiki ».

La secte Mungiki, dont le nom fait vaguement référence à ‘l’unité de la nation’, est une secte politico-religieuse interdite, implantée dans la province centrale du Kenya.

Cette secte a commencé à faire de plus en plus parler d’elle après son implication présumée dans plusieurs crimes crapuleux commis dans la province, des actes qui ont amené les autorités policières à interdire ce mouvement.

Bien que les activités de la secte soient concentrées dans la province centrale, les régions voisines, dont Nairobi et les bidonvilles en particulier, sont également touchées par ce phénomène sectaire.

Dans les bidonvilles, la secte Mungiki était apparue comme un groupe de vigilance constitué de jeunes hommes désœuvrés chargés d’assurer la paix et la sécurité. Au début, ces jeunes étaient perçus comme une force positive, qui assurait non seulement la sécurité, mais aidait également les habitants en réalisant des branchements électriques illicites.

Au fil du temps, le groupe s’est mis à prélever des taxes, à exiger des habitants qu’ils paient pour l’utilisation de certains services de base telles que les toilettes publiques et l’eau, puis à imposer un deuxième loyer.

Selon Jay Felix Munyambu, adjoint au commissaire de la ville de Kiambu, la secte Mungiki « exploite la misère des populations des bidonvilles ». Kiambu, qui se trouve également dans la province centrale, a été le théâtre de certains meurtres dont les auteurs seraient des membres de la secte Mungiki.

« Ils utilisent surtout ces méthodes dans les bidonvilles où les habitants vivent déjà dans une situation précaire et manquent, d'autres services comme l’eau potable, l’électricité et les latrines », a expliqué M. Munyambu. « Il faut payer pour accéder à un service ».

En dehors des bidonvilles, les autres cibles de la secte Mungiki sont les matatus [minibus de transport en commun] auxquels elle exige le paiement d’une redevance journalière pour assurer leur protection. Les équipages et propriétaires de ces minibus qui s’opposent au versement de cette redevance sont victimes de répression parfois fatale.

Rites et rituels

Les origines de la secte restent un mystère. Selon certains habitants des bidonvilles, le groupe serait peut-être issu d’un mouvement clandestin de Laikipia, un district voisin de la province centrale, dont l’objectif serait de recouvrer les biens perdus pendant la période du mouvement Mau Mau.

Ce mouvement était constitué de combattants de la liberté appartenant majoritairement à l’ethnie Kikuyu et très impliqués dans la lutte d’indépendance du Kenya.

Au début, la secte Mungiki était une secte néotraditionnelle qui valorisait les traditions kikuyu, dont les mutilations génitales féminines.

Au fil du temps, parce qu’elle perdait peut-être de son influence en ciblant les femmes, et qu’elle avait de plus en plus besoin d’argent, la secte s’est lancée dans des activités plus lucratives en faisant payer des taxes aux habitants des bidonvilles et aux propriétaires de minibus.

Selon les témoignages de certains adeptes, boire l’urine d’une personne et prêter serment d’allégeance à la secte font partie des rites d’initiation. La secte, qui s’entoure de mystère, oblige ses membres à prier, à adorer le culte et à se soumettre à des rituels.

Le recrutement des adeptes se fait généralement sur la base du volontariat, même si parfois la secte oblige des habitants de Mathare à y adhérer. La grande pauvreté et l’absence de perspective d’emplois ont également rendu les jeunes désœuvrés assez vulnérables à ces pressions.

« Les agents de police ne font rien, surtout ceux qui se laissent corrompre », a affirmé M. Muyambu. « Ils connaissent les membres de la secte Mungiki, mais ils ne font rien pour les appréhender ».

Pour échapper aux arrestations les membres de la secte ont mis en place un réseau d’informateurs et changent d’apparence, ce qui les rend difficilement identifiables. Auparavant, ils portaient des tresses sur la tête (dreadlocks, en anglais) et reniflaient du tabac à priser, a indiqué l’adjoint au commissaire. Aujourd’hui, ils s’habillent élégamment. 

aw/mw/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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