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Les autorités nigérianes intensifient la lutte contre la contrefaçon de médicaments

Le mois dernier, des agents de la NAFDAC, l’organisme nigérian en charge de la lutte contre les faux médicaments, ont fait une descente dans le marché de Bridge Head, à Onitsha, une localité du sud-est du pays, pour traquer les revendeurs de médicaments contrefaits.

Pendant que les équipes des agents de la NAFDAC (National Agency for Food and Drug Administration and Control) visitaient les magasins, à la recherche de médicaments contrefaits ou de mauvaise qualité, tous les accès au marché étaient gardés par des soldats et policiers armés.

Pour la NAFDAC, ce marché, un labyrinthe de petites boutiques et de ruelles, est le cœur du trafic de faux médicaments au Nigeria.

Le 6 mars, la NAFDAC a fait fermer le marché avec l’aide de centaines de soldats et de policiers. Cette décision est l’une des plus sévères jamais prises par cet organisme dans la lutte contre le commerce mortel, mais très florissant, des faux médicaments au Nigeria, a déclaré Dora Akunyili, 52 ans, professeur de pharmacie et directrice de la NAFDAC.

Pendant les quatre semaines qu’a duré le siège, plus de 80 camions chargés de médicaments contrefaits ont été saisis, ont affirmé des responsables de l’organisme.

« Le marché d’Onitsha est l’endroit où s’écoule la plupart des faux médicaments au Nigeria » a dit Mme Akunyili à IRIN. « Si ce marché n’existait pas, il y aurait moins de cinq pour cent de médicaments contrefaits » mis en vente.

Actuellement, la moyenne nationale se situe à 15 pour cent, alors qu’à Onitsha, une ville de plus d’un million d’habitants, on enregistre une moyenne de 30 pour cent, a-t-elle poursuivi, en citant une étude menée conjointement par la NAFDAC et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Un trafic nuisible à la santé

Les Nations Unies, qui célébraient le 7 avril la Journée mondiale de la santé, ont choisi cette année le thème de la sécurité sanitaire internationale pour exhorter les gouvernements, les organisations et les entreprises à investir dans la santé.

Selon l’OMS, le commerce des médicaments contrefaits est un problème qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde, notamment dans les pays en développement, et qui fait des milliers de morts chaque année.

Ainsi, l’incidence de ce commerce va de un pour cent, dans les pays développés, à plus de 10 pour cent dans les régions pauvres du monde, la prévalence étant plus forte dans les pays où le contrôle réglementaire est faible.

Toutefois, l’organisation note que dans de nombreux pays africains, ainsi que dans certaines régions d’Asie et d’Amérique latine, 30 pour cent des médicaments mis en vente sont des médicaments contrefaits.

Mme Akunyili a rappelé que lorsqu’elle a été nommée à la tête de la NAFDAC par le président nigérian Olusegun Obasanjo, près de 68 pour cent des médicaments mis en vente au Nigeria étaient des médicaments non enregistrés, et plus de 41 pour cent étaient contrefaits ou de qualité inférieure.

En s’attaquant à ce problème, elle a été confrontée à de sérieuses difficultés, inhérentes au marché chaotique des médicaments, et au cartel criminel très organisé des faussaires.

Un réseau bien implanté

La distribution de produits pharmaceutiques au Nigeria s’est développée dans le cadre d’un système de marché contrôlé par des commerçants du marché traditionnel.

Bien que ces commerçants n’aient aucune formation en matière de distribution et de stockage de médicaments, les grandes sociétés pharmaceutiques ont été amenées à se servir d’eux comme canaux de distribution en raison de leur efficacité, a déclaré Mme Akunyili.

« Ils ont un système de distribution fantastique, capable d’écouler en l’espace de trois jours n’importe quel médicament partout dans le pays », a fait remarquer Mme Akunyili.

Le commerce des faux médicaments utilise le même système de distribution pour ses produits, a-t-elle affirmé.

La NAFDAC a découvert en Inde, au Pakistan et en Chine, les sources à partir desquelles les faussaires nigérians s’approvisionnent en médicaments. La chaîne de distribution couvre une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Dans le passé, les autorités ghanéennes avaient interdit les importations de médicaments du Nigeria, parce qu’elles craignaient que les médicaments provenant d’Etats voisins ne répondent pas aux normes.

Sous la houlette de Mme Akunyili, la NAFDAC a lancé en 2002 un programme d’enregistrement et de certification de tous les médicaments en vente au Nigeria. Cette initiative a abouti à la fermeture de grands marchés de produits pharmaceutiques dans les villes d’Aba (Sud) et de Kano (Nord) et l’efficacité de cette mesure a amené d’autres marchés, dont celui d’Onitsha, à se conformer à la réglementation.

La campagne s’est soldée par plusieurs condamnations prononcées à l’encontre de faussaires et a permis la destruction de médicaments de mauvaise qualité d’un montant supérieur à 60 millions de dollars, selon la NAFDAC.

La riposte des trafiquants

Le succès de cette campagne a également déclenché des vagues de représailles de la part de puissants réseaux de trafiquants qui contrôlent ce commerce illicite.

Plusieurs bureaux de la NAFDAC à travers le pays ont été incendiés et saccagés, y compris le siège administratif et le laboratoire situés à Lagos, la capitale économique.

Mme Akunyili a elle-même échappé de peu à un attentat en 2003, lorsque des inconnus ont ouvert le feu sur son véhicule et qu’une balle lui est passée très près de la tête.

Peu de temps après, plusieurs faussaires présumés d’Onitsha ont été arrêtés par la police et accusés d’être les auteurs de cette tentative d’assassinat. Au bout de deux années de détention, ils ont été libérés à la faveur de détails techniques juridiques, ce qui a eu pour effet d’enhardir les faussaires, ont affirmé les responsables de la NAFDAC.

En juin 2006, quand des agents de la NAFDAC se sont rendus au marché de Bridge Head avec un groupe de policiers pour y effectuer une inspection de routine, ils ont été attaqués et chassés par des commerçants du marché qui ont ensuite mis le feu à six de leurs véhicules.

« Cet incident nous a fait comprendre que chaque fois que nous cherchons à assainir le marché d’Onitsha, nous devons mobiliser l’armée et la police », a déclaré Mme Akunyili. C’est ce qui a été fait le mois dernier, avec la fermeture du marché.

Un nouveau système

La NAFDAC envisage de contrôler tous les commerçants du marché, afin de déterminer les médicaments faux, de qualité inférieure ou non enregistrés, et de les supprimer. Mais pour l’organisme, il sera difficile à terme de gagner la guerre contre les médicaments de contrefaçon, tant qu’il n’y aura pas une réforme du système de commercialisation des médicaments en vigueur actuellement.

« Le commerce [de médicaments] est si bien implanté qu’il est difficile de l’éliminer sans proposer une alternative », a affirmé Mme Akunyili. Mais le souhait de son organisme est de les supprimer progressivement, a-t-elle dit.

Des projets sont à l’étude pour la construction de supermarchés du médicament gérés par des professionnels agréés qui s’inspireront des méthodes des revendeurs de médicaments contrefaits pour mettre en place un autre réseau national de distribution de médicaments.

« Ce qui va changer, c’est la création d’un environnement approprié pour le stockage des médicaments, qui sera géré par des professionnels soumis à une règlementation moins contraignante » a dit Mme Akunyili.



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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