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L’épreuve de trop pour les réfugiés

[CAR] Molangue refugee camp, near the DRC border. [Date picture taken: 10/2006] Anne Isabelle Leclercq/IRIN
Après le traumatisme de la guerre et de l’exil forcé, le test du dépistage du VIH est une nouvelle épreuve que beaucoup de réfugiés du camp de Molangue, en République centrafricaine, ont du mal à affronter. Pourtant, ils sont convaincus que c’est bien le sida qui a emporté plusieurs d’entre eux.

Situé à environ 150 kilomètres à l’est de Bangui, la capitale, non loin de la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC), le camp verdoyant de Molangue a abrité plusieurs milliers de réfugiés congolais et en héberge encore aujourd’hui plus de 700, installés dans de petites cases en torchis entourées de haies, construites le long d’allées bien entretenues.

Ces réfugiés, soutenus par le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), qui finance entre autres l’école du camp où étudient 400 enfants, dont trois quarts venus des villages alentours, survivent grâce à leurs cultures de maïs, de manioc et d’arachides.

En tout, près de 20 000 réfugiés, principalement des Soudanais, des Congolais de la RDC et des Tchadiens ayant fui les années de guerre et de violences dans leur pays, vivent aujourd’hui en RCA, dans des camps ou en milieu urbain, selon le HCR.

Quelque 150 000 personnes déplacées internes vivent en outre dans ce pays de moins de quatre millions d’habitants, lui-même marqué par des années de conflits sanglants et confronté à une insécurité persistante, notamment dans le nord.

Même si les acteurs de la lutte contre le sida en RCA se disent inquiets des conséquences de l’instabilité régionale sur la propagation du VIH, l’impact de l’épidémie sur les réfugiés et les déplacés reste mal connu, faute de statistiques fiables.

Le centre de santé de Molangue, géré par la Commission nationale pour les réfugiés (CNR) avec l’appui financier et logistique du HCR, est dans l’incapacité d’évaluer les niveaux d’infection au VIH dans la zone puisqu’il ne dispose d’aucun moyen de dépistage, a regretté le docteur Daniel Djikouma, chef de la structure.

«Nous notons des cas cliniques [parmi les patients], mais on ne peut pas les déclarer comme [VIH/SIDA] tant qu’il n’y a pas eu de test pour confirmer l’infection», a-t-il expliqué. «Donc dans les rapports, nous sommes obligés de mettre ‘négatif’ parce que les cas ne sont pas prouvés.»

Pourtant, le taux national de prévalence du VIH en RCA, estimé à 10,7 pour cent par les Nations unies, est le plus élevé d’Afrique centrale et le dixième plus important au monde.

Des études partielles menées par des ONG à Mboki, une zone commerciale proche de la frontière avec le Soudan, où le HCR a installé un camp abritant quelque 10 000 réfugiés soudanais, ont révélé un taux d’infection du VIH autour de 20 pour cent –un taux proche de celui des populations locales de cette région isolée.

La peur du test

Fréquenté par les réfugiés et les quelque 3 000 habitants des six villages environnants, le centre de santé de Molangue suit surtout les femmes enceintes et traite les infections les plus courantes, à savoir le paludisme, les parasitoses et les infections respiratoires aiguës.

En cas de doute, le docteur Djikouma réfère ses patients au centre de dépistage volontaire (CDV) le plus proche, à Safa, une localité située à une dizaine de kilomètres du camp, tandis que les femmes enceintes sont orientées vers Mbaïka, à 30 kilomètres, où des services de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant sont disponibles.

Mais de nombreux malades ne vont pas faire le test, a constaté le médecin, qui n’a vu revenir aucun des derniers patients qu’il a référés au CDV, attribuant ce phénomène entre autres à «l’ignorance des avantages du dépistage».

Le docteur Djikouma a dit ne pas savoir si la stigmatisation liée au VIH était un frein au dépistage, «puisque aucun réfugié ne s’est jamais présenté comme tel [infecté au VIH], on ne sait pas s’il serait stigmatisé».

Mais pour le comité de lutte contre le VIH/SIDA du camp de Molangue, qui compte une vingtaine de membres, il n’y a pas de doute.

«Les gens pensent que s’ils se font connaître, ils seront rejetés, ils ne veulent pas être encore [montrés du doigt]», a expliqué Yabanga Baramoto, réfugié en RCA depuis 1997 et président du comité. «Un ami du camp avait des symptômes [de l’infection], il est allé à Bangui se faire dépister, il était séropositif. Il n’est pas revenu à Molangue, il est mort là-bas.»

Comme la plupart des membres du comité, qui organise des séances de sensibilisation sur le VIH dans le camp, autour d’un verre de vin de palme, M. Baramoto a fait les frais de cette stigmatisation.

«J’ai enregistré pas mal d’injures, parce que comme je fais de la sensibilisation sur le VIH, on pense que je suis séropositif», a-t-il raconté. «J’ai fait le test, il est négatif, mais maintenant quand on m’accuse [d’être infecté], j’accepte.»

L’un des habitants du camp, qui écoutait M. Baramoto parler du dépistage, a alors soulevé la question de la confidentialité des résultats du test.

«En tant qu’homme, un séropositif a besoin d’avoir des relations amoureuses, mais si ça se sait [qu’il est infecté au VIH], on va le fuir. C’est un problème de libido mais c’est important. Si on se fait dépister, est-ce qu’on va avoir droit à la discrétion sur les résultats?», a demandé l’homme, aussitôt rassuré par les membres du comité VIH/SIDA.

Les préservatifs sont réclamés

En dépit de la peur du rejet, la demande de dépistage est de plus en plus importante, de la part des réfugiés comme des autochtones, ont constaté les intervenants dans le camp.

«Des gens sont venus se présenter pour le dépistage au centre de santé [de Molangue] mais il n’y avait pas de réactifs», a dit Laurent Doka, point focal VIH/SIDA de la CNR à Bangui, précisant que la commission envisageait la mise en place de tels services grâce au soutien de ses partenaires.

Grâce aux séances de sensibilisation, les habitants du camp s’intéressent désormais aux moyens de se protéger de l’infection, et viennent parfois au centre réclamer des préservatifs, vendus 100 francs CFA (0,20 dollar) les trois ou offerts, selon les cas.

«Les mamans qui vont à la pesée pour leur bébé, on leur donne gratuitement des préservatifs», a dit Ghislaine, une réfugiée congolaise de 38 ans, mère de huit enfants. «Si les préservatifs sont gratuits, [les femmes] vont les utiliser pour protéger leur corps.»

Nicolette, l’une de ses compatriotes âgée de 20 ans et mère de «deux enfants seulement», a confirmé. «Moi, je les utilise toujours», a-t-elle dit, soulignant que les ruptures de stocks étaient courantes.

En RCA, l’un des problèmes majeurs, en cas d’infection au VIH, reste l’accès aux antirétroviraux (ARV), ont rappelé les acteurs de la lutte contre le sida. Un problème auquel n’échappent pas les populations de réfugiés.

En 2003, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a octroyé à la RCA une subvention de 25 millions de dollars sur cinq ans pour lutter contre le VIH/SIDA.

Ce financement a permis à 2 860 personnes de commencer un traitement ARV, sur les plus de 30 000 qui en auraient besoin, selon les Nations unies. Peu de réfugiés font partie des bénéficiaires de ces médicaments qui prolongent et améliorent la vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA.

En attendant de pouvoir élargir l’accès aux ARV à davantage de réfugiés, un projet sur lequel les partenaires nationaux et internationaux sont en train de travailler, la seule solution est de tenter d’utiliser au maximum les ressources disponibles.

«Les listes d’attente sont longues», a rappelé Nancy, assistante sociale VIH/SIDA au HCR. «Pour l’instant, il faut négocier pour qu’un réfugié puisse avoir accès [au programme] dès qu’il y a une place.»

ail/ab

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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