Des scènes de violence ont éclaté la semaine dernière, à Dutse, la capitale de l’Etat de Jigawa proche de la frontière nigérienne, a la suite de rumeurs faisant état de propos blasphématoires tenus par un commerçant chrétien à l’encontre du prophète Mohammed.
Selon certains analystes, les troubles auraient été également provoqués par des jeunes sans emploi qui exploitent généralement les dissensions religieuses pour se livrer à des pillages.
Une foule de jeunes en colère a saccagé la ville de Dutse, peuplée majoritairement de Musulmans, pillé des magasins, mis le feu aux églises et aux bâtiments appartenant à des Chrétiens. Plus de 1 000 personnes ont trouvé refuge dans les commissariats de la ville, ont révélé des sources policières.
Une histoire émaillée d’épisodes violents
En février dernier, dans six des 36 Etats de la Fédération nigériane, au moins 150 personnes ont été tuées et 50 000 autres ont été contraintes à s’enfuir, à la suite d’affrontements ethno-religieux survenus à Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria. Ces incidents ont éclaté à la suite de manifestations organisées par de jeunes Musulmans qui protestaient contre les caricatures du Prophète Mahomet publiées au Danemark.
Pays le plus peuplé d’Afrique, avec quelque 130 millions d’habitants, le Nigeria a été le théâtre de douzaines d’incidents violents depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement civil du Président d’Olusegun Obasanjo en 1999.
Selon les chiffres avancés par International Crisis Group (ICG), une ONG basée à Bruxelles et spécialisée dans l’analyse de conflit, plus de 14 000 Nigérians ont été tués et trois millions d’autres ont été contraints à fuir leur domicile depuis 1999.
La plupart des personnes déplacées se sont réfugiées auprès de parents, d’amis ou alors au sein de communautés dans lesquelles leur groupe ethnique était majoritaire.
D’après le Centre de surveillance des déplacements internes du Conseil norvégien des réfugiés (IDMC), basé à Genève, la plupart de ces déplacés sont retournées chez eux ou se sont installés à proximité de leur ancien domicile une fois le calme revenu. Toutefois, des milliers de Nigérians vivent actuellement à l’étranger.
Les rivalités entre les principaux groupes ethniques (les Haoussas-Foulanis au nord, les Igbos au sud-est et les Yoruba au sud-ouest) et les tensions religieuses entre les Musulmans et les Chrétiens sont souvent à l’origine des violences.
D’après l’ICG, la déliquescence des services publics n’a fait qu’exacerber les différends, contraignant la population à dépendre des « programmes d’entraide proposées par les organisations civiques, communautaires, religieuses ou ethniques ».
Et dans ce pays producteur de pétrole, de telles tensions sont entretenues par les élites d’une classe dirigeante qui n’hésitent pas à exploiter les clivages sociaux et la rivalité entre les factions.
De nouveaux déplacements de populations sont à prévoir
Si les élections présidentielles prévues pour avril 2007 se tiennent dans ce contexte de violence et de division, il faudra s’attendre à de nouveaux déplacements massifs de population, ont prévenu des analystes.
Dans un rapport publié la semaine dernière, l’IDMC a indiqué que « les divisions au sein du gouvernement du Président nigérian Olusegun Obasanjo et la course à l’investiture avaient conduit à une augmentation du nombre de crimes politiques et avaient instauré un climat d’insécurité dans l’ensemble du pays ».
« Si le gouvernement ne parvient pas à consolider les acquis de la fragile démocratie nigériane et à organiser des élections justes et libres, des mouvements massifs de populations pourraient avoir lieu à la fois au Nigeria et hors des frontières du pays », a souligné l’IDMC.
L’IDMC souligne, par ailleurs, que dans l’Etat du Plateau situé au centre du pays et peuplé majoritairement de Chrétiens, les risques de conflits intercommunautaires sont réels. En effet, les affrontements qui ont opposé en 2004 éleveurs musulmans et fermiers chrétiens ont fait plus de 1 000 morts et près de 258 000 déplacés.
La demande de sécession de la population du sud-est, la résistance de certains habitants de Bakassi face à la restitution au Cameroun de la péninsule riche en pétrole et enfin le climat d’insécurité qui règne dans la région du Delta du Niger seraient, toujours selon l’IDMC, autant de problèmes d’actualité qui pourraient dégénérer et entraîner de nouveaux déplacements de populations.
Des douzaines de personnes ont été enlevées et tuées dans le Delta depuis le début de l’année – des attaques souvent menées par des milices armées qui revendiquent le contrôle de la manne pétrolière de la région.
Bien que le Nigeria soit le dixième plus grand pays producteur de pétrole, 37 pour cent de sa population vit avec moins d’un dollar par jour, selon la Banque mondiale. A titre de comparaison, au Sénégal, un petit pays d’Afrique de l’Ouest, exportateur d’arachides et de poissons qui ne dispose d’aucune ressource naturelle importante, le revenu par habitant est deux fois supérieur à celui du Nigeria.
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