A la tête d’un millier d’hommes et fort du soutien du Soudan, Idriss Déby s’est emparé du pouvoir en 1990 en reversant Hissène Habré, l’homme qu’il a contribué à installer aux commandes de l’Etat tchadien. Quinze années plus tard, le Président Déby pourrait bien être confronté au même scénario, sauf que cette fois-ci, il se trouverait plutôt dans le rôle de l’usurpé et que le Soudan travaille contre lui.
La présidence de M. Deby a été marquée par une succession de rebellions, de reformes politiques douteuses et de contentieux avec les bailleurs au sujet de la gestion de la nouvelle manne pétrolière.
Après avoir survécu à une récente attaque des forces rebelles, le Président Deby a indiqué que les élections présidentielles prévues le 3 mai – et pour lesquelles il brique un troisième mandat après à un tripatouillage de la Constitution – auront lieu à bonne date. Mais pour ses adversaires politiques, un nouveau mandat de M. Deby, plongerait le pays et la région dans le chaos.
L’accession au pouvoir
Agé de 54 ans, Idriss Déby est un militaire de carrière qui a été un personnage central de la politique tchadienne au cours des deux dernières décennies. Né à Fada, une localité du nord proche de la frontière soudanaise, il appartient à l’ethnie Zaghawa. A 30 ans, il passe à la rébellion et aide le chef de guerre nordiste, Hissène Habré, à renverser le Président Goukouni Oueddei en 1982. Après avoir occupé de hautes fonctions au sein de la hiérarchie militaire, il est nommé ministre de la Défense dans le gouvernement du président Hissène Habré.
Mais en 1989, ses relations avec Hissène Habré se dégradent et M. Déby est accusé de complot contre l’Etat. Il s’enfuit au Soudan voisin où il obtient le soutien des autorités de Khartoum. Le 30 novembre 1990, M. Habré et son entourage quittent la capitale N’djamena après la prise de la ville d’Abéché, à l’Est du pays, par les hommes d’Idriss Déby. Deux jours plus tard, Déby arrive à la capitale pour prendre le pouvoir et promet d’instaurer le multipartisme et d’organiser des élections pour remplacer le système répressif de son prédécesseur.
Une succession de rébellions
Dès son accession à la présidence, M. Déby s’est reposé sur l’armée, dominée par les Zaghawas, pour asseoir son pouvoir et faire face à la menace permanente que constituent les rébellions et les soulèvements dans ce vaste pays désertique.
Une patrouille de soldats tchadiens |
Mais récemment, l’armée, sur laquelle Déby a assis son pouvoir, semble lui avoir tourné le dos. Depuis octobre 2005, bon nombre de soldats désertent les rangs des Forces armées tchadiennes et la plupart d’entre eux appartiennent à l’ethnie Zaghawa, preuve que M. Déby n’a plus le soutien des membres de son ethnie.
Beaucoup de soldats Zaghawas critiquent le Président parce que, selon eux, il n’en fait pas plus pour aider leurs frères soudanais Zaghawas qui mènent une rébellion contre le gouvernement de Khartoum dans la région occidentale du Darfour, au Soudan.
Une démocratie en trompe-l’oeil
M. Deby a consacré le principe du multipartisme après avoir levé l’interdiction des partis politiques en 1993. Treize ans plus tard, l’opposition politique reste faible, les opposants et les journalistes sont harcelés et emprisonnés, et les réunions politiques de l’opposition sont souvent interrompues.
En 1996 et 2001, M. Déby a remporté les élections présidentielles dans des conditions jugées acceptables par les observateurs nationaux et internationaux. Pour l’opposition, en revanche, le scrutin de 2001 a été entaché de fraudes. Plusieurs membres de la Commission électorale nationale ont démissionné en raison des nombreuses irrégularités constatées lors du décompte des voix et six candidats de l’opposition ont été arrêtés.
Passant outre l’engagement qu’il a pris de quitter le pouvoir au terme de ses deux mandats qui expirent en 2006, M. Deby a modifié la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat. Cette décision a suscité la colère des partis de l’opposition, des groupes de défense des droits de l’homme et des syndicats qui accusent M. Déby de vouloir se maintenir à vie au pouvoir. Les députés de l’opposition ont alors boycotté le vote de la modification de la Constitution à l’Assemblée nationale, qualifiant de farce le référendum national organisé par la suite.
Des pétrodollars, des armes et des relations tendues avec les bailleurs
Depuis 2003, le Tchad exporte son pétrole de la région de Doba par un gazoduc débouchant sur le terminal de Kibri, au Cameroun. Les recettes de l’Etat ont donc considérablement augmenté et, de l’avis de certains analystes, la manne pétrolière constitue un des enjeux de la lutte pour le pouvoir.
Malgré la manne pétrolière, le Tchad est le cinquième pays le plus pauvre de la planète |
En 2005, M. Deby s’est mis à dos les bailleurs en utilisant les revenus du fonds spécial – 10 pour cent des revenus du pétrole - destiné aux générations futures et en détournant le budget alloué à l’éducation et à la santé. La Banque mondiale a alors vivement réagi en suspendant ses financements au Tchad qui, malgré sa manne pétrolière, reste un des pays les plus pauvres de la planète.
Et tandis que M. Déby affirme que son gouvernement a besoin des recettes du pétrole pour investir dans les projets de développement du pays, beaucoup de Tchadiens démunis pensent que, de plus en plus isolé, M. Deby, a plutôt besoin d’argent pour acheter les armes qui lui permettront de défendre son gouvernement assiégé.
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