« Nous demandons un retour dans la dignité sous l’égide des Nations unies et d’autres organisations internationales », a déclaré à IRIN Sadikh Niasse, dont le groupe de défense des droits de l’homme est impliquée dans la campagne de rapatriement des réfugiés.
Regroupés au sein d’un collectif des réfugiés et de groupes de défense des droits de l’homme, les exilés ont adressé cette semaine aux autorités mauritaniennes un document de trois pages, la déclaration de Dodel, du nom du camp sénégalais où elle a été signée.
On estime à 65 000 le nombre de mauritaniens noirs ayant fui leur pays pour se réfugier au Sénégal et au Mali entre 1989 et 1991 et échapper aux affrontements ethniques qui ont fait des centaines de morts. Beaucoup d’exilés sont retournés plus tard dans leur pays, mais ils ont souvent eu des difficultés pour retrouver un emploi et reprendre possession de leur maison.
Les signataires de la déclaration espèrent désormais trouver une issue heureuse aux seize années d’exil des 20 000 personnes restant encore au Sénégal et aux 7 000 autres qui vivent au Mali, selon les estimations du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Tous les espoirs se fondent sur l’ouverture politique de la nouvelle junte militaire au pouvoir en Mauritanie qui, après la destitution du président Maaouya Ould Taya le 3 août, avait annoncé qu’elle instaurerait un processus démocratique, relâcherait les prisonniers et autoriserait le retour des exilés politiques.
La déclaration de Dodel, envoyée au gouvernement Mauritanien de Nouakchott et à son ambassade à Dakar, félicite les auteurs du coup d’Etat et accuse l’ancien régime d’avoir de lourdes responsabilités dans les actes de violations des droits de l’homme commis pendant la période de l’exil.
La Mauritanie se trouve coincée entre le Maghreb et l’Afrique de l’ouest et le problème des relations entre les noirs et les blancs arabes, les « beydanes », qui dominent la vie politique depuis l’indépendance, est très sensible.
En 1989, un différend foncier mineur avait déclenché un conflit frontalier entre la Mauritanie et le Sénégal et entraîné des affrontements ethniques qui ont fait dizaines de milliers de réfugiés et d’expulsés.
« On a peur de parler de ce qui peut diviser », a confié à IRIN un fonctionnaire du gouvernement, sous le couvert de l’anonymat.
Seydou Kane, président du mouvement d’opposition l’Alliance patriotique mauritanienne qui vient de rentrer au pays après 13 ans d’exile volontaire, pense qu’il est encore trop tôt pour porter un jugement sur la manière dont le nouveau gouvernement gère la situation.
« Nous attendons beaucoup de ce régime », a-t-il déclaré à IRIN. « Ce régime ne peut s’occuper de tout dans une période aussi courte ».
Mais étant donné les conditions difficiles dans lesquelles vivent les réfugiés, M. Niasse pense qu’il est urgent d’agir maintenant. Les réfugiés ne reçoivent plus d’aide alimentaire depuis une décennie et l’année 2005 a été particulièrement mauvaise dans les régions du Sahel en raison de la faible pluviométrie et de la pire invasion acridienne qu’ait connu la région depuis des décennies.
Réalisant qu’un retour organisé est peu probable dans un futur proche, des groupes de réfugiés demandent une aide alimentaire en attendant un rapatriement négocié au pays.
Mais à en croire Mahoua Bamba-Parums, le conseiller juridique du HCR à Dakar, les bailleurs internationaux sont bien trop sollicités. En 1995, lorsque le HCR a coupé l’aide alimentaire aux réfugiés mauritaniens, d’autres crises humanitaires avaient éclaté et les contributions des donateurs avaient été orientées vers d’autres priorités.
« Si on lance un appel au rapatriement, je vous assure qu’il y en aura de l’argent », a-t-elle déclaré à IRIN. « Mais avant tout, il faut avoir des garanties ».
Outre la supervision internationale, la déclaration exige la reconnaissance de la citoyenneté des réfugiés et des compensations financières pour la perte de leurs biens.
Selon Bamba-Parums du HCR, le gouvernement devra aussi garantir officiellement la sécurité personnelle des réfugiés et prendre l’engagement qu’ils ne feront l’objet d’aucune tracasserie avant que l’agence de l’ONU ne décide de superviser le rapatriement.
« Lorsque toutes ces conditions seront réunies nous prendrons part aux opérations de rapatriement », a déclaré Bamba-Parums.
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