1. Accueil
  2. West Africa
  3. Liberia

Plus d’armes et plus rien à faire, se plaignent des ex-combattants mécontents

[Liberia] Fighters loyal to former Liberian president Charles Taylor line up to surrender their weapons to UN peacekeepers at a disarmament camp in Ganta, Nimba county, September 2004.
IRIN
The UN estimates that more than 100,000 ex-combatants have been disarmed
"Ce n’est pas ce que nous voulions, rester là à ne rien faire", s’est plaint l’ex-combattant libérien Mamadee Kelle, parlant au nom d’un groupe d’ex-combattants qui passent leur temps à mendier dans les rues de cette ville reculée depuis la restitution de leurs armes le mois dernier dans le cadre du programme de désarmement de l’ONU.

Comme de nombreux autres ex-combattants désœuvrés de Voinjama, la ville principale du comté de Lofa au nord-est du Liberia, Keller était membre du groupe rebelle des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) qui a dominé la scène politique du Liberia au cours des cinq dernières années.

En début d’année, ils ont, comme plus de 100 000 autres, accepté de restituer leurs armes aux forces de maintien de la paix de l’ONU contre une prime de démobilisation de 300 cent dollars américains et la promesse d’un travail ou d‘une formation.

“Nos responsables et la Commission nationale de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de réhabilitation (NCDDRR) nous avaient promis que ces programmes nous aideraient à nous réinsérer dans la société", a indiqué Keller.

Le mécontentement est général chez les ex-combattants du Liberia qui ont le sentiment de s’être fait avoir avec l’accord de paix du mois d’août 2003.

Selon Keller, quelque 2 000 des 5000 ex-combattants du LURD vivant dans le comté reculé de Lofa près de la Guinée et de la Sierra Leone sont désœuvrés.

Pour l’International Crisis Group (ICG), une organisation non gouvernementale basée en Belgique, la restauration de la paix au Liberia avant les élections d’octobre 2005 dépendra en grande partie de la réinsertion de ces jeunes combattants dans le circuit scolaire ou professionnel.

“Si la réintégration se passe mal, il est presque certain que la guerre éclatera à nouveau tôt ou tard”, a fait savoir cet influent groupe de réflexion dans un rapport publié début décembre.

ICG a rappelé que le programme de désarmement et de réintégration initié au Liberia début 1997 s’était mal passé et avait donné lieu à beaucoup de frustration et de colère et entraîné finalement la reprise de la guerre civile.

Selon le correspondant d’IRIN, un sentiment de frustration s’est emparé des jeunes de Voinjama où une cinquantaine d’ex-combattants oisifs se sont assis à quelques mètres du quartier général des casques bleus de l’ONU en signe de protestation pour sensibiliser les autorités sur leur sort.

"En tant qu’ex-combattants, nous sommes confrontés à de nombreux problèmes à Lofa”, s’est plaint le jeune Varley Dolley. “Avant le désarmement, on nous avait promis une formation professionnelle et d’autres avantages, mais nous n’avons rien reçu".

Certains jeunes ex-combattants, des garçons et filles âgés pour la plupart de 15 à 20 ans, en sont réduits à la mendicité pour survivre.

Dolley, qui espérait devenir mécanicien, s’est plaint de la situation : "A plusieurs reprises nous nous sommes assis devant le quartier général des forces pakistanaises de maintien de la paix, espérant qu’elles nous aideraient à suivre une formation professionnelle ou à intégrer une école. Mais nous n’avons perçu aucun signe d’espoir."

Pour Edward Sally, un autre ex-combattant, le rapatriement lent mais régulier des réfugiés libériens complique aussi la vie des ex-rebelles. “Certains ex-combattants n’ont même plus de toit. D’autres ont été expulsés des maisons qu’ils occupaient parce que les propriétaires sont revenus et ont réclamé leur bien."

Les quelque 5000 qui opéraient dans le comté reculé de Lofa, un fief du LURD, font partie du dernier groupe des 102 193 rebelles à avoir été désarmé au cours de la campagne de démobilisation de huit mois qui s’est achevée fin novembre avec un mois de retard.

Cette campagne a permis à l’ONU de récupérer 27 000 armes, 6,2 millions de munitions pour armes légères et près de 30 000 pièces d’artillerie lourde, y compris des obus de mortier.

En compensation, les ex-partisans de l’ancien président Charles Taylor et des deux mouvements rebelles qui l’ont combattu - LURD et MODEL (Movement for Democracy in Liberia) – devaient recevoir une prime 300 dollars dont une partie leur serait versée lors de la restitution des armes, le reste devant servir à leur réintégration sociale après le retour dans leur communauté. Une formation professionnelle et scolaire avait également été promise pour faciliter leur réinsertion.

Mais à Voinjama, les ex-combattants du LURD se plaignent de n’avoir reçu ni le reste de leur pécule, ni la formation promise.

"Nous avons fait parvenir plusieurs courriers à la commission de désarmement à Monrovia pour leur notifier que certains d’entre nous réclamaient les 150 dollars restants pour leur permettre de démarrer un petit commerce, plutôt que d’attendre une hypothétique formation scolaire”, a fait remarquer Keller.

"Nous ne mènerons aucune action susceptible d’entraver le processus de paix”, a t-il ajouté. “Tout ce que nous voulons, c’est notre prime de formation".

Mais un ex-combattant en colère a rétorqué : "Nos amis sont inscrits dans des écoles à Monrovia et dans d’autres villes du Liberia, mais pas nous".

Au cours d’un entretien qu’il a accordé à IRIN à Monrovia, Sekou Conneh a confié que les ex-combattants exerçaient sur lui une pression de plus en plus forte pour récupérer le reste de leur prime de désarmement.

"Ces ex-combattants ont été abandonnés”, s’est plaint Conneh. “Je suis un peu gêné de constater qu’ils n’ont pas perçu pour le moment la totalité de la prime de désarmement".

"Toutes les dispositions de l’accord de paix doivent être respectées”, a t-il ajouté, “y compris celle portant sur les programmes de formation proposés aux ex-combattants après le désarmement. Il est important de poursuivre la dynamique de paix que connaît actuellement le pays».

Mais Molley Passaway, le porte-parole de la NCDDDR a révélé à IRIN en début de mois que les fonds destinés à financer les programmes d’éducation et de formation professionnelle de plus de 100 000 ex-combattants inscrits étaient épuisés.

"Sur l’ensemble des ex-combattants désarmés, seuls 26 000 suivent actuellement un programme de formation professionnelle et scolaire, mais le sort des autres constituent un sérieux problème pour la commission", a t-il reconnu.

Le manque de fonds est dû au fait que le nombre d’ex-combattants inscrits au programme de désarmement s’est révélé bien supérieur à celui qui était prévu.

Selon les estimations de la Mission des Nations Unies au Liberia (MINUL), établies avant le démarrage du programme de désarmement, près de 38 000 ex-combattants devaient être démobilisés.

Mais à la fin du programme, trois fois plus d’ex-combattants se sont présentés dans les centres de désarmement pour exiger leur prime de démobilisation, bien qu’un seul combattant sur quatre ait restitué une arme.

Des critiques se sont élevées contre le programme de désarmement de la MINUL arguant que de nombreux civils qui n’ont aucune expérience des armes s’étaient présentés dans les centres de désarmement pour exiger la prime de démobilisation, grâce à la complicité de chefs militaires qui percevaient au passage une partie du pécule.

En septembre dernier à New York, le gouvernement libérien de transition et les Nations Unies ont, dans un document conjoint, prévenu les bailleurs que certains ex-combattants, impatients de ne pas avoir reçu la formation professionnelle ou scolaire promise, par manque de financement, constituaient une menace pour la sécurité nationale.

"L’incapacité à intégrer les combattants démobilisés dans des instituts de formation est l’une des principales causes des troubles et des émeutes au Liberia", a noté le document.

Cette remarque sonnait comme une prophétie puisque fin octobre, 16 personnes étaient tuées à Monrovia au cours d’affrontements entre catholiques et musulmans. Les émeutes se sont répandues à plusieurs autres villes principales obligeant les forces de la MINUL à imposer un couvre-feu pendant plusieurs jours.

A la même période, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) lançait un appel de fonds de 58 millions de dollars supplémentaires pour financer la formation des combattants démobilisés sur les trois prochaines années.

"Toute suspension du placement de ces ex-combattants dans le programme RR (réhabilitation et réintégration) aura de sérieuses conséquences sur l’ensemble du processus de paix au Liberia", a prévenu le PNUD.

La semaine dernière, ICG a aussi fait part de ses préoccupations.

“De nombreux observateurs craignent que les élections présidentielles d’octobre 2005 ne soient l’occasion pour le gagnant d’emporter toute la mise, excluant toute perspective de partage du pouvoir avec le perdant, ce dernier n’ayant alors pour seule alternative la reprise de la guerre”, indique le rapport.

Si le pécule promis pour leur réinsertion n’est pas payé rapidement, les ex-combattants et les caches d’armes qui ont échappés au désarmement pourraient refaire parler d’eux.

“Les bailleurs ayant promis de verser une contribution financière en février 2004 doivent le faire immédiatement pour éviter de décevoir à nouveau les ex-combattants libériens”, indique le rapport d’ICG.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join