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Pleins feux sur la dispute autour des ressources pétrolières en mer

Lorsque la Cour suprême du Nigéria a décrété il y a un mois que toutes les ressources du pays de gaz et de pétrole en mer appartiennent au gouvernement fédéral, la décision sonnait comme un triomphe apparent pour le président Olusegun Obasanjo. Pas tant que cela, avertissent des analystes.

"Même si M. Obasanjo a gagné un bataille juridique significative à la Cour suprême, une énorme bataille politique l'attend », a commenté à IRIN Ike Onyekwere, un analyste politique. « Et la façon dont il va s'y prendre en dira long sur la stabilité politique du Nigéria ».

Bien que la Constitution de 1999 du Nigéria stipule que 13 pour cent du revenu pétrolier du pays doit être alloué aux Etats producteurs de pétrole, M. Obasanjo, après sa prise de fonction, a limité l'allocation au revenu pétrolier provenant des ressources pétrolières terrestres. Ceci a provoqué une protestation stridente des Etats littoraux producteurs de pétrole.

Alors que la polémique allait bon train, le gouvernement fédéral a déposé une plainte en 2001 contre les 36 Etats du pays, sollicitant une interprétation de la Haute Cour sur ce qui constituait les frontières au large des côtes des Etats. Le 5 avril 2002, la Cour suprême a décrété que la frontière au large des huit Etats littoraux terminait à leur marque de basse mer, ce qui a effectivement donné au gouvernement fédéral le contrôle sur les ressources gazières et pétrolières en mer.

Alors que la décision a représenté une victoire juridique clef pour M. Obasanjo, elle n'en a pas moins déclenché une spirale politique sans fin pour lui dans la région pétrolière rétive du sud appelée le Delta du fleuve Niger. Pendant quatre décennies d'activités pétrolières, la région, peuplée essentiellement de minorités ethniques, a souffert d'une grave négligence et d'une dégradation de l'environnement, proclament les habitants de la région.

Au fil du temps, la pensée populaire qui s'est développée dans la région pétrolière était que les gouvernements successifs dominés par les ethnies de la majorité, en particulier les musulmans de langue haoussa du nord et les Yoroubas de la région du sud-ouest, dont est originaire M. Obasanjo, ne sont intéressés que par l'évacuation de la richesse pétrolière pour développer leurs régions. L'indignation née de cette perception a alimenté l'agitation qui s'est manifestée à travers des protestations violentes et la perturbation des activités pétrolières par des actions de sabotage et de prise d'otages dans le Delta du fleuve Niger tout au long de la décennie écoulée.

Pour les Etats de la région pétrolière, le verdict de la Cour suprême a impliqué une forte baisse du revenu. L'Etat le plus frappé est celui d'Akwa Ibom, dont la part des revenus pétroliers provient uniquement de la production en mer. Non seulement il perdrait le revenu, mais il serait obligé maintenant de retourner au Trésor public les sommes importantes qui lui ont déjà été allouées.

Le professeur de droit nigérian, Itse Sagay, pense que la décision « va exacerber le conflit » entre le gouvernement fédéral et les Etats producteurs de pétrole. « Mis à part le fait que le jugement est une négation claire des normes du droit international, aux termes duquel le plateau continental est une partie inaliénable et inhérente de l'Etat côtier, les lois domestiques nigérianes appliquées sont celles qui constituent une expropriation flagrante des ressources naturelles des minorités du sud », a-t-il écrit dans le journal indépendant 'Thisday'.

Des signes sont déjà manifestes quant à la détérioration, à cause de la décision, des relations personnelles entre M. Obasanjo et le gouverneur de l'Etat d'Akwa Ibom, Victor Attah, en dépit du fait que les deux hommes sont membres du même Parti démocratique du peuple, au pouvoir.

Le 2 mai, M. Attah a organisé une réunion de ce qu'il a appelé "l'assemblée générale du peuple d'Akwa Ibom », dans laquelle il a accusé M. Obasanjo d'introduire personnellement la distinction mer/terrestre et de dispenser les 13 pour cent du revenu pétrolier réservé aux Etats producteurs de pétrole.

Il a fait allusion à la constitution du Nigéria, lors de l'indépendance en 1960, qui stipule que le plateau continental appartenait aux régions littorales, et a fait remarquer que c'est la constitution de 1979, supervisée par M. Obasanjo comme dirigeant militaire, qui a délibérément omis la disposition et a maintenu la distinction. Une fois que la dichotomie mer/terrestre a été abolie en 1992 par le dirigeant militaire de l'époque, le général Ibrahim Babangida, a précisé M. Attah, c'est Obasanjo qui l'a restaurée à nouveau après son accession au pouvoir en 1999, et face aux protestations, il est allé devant la Cour suprême.

Le discours de M. Attah a été suivi le jour même par une vague de manifestations dans la capitale de l'Etat, Uyo, au cours de laquelle des jeunes en colère ont dénoncé tant M. Obasanjo que la Cour suprême, et ont menacé de résister contre ce qu'ils considèrent comme une expropriation de leurs ressources.

En fait, depuis la décision, les incidents de violentes protestations et de perturbation des activités pétrolières par les jeunes militants, qui avaient diminué l'année dernière, semblent avoir repris de plus belle. A la fin du mois dernier, de jeunes militants sont montés sur une plate-forme pétrolière du géant ChevronTexaco au large des côtes et ont pris en otage près de 90 employés étrangers et nigérians pour appuyer leurs demandes d'emplois et de compensation. Les jeunes les ont remis en liberté trois jours plus tard.

ChevronTexaco a aussi été forcée, au cours du mois dernier, de fermer plusieurs puits pétroliers dans les Etats d'Imo et du Delta, où plusieurs communautés ont émis des conditions strictes (notamment l'octroi d'emplois et de compensation), avant qu'elles autorisent la compagnie à opérer dans leur région.

Des jeunes de l'ethnie Ijaw, la nationalité la plus importante dans le Delta du fleuve Niger, ont organisé le 3 mai une manifestation pacifique dans les locaux de la compagnie pétrochimique italienne Agip contre ce qu'ils considèrent les politiques défavorables d'emploi de la compagnie. Ils n'ont pas été impressionnés par la présence de policiers armés qui ont tiré des coups de feu en l'air alors qu'ils s'approchaient.
"Ils ont vu que nous ne serions pas impressionnés, ils ont cessé de tirer contre nous et ont invité les administrateurs à discuter avec nous », a déclaré aux journalistes Kingsley Kuku, un porte-parole du Conseil des Jeunes Ijaw, qui a organisé la protestation. Il a précisé que des réunions du même ordre ont eu lieu avec des responsables de Royal/Dutch Shell et de la compagnie allemande de construction, Julius Berger, la semaine précédente.

L'opinion populaire dans la région pétrolière remonte aux premières années de l'indépendance, lorsque l'arachide produit dans le nord, le cacao produit dans le sud-ouest et l'huile de palme du sud-est, étaient les principales sources pour les échanges extérieurs du pays. Produits respectivement sur les terres des Haoussa, des Yoroubas et des Igbos, les trois grandes ethnies du pays, leurs régions jouissent du contrôle absolu de ces ressources.

Le contrôle régional des ressources a été réduit après que les militaires se soient emparés du gouvernement en 1966, d'abord à 50 pour cent en 1970, et quelques années plus tard à 45 pour cent. En 1977, M. Obasanjo en tant que dirigeant militaire avait coupé davantage le contrôle régional des ressources à 25 pour cent. Sous les gouvernements militaires suivants, il a baissé à un pour cent. Avec l'agitation des minorités de la région pétrolière, il a augmenté depuis à trois pour cent, puis à 13 pour cent, approuvé par la Constitution de 1999.

Selon le gouverneur Attah: "Il doit y en avoir certains qui sont irrités par nos efforts actuels visant à améliorer nos destins et à changer nos rôles. Il y en a qui veulent que nous restions perpétuellement des servants et des servantes domestiques. Il y a ceux qui ne peuvent accepter que nous fabriquions maintenant nos propres briques pour bâtir nos propres maisons, alors ils doivent reprendre la paille. Nous disons, rendez-nous notre paille ».



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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