Des rapports publiés mardi dernier font état d’allégations d’exploitation sexuelle sur une vingtaine d’enfants parfois âgés d’à peine 12 ans, par des Casques bleus des Nations Unies en poste à Juba, la capitale du Sud Soudan.
Pour Luka Biong Deng, le ministre sud soudanais aux affaires présidentielles, les abus sexuels commis sur des enfants sont comparables à des atrocités.
« Le gouvernement s’engage à traduire en justice toute personne impliquée dans de telles atrocités », a-t-il déclaré. « Nous avons mené une guerre longue et acharnée pour qu’ils [les enfants] puissent avoir les moyens de mener une vie productive, heureuse et libre. »
« Je ne tolèrerai pas que ces enfants soient victimes de violences sexuelles à une époque où ils devraient savourer les fruits de la paix. Que les auteurs de ces crimes prennent note : vous n’aurez plus le droit de mener des opérations au Sud Soudan », a-t-il poursuivi.
Les Nations Unies avaient déjà commencé à mener leurs propres investigations.
« Nous collaborons très étroitement avec le gouvernement du Sud Soudan et nous sommes ravis que ce dernier ouvre une enquête », a affirmé George Somerwill, porte-parole de la Mission des Nations Unies au Soudan.
Jennifer Kiiti, spécialiste des questions d’abus sexuels, a expliqué que la meilleure façon de lutter contre le fléau qui secoue le Sud Soudan était de demander aux membres de la communauté locale de rapporter les différents cas d’abus sexuels.
Selon elle, il est fort possible que suite à la publication des rapports dénonçant les abus sexuels, la population s’en prenne aux travailleurs humanitaires.
En effet, Jennifer Kiiti, qui a mis en place des mécanismes de formation et de communication pour les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales (ONG) en poste au Sud Soudan, a souligné que compte tenu de la gravité des allégations, la communauté locale risquait de se retourner contre les travailleurs humanitaires.
Toujours d’après Jennifer Kiiti, les communautés locales devraient suivre une formation qui leur exposerait les conséquences des abus sexuels et des viols. En outre, inciter la population locale à rapporter les cas de viols ou d’abus sexuels permettrait de décourager les auteurs de ces crimes, a-t-elle ajouté.
« Si vous froissez la communauté locale, elle réagira, elle ne gardera pas son calme », a rappelé Mme Kiiti.
Elle a raconté avoir entendu parler en novembre dernier d’un cas où des habitants avaient fouetté en public une personne accusée d’avoir une relation avec l’un des membres de la communauté.
« La personne en question a reçu 200 coups de fouet en public. Je ne sais pas s’il s’agissait d’un travailleur humanitaire, mais il a été puni dans les règles de la tradition, une punition bien plus rigoureuse et désagréable [qu’une comparution devant les tribunaux] », a-t-elle estimé.
Impliquer les populations locales
Mme Kiiti a indiqué qu’il était impossible de surveiller les milliers d’employés nationaux et internationaux qui travaillaient dans la ville de Juba.
« C’est la raison pour laquelle la population locale a un grand rôle à jouer. Nous devons parler avec elle, la former et la responsabiliser. Tant que nous ne ferons pas cela, les problèmes persisteront », a-t-elle dit.
Par exemple, à l’hôpital de Juba, le personnel de santé n’a pas été formé et ne sait pas quels soins prodiguer aux personnes victimes de viols. La communauté locale ne sait même pas que des services sont à la disposition des victimes, a-t-elle déploré.
« Beaucoup de progrès ont été accomplis dans ce domaine, au Sud Soudan. Mais tant que la politique de tolérance zéro n’est pas entièrement appliquée, il existera un vide juridique et les employés croiront pouvoir s’en sortir sans être jugés pour leurs actes », a poursuivi Jennifer Kiiti.
Toujours selon la même source, la prostitution a augmenté à Juba en raison de l’arrivée massive de travailleurs étrangers et de la pauvreté de la population locale.
Ce n’est pas la première fois que le personnel des Nations Unies se retrouve au centre d’une affaire d’abus sexuels. En effet, d’après les chiffres avancés par le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies (DPKO) en août 2006, depuis janvier 2004, 313 employés civils et militaires ont été poursuivis pour des allégations d'exploitation sexuelle.
Sur ces 313 personnes, 202 étaient en poste en République démocratique du Congo (RDC), où les Nations Unions ont déployé leur plus importante opération de maintien de la paix, une mission forte de 17 000 hommes. Diverses actions ont été entreprises à l’encontre des auteurs de ces crimes.
En novembre 2005, le DPKO a créé un groupe de déontologie et de discipline après la publication d’un rapport par le prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Husein de Jordanie, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies en matière d'exploitation et abus sexuels par le personnel des opérations de maintien de la paix.
Le prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Husein a été nommé en juillet 2004, à la suite d’allégations d’abus sexuels commis par des travailleurs humanitaires et des Casques bleus sur des enfants, dans diverses régions du monde, dont l’Afrique de l’Ouest.
Depuis, les pays fournisseurs de contingents militaires ont dû élaborer un code de conduite, adopter des mesures disciplinaires adaptées et mettre en place des mécanismes de responsabilité.
eo/sw/jm/cd/ail
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions